Arno Rafael Minkkinen (1945) photographe américain, d’origine finlandaise, né à Helsinki. Dès sa naissance, il souffre d'une maladie congénitale, un bec de lièvre, qui l'oblige à subir une opération chirurgicale dès les premiers mois. En 1951, âgé de six ans, sa famille émigre aux États-Unis à New York, dans le quartier Bensonhurst de Brooklyn.
En 1963, il entre à l'Université Wagner pour y étudier la philosophie et la religion, sous l’influence de son père né au Japon de parents missionnaires, il change radicalement de voie pour des études de littérature anglaise, dont il obtient son diplôme en 1967.
En 1966 après la disparition de son père, l’année suivante en 1967 il retourne pour la première fois en Finlande à l’âge de 22 ans, c’est un véritable choc pour cet américain, que de découvrir un pays si lointain, et à la fois si familier.
En 1967, il intègre une agence de publicité et apprend la photographie auprès de Ken Heyman et John Benson, il devient concepteur rédacteur de l’agence et élabore des campagnes pour Peugeot, J & B Scotch, et la marque Minolta, pour laquelle il conçoit le slogan « Ce qui se produit dans votre imagination, peut se produire dans un appareil photo » qui s’avère prémonitoire, le trait créatif que lui requiert son métier le comble amplement, mais au fil du temps, il souhaite un univers plus créatif, et se tourne définitivement vers la photographie qui est pour lui une création pouvant durer toute une vie, par opposition à la publicité qui dure le temps d’un produit.
Voulant s’investir sur quelque chose de plus durable, plus authentique, voire intemporel, il s’équipe pour la première fois et apprend petit à petit à manier l’appareil pour pouvoir capturer la lumière.
En 1971 après que sa candidature à la « Rhode Island School of Design » est rejetée, il s’inscrit à un stage d’été en photographie à Apeiron – Millerton, à New York. Invité à choisir son professeur parmi les photographes tels que Robert Frank, Bruce Davidson, Paul Caponigro, Aaron Siskind et Diane Arbus, il découvre leurs travaux et troublé par la photo prise par Diane Arbus d’un jeune garçon auquel il s’identifie immédiatement son choix se porte sur elle, malheureusement la photographe décède une semaine avant le début des cours, Minkkinen se tourne alors vers le photographe John Benson, c’est à partir de ce moment qu’il développe sa sensibilité et prend son premier autoportrait, debout, nu, en contre-jour dans le reflet d’un miroir posé dans un champ.
Au fur et à mesure il fréquente de plus en plus les milieux photographiques et rencontre, les photographes à la renommées internationales, Ralph Gibson, Aaron Siskind, Minor White, et Lisette Model.
En 1972 il suit les cours à la « School of Visual Arts », et est enfin accepté à la « Rhode Island School of Design » avec le photographe, son maître d’étude Harry Callahan en lui déclarant « je veux poursuivre ce que j’ai fait à Apeiron ». La même année, il réalise sa première exposition dans une galerie de Soho.
En 1973, lors de son second séjour finlandais, il découvre l’aisance et le naturel avec lesquels est vécue la nudité en Finlande qu’il adopte de suite, lorsque qu’il découvre ses cousines du même âge que lui se baignent en petite culotte sous ses yeux.
De 1974 à 1976 il enseigne en Finlande à l’Institut du Design de Lahti et à l’Université d’art et de Design de Helsinki ainsi qu’aux États-Unis au célèbre « Massachusetts Institute of Technology » (M.I.T.).
En 1978 il publie sa première monographie « Frostbite » éditée par Morgan & Morgan. Après son mariage en 1969, son premier fils, Daniel Hughes, naît en 1979.
En 2009 il obtient officiellement la nationalité finlandaise, se considérant comme finlandais dans son âme, dans son corps, dans son essence même, sa terre natale lui donne la sensation de retrouver sa peau, celle de quelqu’un qui, lorsqu’il retourne à cette nature sauvage, préservée, sait au fond de lui que c’est à cette terre qu’il appartient.
Arno Rafael Minkkinen réalise depuis plus de 40 ans un travail photographique d’autoportraits en noir et blanc. Sur ces photos, il laisse s’exprimer son corps nu qui devient un élément dans des positions improbables et au beau milieu de la nature, transformant ainsi chaque image en véritable œuvre d’art surréaliste.
La plupart du temps, qu’il s’enterre sous la neige, s’agrippe à un escalier, se penche au-dessus du vide, ou se contorsionne entre les arbres, il travaille seul, soit à l’aide d’un câble déclencheur qu’il peut presser et jeter hors du champs pendant les 9 secondes du retardateur, ou bien garder dans sa bouche, comme sous l’eau. A de rares occasions, il est contraint pour des raisons physiques de demander assistance, mais contrôle tout le processus amont et donne le signal à celui qui déclenche.
Ni yogi, ni contorsionniste, encore moins bodybuilder, ou exhibitionniste, il met cependant son corps à rude épreuve dans ses clichés, la seule forme d’acrobatie dans sa photographie, c’est celle des yeux qu’il souhaite maîtriser. Il s’allonge sur un lac gelé, entouré de flammes, nu et seul, capable de prendre des positions inimaginables, et de les tenir suffisamment longtemps pour faire des images parfaites, tout en découvrant le résultat qu’après le développement.
Il marche sur l'eau des étangs, épouse le tronc des bouleaux, devient une partie de la plage nue ou agrippe d'un geste viril les falaises gigantesques des grands espaces américains.
« J’ai même apprit à marcher sur l’eau. » Arno Rafael Minkkinen
En permanence il apprivoise sa douleur et son corps pour qu’ils obéissent à ses exigences artistiques, il ne fait jamais appel à des modèles. Lorsqu’une autre personne est avec lui sur un cliché, généralement une femme, il s’agit de la sienne, ou d’une amie proche. Il apporte à son corps des variations et se photographie dans des paysages différents, en Norvège, Finlande, France, Chine, Mexique.
Son univers est d’isoler et faire surgir des membres de nulle part, les déformer grâce à des focales courtes, son attrait pour les silhouettes fantomatiques, les réflexions. Très souvent seul, il réalise ses images grâce au retardateur de son appareil et ne les retouches jamais et travail uniquement à l’argentique et n’utilise que le noir et blanc qui est pour lui plus poétique.
« En couleur, je me suis toujours senti tout nu. » Arno Rafael Minkkinen
Ses influences les plus importantes, sont les peintres finlandais de la fin du 19ème siècle, qu’il a découvert dans les livres de son père, Akseli Gallen Kallela, Stinberg ou Edelfelt. Il exerce une nouvelle catégorie photographique, la sienne nommée « Paysage humain », formes du corps, sublimées par la qualité et direction de la lumière, gisant avec harmonie dans des paysages naturels ou dans une simple chambre d’hôtel, parfois son œuvre en fonction de ses prises, a un caractère surréaliste. Son travail à ce jour est à l’origine d’un courant photographique en Finlande qui compte de nombreux photographes adeptes du mouvement, comme Jorma Puranen, Timo Laaksonen, Elina Brotherus, Kimmo Koskela, Veli Granö, Pekka Turunen.
« En 35 ans de photographie, j'ai appris que tout est simple lorsque l'on fait confiance aux circonstances. » Arno Rafael Minkkinen
Self-portrait, 1975
Mattomies #14, 1983
Fosters Pond, 1989
Fosters Pond 9.9.1999
Dans le lac de Fosters Pond, deux protagonistes dans cette image réalisé en 1999, le photographe et la nature sauvage, dans le rectangle du cadrage une fusion parfaite s’opère, l’une pénètre l’autre sans bruit et en profondeur, aucun trucage, ni manipulation, la photo correspond à ce qui s’est passé devant son objectif. C’est lui même qui s’enfonce dans ce lac du Massachusetts, en ne laissant émerger qu’une jambe blanche, repliée pour que son profil puisse parfaitement s’harmoniser dans le contexte auquel il se trouve. Il s’engloutit dans l’eau, sans aucune tension, avec silence et quiétude, la surface du lac est claire, elle brille de sa propre lumière, tout est plat sans aucun frémissement, comme si le membre avait toujours été là, accompagné d’une branche sèche, les feuilles se faisant le décor, entrant en scène dans le haut de l’image. Pas de contraste violent, c’est juste un noir et blanc aux tonalités douces.