Herman Leonard (1923-2010) photographe américain, né à Allentown en Pennsylvanie d'un père fabriquant de corsets et de soutien-gorge à New York. Sa famille l'encourage très tôt à l'intérêt pour la photographie, initié par son grand frère Ira, il lui emprunte ses appareils photographiques.

  • En 1940 il commence à trainer dans les clubs de jazz de la 52e rue en réalisant ses premiers clichés en amateur, en s’efforçant de ne pas trop gigoter lors des prises de vues. Il fréquente les musiciens de jazz, pénètre les coulisses des concerts, l'arrière-salle des clubs, partage leur intimité et devient ami avec eux.

  • En 1942, pendant la guerre il est envoyé en Birmanie durant trois ans dans le service santé, l’obligeant à interrompre ses études. Les spécialistes chargés du recrutement au sein du service photo de l'US Army, refusent son intégration, cela ne l’empêche pas de réaliser ses premiers reportages exotiques, en utilisant son casque comme bac à développement.

  • En 1945, démobilisé, il revient à ses passions, la photographie et le monde de la musique, tout en terminant ses études.

  • En 1946, il assiste à un concert de jazz, armé d'un Graflex « Speed graphics », appareil photographique de presse qui utilise des films 4 x 5 inches qu'il conditionne à la vapeur de mercure afin d'en augmenter la sensibilité.

  • « Pour ce concert, j'avais installé deux flashes, un fixé au plafond, l'autre sur l'appareil. Le flash solidaire de l'appareil n'a pas fonctionné, j'ai ainsi obtenu, involontairement, une lumière de contrejour, silhouettant un trompettiste qui avait une cigarette à la main. L'éclair du flash avait dessiné la fumée, j'ai beaucoup aimé cet effet, alors inhabituel, et par la suite je me suis efforcer de travailler ce type de lumière. » Herman Leonard

  • En 1947, il obtient son diplôme de photographe à l'Université de l'Ohio, grand admirateur du photographe portraitiste Yousuf Karsh, il décide se se rendre à Ottawa afin de le rencontrer, Karsh intéressé par le travail du tout jeune photographe, embauche Leonard pendant un an en tant que premier assistant

  • « Grace à lui, j'ai fait des rencontres inespérés et vécu des moments particulièrement enrichissants, Karsh savait communiquer avec ses modèles et traduire en images leurs caractères, c'est avec lui que j'ai compris l'importance de la relation qui s'établit entre le photographe et le photographié et puis il m' a montré l'importance de la qualité du tirages des épreuves. » Herman Leonard

  • En 1948, de retour à New York, il continue de réaliser de nombreuses séries sur l'univers du jazz, il est rapidement remarqué par les magazines spécialisés, « Down Beat », « Jazz magazine » et « Metronome », ainsi que les éditeurs cherchant avec frénésie des photos pour orner les pochettes de leurs disques, il travaille pour le producteur de Jazz Norman Granz qui utilise ses photos comme couvertures d'albums, c'est à partir de se moment qu'il devient professionnel et ouvre son propre studio à Greenwich Village et engage comme assistant un jeune photographe, Charles Stewart qui par la suite à son tour devient un imagier dans le monde du jazz.

  • La revue Life lui passe commande d'un reportage sur la naissance d'un hit dans la jungle du show-business, un reportage qui reste inédit et qui marque sa reconnaissance.

  • En 1956, Marlon Brando qui ayant remarqué son nom au dos de la plupart des LP de sa collection, fait appel à lui en tant que photographe privé, pour l'accompagner au cours d'un voyage en Extrême-Orient. A l'expiration de son contrat avec l'acteur, il poursuit seul son voyage jusqu'en Inde et se découvre une passion pour l'Asie.

  • « Ce voyage a changé le cours de mon existence, sans cette expérience, je n'aurais jamais quitté New York. » Herman Leonard

  • De retour de son périple, il s’arrête à Paris et fait la connaissance de Nicole Barclay, passionnée par son travail, elle lui propose de devenir photographe attitré de la compagnie de disques Barclay à Paris. Au cours des années parisiennes, Herman couvre les festivals, assiste à de nombreuses séances d'enregistrement, fréquente les vedettes du show-business. Dans ce Paris à cette époque capitale du jazz, il retrouve tous ses amis jazzmen, la ville reste son port d'attache ou il s'installe pendant 25 ans, et ouvre un studio à Neuilly-sur-Seine.

  • Tout en continuant de photographier la scène jazz, il dresse de nombreux portraits d'artistes français, de Charles Aznavour, Jacques Brel, Eddy Mitchell et Johnny Hallyday. Il étend son travail dans des domaines non-musicaux pour la publicité, la mode avec Yves St. Laurent et Dior, se consacre au cinéma, au théâtre, effectue des reportages dans le monde entier et débute une collaboration durant quinze ans au sein du magazine de charme, « Playboy ». En 1980, il quitte la France et déménage sur l’île espagnole d’Ibiza.

  • En 1985, son ami de longue date Daniel Filipacchi autrefois disc jockey de Jazz à Paris, alors magnat de la presse, lui demande de rassembler ses clichés pour l’édition d’un ouvrage publié sous le titre « L’œil du Jazz » d’abord en France, puis en Angleterre et enfin aux États Unis.

  • En 1988, il s’installe à Londres où il réalise sa première exposition à la « Special Photographers Company », relayée par des critiques élogieuses du London Times et de la BBC, du jour au lendemain, avec plus de 10000 visiteurs, l'exposition rencontre un immense succès en quelques jours. Elle est suivie d’une exposition itinérante en 1990 intitulée « Herman Leonard : Images de Jazz » parcourant dix villes américaines et récoltant une foule d’admirateurs et amateurs de Jazz.

  • En 1992, il retourne aux États-Unis lors d'une exposition à la Nouvelle-Orléans, cette ville, berceau du jazz dont il en tombe immédiatement amoureux et décide de s'y installer. En 1995, il publie son deuxième livre, « Jazz Memories », aux Editions Filipacchi.

  • En août 2005, l'ouragan Katrina balaye sa maison et son studio de photos, détruisant plus de 8 000 photos, mais ses négatifs sont sains et saufs, étant à l'abri au « Ogden Museum of Southern Art » à la Nouvelle-Orléans. Après la catastrophe, il s'installe à Los Angeles, reprend ses affaires et édite son troisième ouvrage en 2006, « Jazz, Giants, And Journeys », préfacé par Quincy Jones « Quand les gens pensent au jazz, leur image mentale est probablement celle d’Herman. »

  • En Janvier 2010, juste avant sa mort, il collabore sur un projet avec Lenny Kravitz.


Il est animé par deux forces, sa fascination pour l'appareil-photo et son amour de la musique de jazz, ses photographies remplissent son journal intime de cette musique qu'il aime tant et des musiciens qu'il admire, étant avec une grande partie d'entre eux un ami personnel.

Lorsqu'il ouvre son premier studio, il travaille en free-lance pour différents magazines en exerçant le métier de photographe publicitaire, mais sa passion pour le jazz le pousse le plus souvent possible à retrouver les lieux et ceux qui les font vivre, avec l'appareil à disposition, il passe ses soirées au « Royal Roost » et au « Birdland », où il photographie les musiciens de jazz comme Duck Ellington, Dexter Gordon, Charlie Parker, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Gillespie, Basie, Louis Armstrong, Sonny Stitt, Ray Brown, Vaughn, Gordon et bien d'autres.

En utilisant des négatifs sur verre, il augmente la sensibilité des plaques en les exposant à la vapeur de mercure. Sa technique évolue par des heures passées dans le bas éclairage pendant qu'il apprend à capturer le fumeux, l'atmosphère de trois heure du matin dans les clubs. Il restitue toute l’atmosphère du jazz, celle identifiée au monde de la nuit, dans les volutes de fumées évocatrices. L’un de ses effets préférés consiste à envelopper le personnage photographié de sa propre fumée de cigarette, ce qui permet d’instaurer une ambiance, celle des boîtes de jazz où cette musique est née.

« A cette époque, le travail du photographe et cinéaste Gjon Mili m'impressionnait, sa façon d'éclairer les sujets m'a beaucoup inspiré. Il était pour moi un des rares photographes à avoir une approche artistique. Tout les autres à ma connaissance, ne faisait que du reportage ou du portrait studio très académique. » Herman Leonard

Travaillant uniquement en noir et blanc, son esthétique est très dépouillée, il n’y a que très peu de décor, seuls sont présents les musiciens. Il invente un style, avec des techniques bien particulières de prise de vues très resserrée, avec des contre-jours qui accentuent les contrastes naturels. Il compose et partitionne ses images comme des notes de musiques, qui sont de suite reconnaissables, ses contrastes sont marqués, ses images léchées.

Les musiciens apprécient sa discrétion, son respect de leur travail, et c'est grâce à leur complicité qu'il trouve son style, que ses clichés prennent leur originalité, images qui dégagent la philosophie, l'humour des musiciens, mais aussi leurs émotions, mélancolie ou ravissement, ce qu'il recherche c'est le scintillement d'un regard, il porte une attention toute particulière sur un visage et est toujours à la recherche du moindre détail, comme celui d'un geste du musicien. Rarement un autre genre musical n’a été autant mis en photographies, comme si le jazz trouve son prolongement naturel dans la représentation du corps des musiciens.

Les jazzmen il les prend sur scène et les met en scène par son objectif, les fait émerger de l'ombre avec une lumière découpant l'espace à la serpe. Ses sujets sont vivants, au travers de gémissements, de soupirs, halètements, de contorsions, son chorus de base, sur ses clichés, la sueur ou encore la salive sont esthétisées.

Il n'est pas qu'un simple photographe et c'est la conjoncture de ses passions, celle du jazz et celle de la photographie qui fait de lui l'une des figures les plus considérables de ses deux mondes. Son œuvre touche à l'art pur, par la beauté de ses images, ses clichés sont des attitudes, des mimiques, des visages si révélateurs. Il est partout, dans les coulisses des concerts, dans les arrières salles des clubs pour fixer sur sa pellicule non seulement leurs images mais aussi leurs âmes.

Il est le premier à créer une mémoire visuelle au jazz, le photographe et le maitre absolu de cette photographie, comme le nomme son ouvrage, il est « l’œil du Jazz », et quand on lui demande s’il existe un point commun entre la musique et les mathématiques, il répond : « Oui, l'improvisation ! ».

Site Officiel : Herman Leonard

« Il était le plus grand photographe de jazz du monde. » Bill Clinton

Dexter Gordon, Royal Roost, New York City, 1948


« L'age d'or du bebop, et mes vrais débuts dans la jazz. Avec son mètre quatre-vingt-quinze tout dégingandé, Dexter n'était pas facile à cadrer, dès qu'il était assis, il y avait du Dexter dans tous les coins de l'espace et comme il fumait sans interruption, on peut dire qu'il est un des jazzmen responsables de mon travail sur le contrejour. » Herman Leonard

Charlie Parker, Birdland, New York City, 1948

Charlie Parker, Royal Roost, New York, 1948


« Le Royal Roost, un des innombrables lieux ou Bird se produisait à la fin des années 40, était d'un style inhabituel pour l'époque, tout y avait été prévu pour que les jeunes puissent écouter leur musique favorite. Le succès fut tel que les établissements du même genre se multiplièrent. J'ai l'impression aujourd'hui que Parker jouait dans tous ces endroits simultanément. » Herman Leonard

Dizzy Gillespie, Royal Roost, New York City, 1948

Ray Brown, Birdland, New York City, 1948


« C'est au Birdland dans la 52e Rue, que l'on avait fêté l'anniversaire d'Ella Fitzgerald, mais qui se souvient encore de ce couple merveilleusement assorti et détendu que formaient alors Madame et Monsieur Brown, Ella et Ray. » Herman Leonard

Miles Davis, Royal Roost, 1948


« Un soir de Nouvel An, je m'étais retrouvé chez Miles. Il m'avait invité à l'accompagner dans un club ou on l'attendait et, comme j'étais en tenue de sport, il m'avait prêté un de ses smoking, à un moment de la soirée, levant les bras pour faire une photo, j'avais entendu un horrible craquement, les deux manches s'étaient déchirées. » Herman Leonard

Kenny Clarke, Royal Roost, New York, 1948


« Au Royal Roost, grâce à l'amitié de Monte Kaye et Ralph Watkins, je pouvais me placer là ou je voulais. Ce qui m'a permis de trouver des angles rares, il est difficile pour un photographe d’être à coté d'un batteur, c'est à dire face au public. La mort de Kenny est l'une de celles qui m'ont le plus affecté, nous étions l'un et l’autre les plus parisiens des New-yorkais. » Herman Leonard

Theodore Navarro, Royal Roost, New York, 1948


« Plus que Dizzy Gillespie, plus que Miles Davis, il est pour moi le trompettiste et de toutes mes archives, ce portrait est sans doute la photo qui a été le plus piratée pour mes pochettes de disques, des magazines et des livres. J'avais réédité, mais délibérément un effet obtenu accidentellement pour ma première photo d'un trompettiste inconnu, même angle, même effet de contre-jour. Tout cela parce que mes deux flashes n'avait pas fonctionné. » Herman Leonard

Billie Holiday, New York City, 1949

Lester Young, New York, 1949


« Lors d'un séjour parisien, il avait voulu visiter l'Arc de Triomphe, découvrant la flamme et la tombe du soldat inconnu, on l'on peut lire 1914-1918, il avait dit, sincèrement désolé « Terrible de mourir aussi jeune », tous les amateurs de jazz connaissent cette histoire, mais elle résume tellement la personnalité de celui qui fut mon sujet photographique le plus intéressant et mon ténor préféré. » Herman Leonard

Stan Getz, Birdland, New York, 1949

Ella Fitzgerald, Downbeat Club, New York, 1949

Charlie Parker, Lennie Tristano, Eddie Safranski, Billy Bauer

RCA Victor recording studio, New York City, 1949


Au Studio RCA Victor de New York le saxophoniste Charlie Parker surnommé Bird, enregistre des titres au sein d’un orchestre occasionnel réunissant des musiciens élus par les lecteurs de la revue « Metronome ».

Sonny Stitt, New York, 1953


« Impossible de me souvenir de lui sans penser à Charlie Parker et Dizzy Gillespie, ce n'est pas un hasard, quand Paker avait été hospitalisé à Camarillo, en Californie, Dizzy dès son retour à New York avait engagé un saxophoniste de 22 ans, Sonny Stitt, celui qui est resté une sorte intermédiaire de Bird. » Herman Leonard

Gerry Mulligan et Zoot Sims, New York City, 1955


« En 1955, les inventeurs du Festival de Newport, Louis Lorillard et sa femme, s'étaient vu refuser le casino de Newport pour y organiser des concerts. Ils avaient alors acheté le domaine de Belcourt, une sorte de château du vieux Newport, et c'est là, entre un rai de lumière et un chandelier plus ou moins gothique, que j'avais découvert un Gerry Mulligan tout à fait anachronique. » Herman Leonard

Louis Armstrong, Birdland, New York City, 1956


« J'ai toujours pensé qu'il jouait du public avec autant de virtuosité que la trompette. C'est sans doute pour cela que j'accorde une telle importance à cette image. » Herman Leonard

Duke Ellington, Paris, 1958


« Élégant, raffiné, attentif aux moindres détails, il était particulièrement sensible aux divers aspects du charme français, toujours conscient de la présence d'un photographe, il se tournait imperceptiblement pour m'aider si j'étais mal placé. » Herman Leonard