André Zucca (1897-1973) photographe français, d’origine piémontaise, né à Paris. Il passe une partie de sa jeunesse aux États-Unis avant de revenir en France en 1915. Il s'engage dans l'armée française pendant la Première Guerre mondiale, est blessé et décoré de la croix de guerre.

    • De 1935 à 1937 il réalise de nombreux reportages à travers les Balkans, autour de la Méditerranée, en Italie, Grèce, Yougoslavie et le Maroc, puis il s’embarque a bord d’un cargo au Havre rejoindre le Japon, voyage en Chine et en Inde. Aux côtés de Joseph Kessel, il travaille au sein de plusieurs journaux « L'Illustration », « Paris-Soir », « Match », « Comœdia », « Life ». Il se révèle comme un des photographes de presse les plus connus de sa période.

    • De 1939 à 1940, il couvre la drôle de guerre, sur le front de Finlande en tant que correspondant de guerre.

    • En 1941, il est réquisitionné pour travailler au journal « Signal », organe de propagande de l'armée allemande, et présente de façon positive l'occupation allemande, ainsi que la création de la LVF (Légion des volontaires français). Dans ce cadre, et pendant près de trois ans, il photographie la vie parisienne des français sous l'occupation, puis la libération de Paris. Ces activités ne sont liées à aucun engagement idéologique, même si il est parfois qualifié d'anarchiste de droite. Il est l'un des seuls à pouvoir photographier en couleur les scènes de la vie quotidienne des parisiens, à l'aide d'une pellicule Agfacolor très rare pour l'époque. Son fils Pierre naît en 1943, il est réalisateur et scénariste français.

    • Après la guerre, lors de l'épuration, il est arrêté en octobre 1944, son dossier fait l'objet d'un classement sans suite, il s'installe à Dreux sous un nom d'emprunt d’André Piernic, où il ouvre une boutique de photos de mariage, de communions. Il retourne à Paris en 1965 et meurt à Montmartre en 1973.

    • Ses archives sont rachetées par la Bibliothèque historique de la ville de Paris en 1986, elles se composent principalement de clichés pris pendant la seconde guerre mondiale et plus particulièrement pendant l'occupation à Paris. En 2008, les éditions Gallimard organisent avec la Ville de Paris une exposition consacrée à ses clichés sous l'Occupation, exposition qui suscite immédiatement une vive polémique.

    • Son fonds photographique représente près de 22.000 négatifs noir et blanc et 1.300 diapositives couleur qui sont aujourd'hui conservés et diffusés par l’agence Roger-Viollet.


André Zucca est le photographe français accrédité de « Signal », journal de propagande nazie créé en 1940 à l’initiative de Goebbels, diffusé dans tous les pays occupés par l’armée allemande. Même si le doute plane de sa collaboration avec l’Allemagne, il reste de nos jours le seul Français à avoir photographier Paris à cette période, en laissant derrière lui un immense témoignage de l'Occupation. Les services allemands réglementent pendant l’occupation l'usage de la photo et interdisent notamment les prises de vues en extérieur à quiconque n'est pas accrédité, afin de prévenir l'espionnage et la contre-propagande. Sa collaboration au sein du journal lui apporte deux atouts majeurs, photographier Paris comme il le veut et lui donner le privilège de tester la pellicule « Agfacolor », fabriquée par l'Allemagne concurrençant la « Kodachrome » d'Eastman qui est elle utilisée pour certaines épreuves sportives des Jeux Olympiques de Berlin en 1936. L' « Agfacolor-neu » se présente sous forme de rouleaux 35 mm de 36 vues, a une sensibilité limitée à 16 ASA et convient bien au Leica de Zucca muni d'un objectif Carl Zeiss Tessar 50 mm.

Les photos couleurs que prend Zucca ne sont probablement pas réalisées en vue d’une parution dans les journaux pour lesquels il travaille, il publie peu de photographies couleurs, excepté pour son plaisir personnel ou à titre expérimental. Il double ses prises de vues, une muni de son appareil habituel, un rolleiflex 6x6, chargé en noir et blanc et une autre avec un Leica 24x36 équipé en couleur. Il opère avec un objectif unique, un 50 mm d’excellente qualité qui lui permet une grande ouverture de diaphragme ce qui compense en partie la faible sensibilité de sa pellicule et souvent de grandes profondeurs de champs. Cet objectif l’oblige à se rapprocher ou à s’éloigner de ses sujets pour obtenir un cadre désiré toujours très soigné. On peut constater que le passage d’un format carré à une géographie de l’image rectangulaire n’altère pas ses dons pour la composition de l’image, il réalise peu de gros plans mais beaucoup plus de plans larges. Il sait intégrer très vite la couleur dans la composition de ses images, en témoigne le célèbre cliché de la rue de Rivoli dans lequel les drapeaux nazis, qu'il transforme plus en taches de couleur qu'en emblèmes politiques.

Il travaille frontalement, en se faisant discret afin que sa présence ne modifie en rien le quotidien, le banal qu’il aime photographier. Il sillonne Paris tout entier de Ménilmontant à Montparnasse, de Saint Germain des Prés à la Nation, du zoo de Vincennes au jardin du Luxembourg, en passant par les Halles. Il photographie aussi bien les riches qui se pressent à une réunion hippique, que les miséreux, un clochard au bord de la scène, les éboueurs au petit matin, les loisirs, les fêtes foraines, les jardins publics et les belles femmes élégantes avec une prédilection particulière pour leurs jambes. Il s’intéresse dans le même temps aux affiches et aux enseignes, un art voisin du sien.

L'angle touristique de Zucca découle d'une vision toujours à la fois romancée, édulcorée de la réalité. Sa photographie effleure la surface des choses et des êtres, avec énormément de détails à l’appui. Il porte ainsi son regard sur le Paris occupé avec des prises de vues nettes et sans bavures. Ses clichés pourraient avoir été pris quelques années auparavant, les jours de congés, si les terrasses des grands cafés, les grands boulevards, les kiosques à musiques n’étaient pas encombrés par les uniformes des armées allemandes et les palaces de drapeaux à croix gammées.

Infatigable arpenteur du tout Paris durant les années 40’, muni de son appareil rolleiflex, toujours à la recherche d’images, il a une démarche très personnelle, il chasse les images, affectionne l’art et la beauté, est incontestablement esthète au sens pure, un précurseur de la photographie couleur ainsi qu'un grand photographe.

Place de l'Opéra, Paris, 1941

Rue de Rivoli, Paris, 1941

Rue Lepic et Boulevard de Clichy, Paris, 1943

Trois Jeunes Femmes, Paris, 1943