Arno Rafael Minkkinen (1945) photographe américain, d’origine finlandaise, né à Helsinki. Dès sa naissance, il souffre d'une maladie congénitale, un bec de lièvre, qui l'oblige à subir une opération chirurgicale dès les premiers mois. En 1951, âgé de six ans, sa famille émigre aux États-Unis à New York, dans le quartier Bensonhurst de Brooklyn.


Arno Rafael Minkkinen réalise depuis plus de 40 ans un travail photographique d’autoportraits en noir et blanc. Sur ces photos, il laisse s’exprimer son corps nu qui devient un élément dans des positions improbables et au beau milieu de la nature, transformant ainsi chaque image en véritable œuvre d’art surréaliste.

La plupart du temps, qu’il s’enterre sous la neige, s’agrippe à un escalier, se penche au-dessus du vide, ou se contorsionne entre les arbres, il travaille seul, soit à l’aide d’un câble déclencheur qu’il peut presser et jeter hors du champs pendant les 9 secondes du retardateur, ou bien garder dans sa bouche, comme sous l’eau. A de rares occasions, il est contraint pour des raisons physiques de demander assistance, mais contrôle tout le processus amont et donne le signal à celui qui déclenche.

Ni yogi, ni contorsionniste, encore moins bodybuilder, ou exhibitionniste, il met cependant son corps à rude épreuve dans ses clichés, la seule forme d’acrobatie dans sa photographie, c’est celle des yeux qu’il souhaite maîtriser. Il s’allonge sur un lac gelé, entouré de flammes, nu et seul, capable de prendre des positions inimaginables, et de les tenir suffisamment longtemps pour faire des images parfaites, tout en découvrant le résultat qu’après le développement.

Il marche sur l'eau des étangs, épouse le tronc des bouleaux, devient une partie de la plage nue ou agrippe d'un geste viril les falaises gigantesques des grands espaces américains.

« J’ai même apprit à marcher sur l’eau. » Arno Rafael Minkkinen

En permanence il apprivoise sa douleur et son corps pour qu’ils obéissent à ses exigences artistiques, il ne fait jamais appel à des modèles. Lorsqu’une autre personne est avec lui sur un cliché, généralement une femme, il s’agit de la sienne, ou d’une amie proche. Il apporte à son corps des variations et se photographie dans des paysages différents, en Norvège, Finlande, France, Chine, Mexique.

Son univers est d’isoler et faire surgir des membres de nulle part, les déformer grâce à des focales courtes, son attrait pour les silhouettes fantomatiques, les réflexions. Très souvent seul, il réalise ses images grâce au retardateur de son appareil et ne les retouches jamais et travail uniquement à l’argentique et n’utilise que le noir et blanc qui est pour lui plus poétique.

« En couleur, je me suis toujours senti tout nu. » Arno Rafael Minkkinen

Ses influences les plus importantes, sont les peintres finlandais de la fin du 19ème siècle, qu’il a découvert dans les livres de son père, Akseli Gallen Kallela, Stinberg ou Edelfelt. Il exerce une nouvelle catégorie photographique, la sienne nommée « Paysage humain », formes du corps, sublimées par la qualité et direction de la lumière, gisant avec harmonie dans des paysages naturels ou dans une simple chambre d’hôtel, parfois son œuvre en fonction de ses prises, a un caractère surréaliste. Son travail à ce jour est à l’origine d’un courant photographique en Finlande qui compte de nombreux photographes adeptes du mouvement, comme Jorma Puranen, Timo Laaksonen, Elina Brotherus, Kimmo Koskela, Veli Granö, Pekka Turunen.

« En 35 ans de photographie, j'ai appris que tout est simple lorsque l'on fait confiance aux circonstances. » Arno Rafael Minkkinen

Self-portrait, 1975

Mattomies #14, 1983

Fosters Pond, 1989

Fosters Pond 9.9.1999

Dans le lac de Fosters Pond, deux protagonistes dans cette image réalisé en 1999, le photographe et la nature sauvage, dans le rectangle du cadrage une fusion parfaite s’opère, l’une pénètre l’autre sans bruit et en profondeur, aucun trucage, ni manipulation, la photo correspond à ce qui s’est passé devant son objectif. C’est lui même qui s’enfonce dans ce lac du Massachusetts, en ne laissant émerger qu’une jambe blanche, repliée pour que son profil puisse parfaitement s’harmoniser dans le contexte auquel il se trouve. Il s’engloutit dans l’eau, sans aucune tension, avec silence et quiétude, la surface du lac est claire, elle brille de sa propre lumière, tout est plat sans aucun frémissement, comme si le membre avait toujours été là, accompagné d’une branche sèche, les feuilles se faisant le décor, entrant en scène dans le haut de l’image. Pas de contraste violent, c’est juste un noir et blanc aux tonalités douces.