Helmut Newton (1920-2004) photographe australien d'origine allemande, né à Berlin en 1920, Helmut Neustaedter, de confession juive, se réfugie à Singapour après la Nuit de Cristal. Il s'installe ensuite en Australie. Après la guerre, il ouvre un petit studio de mode et travaille comme photographe indépendant, notamment pour l'édition australienne de Vogue. Il s'installe à Paris en 1956, puis à Monte Carlo, et collabore au Jardin des modes, à Elle, Queen, Playboy, Nova, Marie-Claire, Stern, ainsi qu'aux diverses éditions de Vogue (France, Italie, Grande-Bretagne, États-Unis, Australie). Mais c'est dans les années 1970 que son style personnel s'affirme. Il est connu pour ses photographies de mode et de nus féminins. Le photographe des Grands Nus aimait la provocation et le scandale, et était passé maître de la photographie érotique. Son œuvre retrace une vision personnelle du monde de la mode, de l'argent et du pouvoir, au travers d'images souvent très crues. Ses clichés, parfois d'inspiration sadomasochiste, lui attirent les foudres d'associations féministes.
L'édition française de Vogue, peut-être plus audacieuse que ses antennes étrangères, est alors le point de chute privilégié de ses images où se mêlent des références à la mode, à la sexualité, à l'argent, au pouvoir. Une opulence sophistiquée caractérise ses mises en scène. L'hôtel, la villa, la piscine, la voiture, l'avion, des décors luxueux accueillent des femmes au corps sculptural, parfait, mais de glace. On lui doit aussi de nombreux portraits de célébrités telles qu'Ava Gardner, Pierre Cardin, Elizabeth Taylor, Sophia Loren, Catherine Deneuve, Nastassia Kinski, Salvador Dali, Andy Warhol, Paloma Picasso, Naomi Campbell, Claudia Schiffer, le prince Rainier de Monaco.Depuis 1975, il a publié plusieurs livres et ses images sont régulièrement exposées dans les grands musées. En 1984, le musée d'art moderne de la Ville de Paris lui consacre une importante rétrospective. Quelques temps avant sa mort, il avait cédé 1000 images à une galerie berlinoise, exprimant sa fierté de revenir dans sa ville natale. Il meurt le 23 janvier 2004, au volant de sa Cadillac à 83 ans.
De 1936 à 1938 il débute et apprend la photographie dans le studio de la photographe Yva à Berlin, pour laquelle il est son assistant.
Dès ses débuts, Newton donne le ton juste, il travaille de la même manière, la femme-objet, le corps comme affirmation du pouvoir, les talons comme marque de supériorité. Chez Newton, les souliers sont certes choisis avec un soin fétichiste, certains comme l’emblématique cliché « Shoes Monte Carlo », font preuve de beaucoup de sophistication, son goût pour les talons est légendaire. Même nus, ses modèles se devaient de poser chaussés de sandales ou d’escarpins.
Newton n’a cessé de travailler, animé par l’image de la femme du XXème siècle, libre. Des années plus tard, le photographe dira : « J'habillais la femme idéale tout en la photographiant, elle était féminine, cool, sexy, exigeante et cependant parfaitement accessible à condition d'y mettre du sien et de l'argent ». Il avait tout dit car le luxe, l'argent, la mode et le pouvoir sont autant de notions qui lui servent de toile de fond pour capter beauté et érotisme. Ici, point de mièvrerie, la femme Newton est moderne, incarnée, puissante, pleinement féminine, indéniablement charmeuse et irrésistiblement insolente. Newton l’espiègle cherche les réactions sans hésiter à heurter la sensibilité de la mode de l'époque avec parfois des scénarios tapageux. Il fut aussi l’un des premiers photographes de mode à travailler dans la rue. Ses clichés montrent à quel point il était obsédé par la lumière, le décor, le vêtement et le modèle. Pour lui, seul compte l'instant parfait.
Les femmes de Newton sont puissantes, séductrices, dominantes, jamais glaciales mais toujours impressionnantes, voire intimidantes. Tout le monde est à sa place et chaque détail est étudié. Les scènes de Newton ont un aspect théâtral, ses photographies sont troublantes car elles sont à la fois statiques et évoquent le mouvement, comme une scène de théâtre.
« Les femmes que je photographie doivent exprimer une certaine disponibilité. Je pense que la femme qui donne l’impression d’être disponible est sexuellement plus excitante que celle qui est totalement distante, ce sentiment de disponibilité, je le trouve érotique » Helmut Newton
Helmut Newton aimait ruser et ne laissait rien au hasard : « l’ensemble de mon travail est écrit avant de commencer, je note précisément les objets, la lumière, les composantes de ma photo ».
Newton gardait une distance avec le sujet qu’il représentait, donnant source à son style, se caractérisant d’une façon brut, austère, sensuel et même parfois humoristique. Il provoque, il aime cela, mais il le fait toujours monumentalement avec art. Avec ses modèles, Newton avait une capacité d’installer une complicité, La femme se libérant totalement, se donnant tout entière au shooting du photographe.
« La bonne fille au bon moment, voila ce qui m’a toujours inspiré, c’est une affaire de timing. Je ne me demande jamais ce qui excitera le public, car si je fonctionnais ainsi, je ne ferais jamais la moindre photo. Non seul compte mon propre plaisir. Très longtemps avant que quiconque ait imaginé voir un modèle trop rond, bien en chair, j’ai supplié les rédactrices en chef à genoux de bien vouloir fendre les robes dans le dos afin que ces beautés puissent s’y glisser » Helmut Newton
Ses photos avec une lumière froide sont toujours parfaites. Les femmes de Newton sont des adultes, des créatures de rêve, qui expriment leur confiance et leur détermination. Amazones érotiques, nues perchées sur des talons hauts, ces corps qu’il photographie sont un manifeste érotique, provoquant et basé sur le jeu, le mystère et la séduction. Sueur son les bras, lèvres gonflées, baiser, épaule de l’homme, main de la femme, interaction des muscles, Newton a construit sa réputation de photographe de mode comme aucun autre.
« Il y a deux obscénités en photographie : l'art et le bon gout. » Helmut Newton
Aucune photographie de Newton ne semble vieillir, comme s'il avait trouvé, dès ses débuts, la bonne recette, le ton juste, et qu'il n'avait depuis cessé de travailler la même matière, la femme, objet de désir par excellence, le corps comme affirmation du pouvoir, les talons comme marque de supériorité.
« Je suis un voyeur, qu’il fasse des photos érotiques, sexy ou tout autre chose, je pense que le photographe est un voyeur. On passe notre vie à regarder par le petit trou. Si un photographe affirme ne pas être un voyeur, c’est un sot » Helmut Newton
Newton et le Château Marmont : Le Château Marmont, hôtel de Los Angeles, construit en 1920, d'après des plans qui s'inspirent vaguement du château d'Amboise en France. Il est situé au 8221 Sunset Boulevard, à West Hollywood. Helmut Newton le choisira en 1992 comme décor pour réaliser une série de « nus domestiques » célébrissimes. La buanderie avec des éclairages au néon, lave-linge géants, piles de draps éparses et immenses frigo. Au Château Marmont, on lave son linge sale avec classe. En 2004, le photographe Helmut Newton y trouvera la mort, il crashera sa Cadillac en sortant du parking de l’hôtel, sa voiture s'encastrant dans le mur d'en face.
Site officiel : Helmut Newton Foundation
« Les femmes ont une sensibilité différente de la chair. » Helmut Newton
Dress by Madame Grès, Paris, 1966 - Queen Magazine
Fashion Model & Movie Poster, Paris 1966
Fashion Model and MG, London, 1966
Fashion Model in Catsuit, London, 1969
June, Paris, 1972
Elsa Peretti as a bunny, New York, 1975
Elsa Peretti, icône Newtonienne, elle est belle, intelligente, riche et célèbre, autant d’atouts qui séduisent très vite Newton. Difficile, en effet, d’ignorer cette fantômette, habillée par le grand couturier Roy Halston Forwick, revue et corrigée façon Hugh Hefner, appuyée de manière très étudiée contre le garde-corps d’une terrasse d'un building à New York.
La parenté de la tenue d’Elsa Peretti avec celle des Playboy Bunnies, qui officièrent entre 1960 et 1991 dans les Playboy Clubs ouverts par Hefner, n’est pas fortuite, Helmut Newton, a travaillé pour la revue de charme au fameux logo du lapin affublé d’un nœud papillon. Celui-ci fut dessiné par Art Paul, pour le deuxième numéro du magazine. Si Hefner a choisi ce rongeur comme mascotte, c’est bien évidemment pour son humoristique connotation sexuelle.
Woman examining man, Calvin Klein Dress, St Tropez, 1975
American Vogue
Yves Saint-Laurent, Rue Aubriot, Paris, 1975
Vogue Magazine
Dress by Gilles Dufour Marie-Martine, Paris, 1976
French Vogue
Gunilla Bergström, Paris, 1976
Catherine Deneuve, Paris, 1976
« J’aime bien cette photo, je trouve que c’est vraiment moi, je me reconnais. Il y a ce regard et cette cigarette… j’ai beaucoup fumé à une époque. Ce sont mes vêtements et mes bijoux : je me souviens de ce pendentif avec un petit œuf Fabergé. Nous étions chez moi… Aujourd’hui, je ne laisserais personne me prendre en photo chez moi, on ne s’abandonne plus ainsi. La pose est assez inhabituelle, ce n’est pas courant d’être photographiée comme ça, les mains dans le déshabillé ! Mais ça s’est fait tout naturellement avec lui, c’est étrange, alors qu’il y a des photographes auxquels on ne veut même pas montrer le poignet. Helmut Newton ne cherchait pas du tout à vous charmer pour obtenir quelque chose. Il allait vite. Il y a l’idée de la nudité dans cette photo, mais je ne suis pas nue, aux Oscars il y a des femmes bien moins habillées que ça ! Et ça ne me gêne pas. Je connaissais l’univers de Newton, je savais vers quoi il voulait aller. Ses femmes, même offertes, ne le sont jamais complètement. Elles ont une retenue. » Catherine Deneuve
Saint-Tropez, 1978
Stern magazine,
Bademoden, 1979
Two Pairs of Legs in Black Stockings, Paris, 1979
Woman being filmed, Givenchy Dress, Paris 1980
French Vogue
Dentelle, Ramatuelle, France, 1980
Eau de Toilette pour Homme, Eminence, 1980
Yves Saint-Laurent, Man removing model's stocking, Paris, 1981
Vogue Magazine
Beauté silhouette 82, Vêtu, 1981
Vogue France
« Beauté Silhouette 82 » réalisée par Helmut Newton en 1981, représente incontestablement en deux temps, les photos les plus abouties du photographe, l’apogée et le couronnement d’une passion, qui du point de vue formel, ne pouvait guère aller plus loin. D’abord, le corps, ses mensurations généreuses, les hanches douces alternant avec les coudes pointus, des femmes dont le regard pointe vers le haut du studio, dames et maîtresses. Au commencement, ensuite vient le reste, la mode, les vestes serrées par une ceinture, les capes formant depuis l’épaule une pointe semblable à celle des chaussures qui constituent l’indispensable tremplin pour marcher avec assurance sur les routes du monde.
Ce diptyque marque une césure, il fut reçu à l’époque comme une provocation. Publié en 1981 dans l’édition française du magazine Vogue, la photographie de Newton se voulait une métaphore empreinte de connotations érotiques d’une image des femmes alors en pleine évolution. La rédactrice en chef de l’époque de Vogue, Francine Crescent avait consacré huit pages à la série de Newton, risquant sa place pour lui. A l’origine, les deux photos lors de leurs premières publications, vont apparaître en double pages sur le Vogue de novembre 1981, dans un bien précis que le photographe avait choisit, en premier sur la page de gauche celle des nus, suivit en page droite de celle ou les femmes sont vêtues.
Ces deux clichés par la suite édités dans de nombreux ouvrages en changeant de titres au fil des années, « Nu et Vêtu » ou encore « Elles arrivent ! ».
Beauté silhouette 82, Nu, 1981
Vogue France
Arielle après une coupe de cheveux, Paris, 1982
Paris 1982, juste avant d’entrer en scène, les ultimes préparatifs, le rasoir qui égalise la coupe, le maquillage qui cerne les yeux et le corps d’Arielle moelleux prêt à s’offrir à l’objectif, mais dans l’intuition de Newton, l’image existe déjà, tout comme la femme idéale selon ses vœux. La poudre de cheveux tombée sur les seins et les bras, toute la magie de l’image est là, donnant une envie de s’approcher et de souffler. Avec sa coupe à la Louise Brooks, les pommettes hautes, la ligne droite du nez s’opposant à la courbe des sourcils dessinés au crayon. Avec les seins gonflés, les bras serrés contre le buste révèlent la féminine silhouette qu’est Arielle, telle le Violon d’Ingres de Man Ray réinterprété par Newton à sa façon.
Shoe, Monte Carlo, 1983
Une cheville dont la peau se plisse par morceaux réguliers au contact du cuir de la chaussure qui remonte le long du pied, défiant les lois de la gravité, la « Shoe, Monte-Carlo », cliché que signe le photographe en 1983 est l’image la plus marquante de sa carrière, sans montrer de chair, cela est bien plus sensuel qu’un nu. Il aime les femmes, et en fétichiste digne de ce nom il les habille de son objectif. Il fait preuve de sophistication, son goût pour les talons est légendaire. Même nus, ses modèles se devaient de poser chaussés de sandales ou d’escarpins.
Le créateur Walter Steiger, d'origine suisse, au départ se fait remarquer grâce aux chaussures qu'il crée pour Mary Quant, la créatrice de la mini-jupe, dans le cadre du Swinging London, en 1983 ce génie de la chaussure invente ce qui devient son modèle emblématique, l'escarpin «Monte-Carlo. Helmut Newton se charge de l'immortaliser et de le rendre icône. Le talon virgule est à Walter Steiger ce que la semelle rouge est à Christian Louboutin, une signature identifiable au premier coup d'œil pour que l’on remarque.
Domestic Nude N° 0, in Airstream Trailer, Sunset Boulevard, Hollywood, 1985
Young woman suspended, Los Angeles, 1988
Cecilia and BMW Z1, Monte-Carlo, 1991
Domestic Nude I, In my Kitchen, Los Angeles, 1992
Domestic Nude II, waiting the earthquake, Los Angeles, 1992
Nude III, in the Laundry Room, Hollywood
Chateau Marmont, 1992
Domestic Nude IV, In my Living Room, Hollywood, 1992
Domectic Nude VII, In a Playhouse, Los Angeles, 1992
Domestic Nude VIII, Plymouth and old Plymouth
Los Angeles, 1992
Domestic Nude IX, The Redhead, Los Angeles, 1992
Eva with Pickelhaube, Monte Carlo, Monaco, 1993