Attar Abbas (1944-2018) photographe franco-iranien né à Khash, dans le Baloutchistan iranien. Au début des années 1950, très jeune il quitte avec ses parents son pays pour l’Algérie française ou il grandit. Dès l’âge de douze ans, tout en étant fasciné par les religions, son seul projet est de devenir photographe.

  • En 1968, il effectue ses classes durant les Jeux olympiques au Mexique et se tourne définitivement vers la photographie, débutant une carrière de photojournalisme.

  • En 1971, il retourne dans son pays, en Iran, puis commence à publier ses images dans de nombreux magazines internationaux, en couvrant les conflits politiques et sociaux des pays du Sud, le Biafra, le Bangladesh, le Viêt Nam, le Moyen-Orient, le Chili et sur l’apartheid en Afrique du Sud.

  • En 1973, il devient membre au sein de la toute nouvelle agence « Sipa », puis rejoint celle de « Gamma » de 1974 à 1980.

  • De 1978 à 1980, il photographie la révolution iranienne, un travail qui aboutit à la publication de son ouvrage intitulé « Iran, La révolution Confisquée » publié en 1980, il s'exile volontairement de sa terre natale.

  • En 1981, il intègre l'agence Magnum Photos et en devient membre à part entière en 1985.

  • De 1983 à 1986, il parcoure le Mexique, s’efforçant de photographier le pays à la manière d'un romancier, périple qui donne lieu à une exposition et un ouvrage précisant l’esthétique de sa démarche, « Return to Mexico, Journeys Beyond the Mask ».

  • A partir de 1986, de façon plus régulière, il s'intéresse à la politique française parce que le Front national commence à être une force présente, pesant sur les élections. Il voeut comprendre qui sont ces gens votant FN. Il continue à suivre et documenter la campagne législative qui est pour lui une révélation. Il découvre un monde totalement inconnu, un peu comme si il photographie « une tribu zouloue » déclare t-il.

  • Tout en trouvant cela passionnant, il souhaite y poser son regard, un regard tout à la fois caustique, décalé et respectueux afin de révéler que la politique est un métier difficile et exigeant, il enregistre les poignées de main, les repas républicains, la tournée des bistrots, des marchés. Un peu plus tard avec son projet France, en collaboration avec le magazine « VSD », il retourne naturellement dans ce milieu pour savoir ce qu'est devenue cette « tribu zouloue ».

  • « En 1986, j’avais un accès presque direct aux candidats. À présent, on ne peut plus les approcher. Dans un meeting, vous êtes maintenant parqué derrière un cordon, on ne peut plus bouger, on doit travailler au téléobjectif. Tout est contrôlé, calibré, millimétré. Il n’y a plus de repas, le décor a changé. Tout est fait pour les télés. » Abbas

  • De 1987 à 1994, il s’intéresse à la renaissance de l'islam à travers le monde, parcourant plus de vingt-neuf pays et quatre continents. Son reportage et l’exposition qui en résultent, aboutissent à « Allah O Akbar, A Journey Through Militant Islam », livre publié chez Phaidon en 1994, et sont particulièrement remarqués après les attentats du 11 septembre.

  • En 1997, après un exil de 17 ans, il retourne à nouveau dans son pays.

  • En 2000, il explore le monde chrétien dans ses dimensions politiques, rituelles et spirituelles, qui aboutit à un nouvel ouvrage publié aux éditions de La Martinière, « Faces of Christianity, A Photographic Journey ».

  • De 2000 à 2002, il se tourne vers l'animisme et s'interroge sur la résurgence de rituels irrationnels à une époque ou la science et la technologie s'imposent de manière croissante.

  • En 2002, il publie son ouvrage intitulé « Iran Diary 1971- 2002 », une interprétation critique de l’histoire de son pays, photographiée et écrite à la façon d'un journal personnel.

  • En 2008, il entreprend celle fois ci un essai photographique sur le bouddhisme, toujours avec le même regard sceptique, reportage publié en 2011 au sein d'un ouvrage « Les Enfants du lotus, voyage chez les Bouddhistes ». Puis il attaque un nouveau projet, celui sur le judaïsme à travers le monde.


Il est l'un des premiers photographes à comprendre la vague de passion religieuse provoquée par le Mollah, qui se répand comme une trainée de poudre dans tout le monde musulman. A la suite de son reportage à travers vingt-neuf pays musulmans, il continue sa quête avec toutes les autres religions, il les passe au filtre dans son viseur, du christianisme à l’hindouisme, au judaïsme.

Dès son retour dans son pays, il ne cesse de documenter le quotidien de ses concitoyens, en photographiant l’Iran du Chah, puis plonge au cœur de la révolution qui survient en 1979, il photographie l’effervescence des premières manifestations, la violence qui surgit, et la dévotion à l’égard de Khomeini.

Ses photographies sont loin d’être d'un style documentaire, elles sont glaçantes et si justes, comme celle du colonel S. J. Malan, directeur de l’école de police pour noirs, qu'il réalise en 1978 en Afrique du Sud au temps de l’apartheid.

« Le souffle de l’écrivain est alors nécessaire à cette entreprise, le photographe, n’est il pas celui qui écrit avec la lumière ? Mais à la différence de l’écrivain qui possède son verbe, le photographe est, lui, possédé par sa photo, par la limite du réel qu’il doit transcender pour ne pas en devenir prisonnier. » Attar Abbas

Il s’intéresse au système politique et social, ne juge jamais, il rend compte en réussissant à effectuer la synthèse de ses différentes passions. Pour lui la photographie est à la fois un moment exaltant et fragile, c'est une façon de décrire l'acte photographique et de définir les contours fondamentaux d'une esthétique à laquelle il reste fidèle depuis le début.

Ses portraits, il les réalise à la perfection, des soldats alignés dans une géométrique obsessionnelle, d'enfants plongeant dans l'eau, de femme vêtues de noir qui hurlent et pleurent, ou drapées de blanc comme des petits fantômes stylisés.

Son travail ne s'arrête pas au moment où il appuie sur l'obturateur, il se poursuit dans la sélection des images, la relecture de l'œuvre et dans la production d'un récit.

« Ma photo est une réflexion qui se concrétise dans l’action et aboutit à une méditation. La spontanéité, le moment suspendu, intervient pendant l’action, à la prise de vue. Une réflexion sur le propos la précède. Une méditation sur la finalité la suit. C’est là, pendant ce moment exaltant et fragile, que s’élabore la véritable écriture photographique, la mise en séquence des photos. » Attar Abbas

C’est en bichrome qu’il expose le monde, qu'il met en évidence les contradictions du monde de l'histoire iranienne, mexicaine, africaine, asiatique , il immortalise en noir et blanc les expressions, les visages autant les inconnus que Mohammed Ali, il met en avant l’espoir, la lutte, la colère, la croyance, l’engagement. Des images sincères ou la vie est telle qu’elle est, entre douceur et dureté.

« Je ne fais pas seulement des histoires sur ce qui se passe mais plutôt sur ma façon de voir ce qui se passe. » Attar Abbas

Le colonel S. J. Malan, Hamanskraal, Afrique du Sud, 1978

Une image en plongée, qui à elle seule dévoile avec force toute l’horreur d'un régime, photographie d'un colonel qui pose devant ses élèves, engoncé dans son uniforme, une baguette sous le bras prête à surgir pour corriger ses apprentis à la tête rasée, habillés d’un même short et de baskets blanches.

Extérieur de l’ambassade des États-Unis, Téhéran, 1979

Quartier pauvre après la révolution iranienne, Téhéran, 1979

Jacques Chirac, Hôtel de Ville, Paris, 14 juillet 1982

Étudiantes de l'Al Azhar Collège, Jakarta, 1989

La religion, des racines encombrantes pour ces jeunes étudiantes de Jakarta, à l'heure de la prière, des femmes qui portent le jilbab blanc, version locale du hijab, Abbas demande à l'une d'entre elles, si elle a pas trop chaud sous son voile synthétique, un homme répond à sa place, « Pas aussi chaud qu'en enfer ».

« L'islam m'a toujours évoqué les tons gris et poussiéreux des hauts plateaux, les ocres des dunes de sable et des steppes, soudain ravivés par le vert d'une oasis. Une religion de déserts, de ciels bleus et de vents qui balayent tout sur leur passage. En Indonésie, j'ai découvert une religion d'eau, de forêts et de cocotiers, rythmés par la douce géométrie des rizières. L'islam y est infusé de bouddhisme, d'hindouisme et de tradition païenne. » Attar Abbas

Moto à quatre places, Shahr Rey, 1997

Le réalisateur Abbas Kiarostami sur le tournage « le Gout de la Cerise », Téhéran, Iran, 1997

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