Mary Ellen Mark (1940-2015) photographe américain, née à Philadelphie. Elle débute la photographie dès l’âge de 9 ans avec un appareil Kodak Brownie, puis au lycée, s’intéresse au dessin et à la peinture.
De 1958 à 1962, elle suit des études à l’université de Pennsylvanie, puis travaille brièvement dans un bureau d’urbanisme avant de retourner à l’université de 1963 à 1964, et étudie la photographie à la « Annenberg School of communications ».
En 1966, son diplôme en poche, elle obtient une bourse Fulbright pour un an et part photographier en Europe, en particulier en Turquie.
De retour à New York, elle s’installe en indépendant et dès 1967 devient photographe sur les plateaux cinématographiques, elle débute sa carrière en photographiant les manifestations contre la guerre du Vietnam, le mouvement de libération de la femme, la culture travesti et Times Square.
En 1970, première grande publication dans le Look magazine, avec son reportage « What the English Are About Heroin ».
En 1975, commanditée par un magazine pour photographier les coulisses du tournage de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman, à l’hôpital psychiatrique de l’Oregon State Mental Institution, lui ouvre alors l’accès au monde des hôpitaux psychiatriques, elle rencontre les femmes de la salle 81, et passe 36 jours dans le quartier sous haute surveillance féminin de l’hôpital avec l’écrivaine et scientifique sociale Karen Folger Jacobs, et réalise la série « Ward 81 ».
En 1976, elle réalise sa première exposition individuelle à Londres.
En 1977, elle devient membre de l’agence Magnum Photos qu’elle quitte en 1982 pour se mettre de nouveau en indépendante. Elle collabore avec les magazines américains les plus réputés dans lesquels elle est publiée, LIFE, The New Yorker, Rolling Stone, et Vanity Fair.
En 1978 elle effectue des photographies sur le tournage de « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola.
En 1981, elle est membre cofondatrice de « Archive Pictures », elle publie son reportage « Falkland Road » et s’embarque pour l’Inde ou elle y photographie les prostituées des maisons closes de Bombay, puis suit Mère Teresa lors de ses missions à Calcutta.
En 1982, elle reçoit le prix « Leica Medal of Excellence ».
Suite à une commande du Life magazine, elle dresse le portrait d’enfants délaissés des rues de Seattle livrés à la drogue et à la prostitution. Elle y retourne de nouveau en 1983 pour effectuer une série nommée « Streetwise » et réaliser un documentaire du même nom tourné avec son mari Martin Bell, film qui est nommé aux Academy Award en 1984. Lors de son reportage, elle s’éprend artistiquement d’une enfant de 13 ans, appelé « Tiny Blackwell », qui devient son modèle et qu’elle suit au fil des années que l’on retrouve 20 ans plus tard pour dans sa dernière série « Streetwise Revisited ».
En 1988, elle possède sa propre agence, année ou elle est récompensée du « World Press Photo Award » et obtient en 1997 celui de l’ « Infinity Award » de l’International Center of Photography.
En 1992, une grande exposition intitulée « Mary Ellen Mark, 25 Years », circule dans le monde entier.
En 2001, elle obtient le prix « Cornell Capa » et juste un an avant sa mort en 2014, elle est couronnée par celui du « Lifetime Achievement in Photography » de la George Eastman récompensant l’ensemble de sa carrière.
Son œuvre photographique traite de questions sociales tel que les sans-abris, la solitude, l’addiction à la drogue et la prostitution. Elle accorde une attention particulière à la jeunesse tourmentée dans de dures conditions de vie.
« Je n’aime pas photographier les enfants en tant qu’enfant. J’aime les voir comme des adultes, comme la personne qu’ils sont vraiment. Je suis toujours à la recherche de qui ils pourraient devenir. » Mary Ellen Mark
Il est difficile de qualifier son œuvre, d’y mettre une étiquette, car elle est toujours à la frontière du reportage, on peut la définir comme une portraitiste sociale avec une singularité à saisir le réel. Elle est l’une des grandes photographes a avoir marqué le 20ème siècle. Son travail documentaire et intime, est récompensé à plusieurs reprises et fait l’objet à travers le monde de nombreuses expositions.
Elle travaille principalement à l’argentique en noir et blanc, adepte du format 35 mm et plus particulièrement de la pellicule Kodak Tri-X noir et blanc, elle porte aussi une attention toute particulière à la qualité technique de ses images.
« Un bon tirage est essentiel. Je veux prendre des images documentaires fortes qui soient techniquement aussi bonnes que n'importe lequel des meilleurs tirages techniques, et aussi créatives que les meilleures photographies artistiques. » Mary Ellen Mark
Mary Ellen Mark est une photojournaliste engagée, et s’est très vite consacrée aux sujets humanistes. Ses thèmes de prédilection sont les exclus de la société, les pauvres, les fugueurs, les prostituées, les drogués et les prisonnières, elle établit un dialogue et une relation forte avec ses modèles, s’intéresse aux rapports avec eux qu’elle installe aussi bien dans une photo que dans la vie réelle. Si certains photographes pratiquent leur art pour s’échapper de la réalité, pour la photographe c’est tout le contraire. Elle photographie toujours avec humanisme, au point qu'on la classe parmi les portraitistes. Les portraits qu’elle réalise ne sont jamais posés et sont souvent faits au grand angle afin de placer le sujet dans son contexte.
« Vous êtes un voyeur, vous voler les gens, et vous devez vivre avec. » Mary Ellen Mark
Elle construit ses reportages sur le long terme en suivant les êtres humains pendant des années, comme le jeune garçon nommée « Tiny », cette méthode la classe plutôt parmi les documentaristes que les journalistes, elle lie des liens forts avec ses sujets, une affection visible dans ses images, mais elle va encore plus loin en suivant les membres du Ku Klux Klan ou se rend en Inde pour photographier les missions de mère Theresa et des prostituées de Bombay.
« Je ne veux pas être qu'une photo essayiste, je suis plus intéressée par une image isolée, une que je juge suffisamment bonne pour être présentée seule. » Mary Ellen Mark
A l’opposé du monde du cinéma ou elle est photographe de plateau, elle adopte une approche plus clairement humaniste, militante en matière d’inégalités, dans ses images d’anonymes, elle héroïse ses sujets en les plaçant bien au dessus des stars et surtout très souvent en restant en contact avec eux.
« Je veux que mes photographies parlent des émotions et sentiments basiques que nous expérimentons tous. » Mary Ellen Mark
Photographe engagée et humaniste, sa quête est d’aller au plus proche des personnes, l’image qu’elle renvoie a un caractère stylistique indéniable, dans lequel les personnes deviennent personnages, c’est ce qui caractérise son style. Elle tente de cerner ce qu’il y a à l’intérieur des personnes. Abordant toujours un thème visuel avec une idée spécifique de photojournalisme social pour ses projets, elle travaille en séries, série sur les maisons closes, sur les cirques en Inde, sur les rues de Seattle, sur les milieux défavorisés de Caroline du Nord ou encore sur hôpital psychiatrique.
« Il n’y a rien de plus extraordinaire que la réalité. » Mary Ellen Mark
La Famille Damm, Los Angeles, 1987
En 1987 Mary Ellen Mark est envoyée par la magazine Life afin d’effectuer un reportage sur les sans-abri sur le territoire américain, c’est la qu’elle rencontre tout à fait par hasard à Los Angeles, la famille Damm en errance, qui vit dans sa voiture, Dean, Linda et leurs deux enfants, Crissy et Jesse. Rien n’a changé depuis la photographie de Dorothea Lange « Mère migrante, Californie, 1936 », les laissé pour compte sont toujours là.
Dans cette photographie, rien d’autre que le désespoir dans les regards, ils n’ont qu’une voiture pour parcourir les routes de Californie vers une vie sans avenir, avec pour quotidien, pauvreté, drogue et violence. Une image ou un jeu s’opère, entre les bras masculins qui retiennent et contiennent avec force, et la main de la fille qui caresse et soutient dans un geste maternel le visage de son frère. C‘est grâce à ce cliché de la photographe que cette famille va retrouver un abri pour reprendre leur souffle, un table autour de laquelle il pourront s‘asseoir et c’est la photographe qui va leur offrir. Huit ans plus tard en 1995, la photographe repart à la recherche de la famille, ils ont deux enfants de plus mais vivent toujours dans la misère, la drogue et la violence.