Lewis Carroll (1832-1898) photographe anglais né Charles Lutwidge Dodgson à Daresbury, dans le Cheshire, tout à la fois romancier, essayiste et professeur de mathématiques.

    • Issu d'une grande famille anglicane conservatrice de 11 enfants, très tôt, dès l’âge de onze ans, il développe un gout prononcé pour les arts, notamment l’écriture avec la publication d’un journal familial. Séparé de ses sœurs, il s’entoure de la grâce féminine, une monde qui devient pour lui une nécessité, préférant la compagnie des filles à travers laquelle il recherche son amour maternel qui ne l’a jamais enveloppé de douce chaleur, d'une mère disparue à 47 ans épuisée par les grossesses.

    • Il suit ses études au collège de Rugby, puis à la Christ Church d'Oxford et devient professeur de mathématique au sein de cette propre école, parallèlement, il publie son premier poème « Solitude » sous le pseudonyme de Lewis Carroll.

    • En 1856, à 24 ans, sa carrière de photographe prend vie à Londres, lorsqu'il achète son premier appareil photographique, quelques jours plus tard il se rend pour photographier la cathédrale et réalise ses premiers clichés de l'édifice dans le jardin du doyen Liddell au Christ Church College, endroit ou il trouve les trois fillettes Liddell assises sur l’herbe comme un tableau impressionniste dont Alice, sa future inspiratrice, et les prend pour modèle et la magie de l’écriture s’éclipse devant l’objectif, les trois sœurs deviennent immédiatement ses amies de jeu.

    • Dès lors, par la lorgnette, les petites filles sont son sujet favori, attiré et fasciné par la pureté de l’enfance, leurs traits juvéniles, il peut sans aucun complexe les coucher sur le papier photo, frôler leur sensualité naissante, immortaliser leurs regards charmeurs, jouer des déguisements et des mises en scène, comme dans un roman photographique, dans la solitude d’une chambre noire, témoin de ses fantasmes et de son regard d’homme.

    • Rapidement, il excelle dans l’art de la photographie et devient un photographe réputé, il effectue des clichés ses connaissances, peintres, écrivains, scientifiques ainsi que des paysages, des statues et des squelettes, par curiosité anatomique.

    • En 1858, l'un de ses clichés est exposé à Londres, celui de la petite « Agnes Weld », image d'une fillette avec sa capeline et son regard fauve attendant le loup, qui redonne un seconde vie au conte du « Petit chaperon rouge » de Charles Perrault.

    • En 1861, tout en étant effacé et discret, il devient diacre.

    • En 1866 il publie « Alice au pays des merveilles ».

    • En 1879, il s'adonne de plus en plus à la photographie de petites filles parfois déshabillées ou nues, en demandant toujours l'autorisation aux parents avant d'effectuer ses photographies déshabillées.

    • « J’espère que vous m’autoriserez à photographier tout au moins Janet nue , il paraît absurde d’avoir le moindre scrupule au sujet de la nudité d’une enfant de cet âge. » Lewis Carroll

    • En 1880, il abandonne totalement la photographie, pour deux raisons, la première dictée par la morale victorienne de mettre un terme à ses pratiques et la seconde par l’arrivée de la gélatine qui remplace le procédé du collodion humide, qui donne pour lui un air de facilité à la pratique, une ouverture à la portée de tous et banalise la photographie. Il décide de ranger définitivement l’appareil photo et insiste sur la plume.

Lorsque Lewis Carroll découvre l'appareil photographique, cet instrument qui fabriquent des images, lui semble une boite aux merveilles, un moyen qui lui offre en dehors des mathématiques et de l'écriture, de mettre en œuvre une fantaisie libérée de l'austérité de la philosophie britannique et de la vie religieuse. Une fantaisie infantile capable d'observer avec candeur la réalité, une fantaisie piquante, capable de mettre à nu les absurdités du monde humain.

Il se consacre aux portraits avec l’œil d'un pionnier visionnaire, il ne photographie pas comme le ferait la bonne société anglaise, mais en donnant un coup de pied à la pesante symbolique victorienne. Les jeunes filles qu'il photographie, il en fait des libres créatures des forets, empreintes de la grâce de l'age d’innocences, d'une fraicheur du regard qui contient tout et annonce tout.

L'appareil, qu'il a découvert dès 1856, est pour lui un outil afin de laisser libre court à sa créativité et son idée fixe. Ces fillettes sont son égal, il est comme elles, il a plaisir à leur inventer des histoires sans aucune logique, qu’elles écoutent captivées, la bouche ouverte, les yeux dans le rêve, le regard plus vraiment innocent parfois, instant magique avant de replonger dans l’imaginaire.

Son œuvre photographique reste une formidable captation de son époque, dans son travail il met en scène, avec une lumière léchée et étudiée qui enveloppe l’expression même du modèle, son regard personnel met en lumière le moment rêvé ou la petite fille mi-enfant, mi-femme prend vie, narrant une ère victorienne où des petites filles en fleurs s’ébattent dans un univers de fées et de vie onirique dans son imaginaire.

Même si Alice reste le fil rouge de ses photographies, qu’il immortalise tout au long de sa vie, il étend son domaine photographique, explorant d'autres thèmes, portraits, paysages, monde animalier.

En plus de photographier, il effectue lui-même ses tirages sur papier albuminé. Il arrête la photographie en 1880 lors de l’apparition les émulsions sur gélatine, qui remplacent le collodion humide, estimant cette nouvelle technique comme trop simple et à la portée de tous.

Dans la seconde moitié du 19eme siècle, il est l’un des premiers amateurs fervent de la photographie. Son œuvre reste importante pour la compréhension de l’époque victorienne et des mœurs de cette bourgeoisie. Durant 24 ans, c’est avec cette nouvelle forme d’art qu’il peut s’exprimer, sa passion photographique donne naissance à plus de trois mille clichés dont un millier ont survécu au temps et à la destruction volontaire.

« Lewis Caroll est l’un des plus grands photographes de son temps. » Brassaï

« La photographie est la nouvelle merveille du jour. » Lewis Carroll

Agnes Weld, Little Red Riding-Hood, 18 August 1857

Portrait d'Alice Liddell, vers 1862

Alice Liddell, 10 ans, déguisée en petite mendiante, pose avec un air boudeur pour Lewis Carroll, le nom de cette fillette devient célèbre tout autant que cette image, considérée par certains comme la plus belle photographie de petite fille de l'histoire, alors que d'autres y voient une profanation de l’enfance, le photographe s'en tient à l'écart, il laisse juger.

Un peu plus tard, durant une journée ensoleillé de juillet, lors d'une promenade en barque, Alice demande à Lewis de lui raconter une histoire, c'est alors qu'il esquisse un conte fantastique qui devient l'un des ouvrages les plus célèbres de la littérature anglaise.