Sarah Moon (1941) photographe française, née Marielle Warin à Vichy, issue d’une famille juive, d’une mère française et d’un père anglais ingénieur. Elle est contrainte de fuir la France occupée et la famille au grand complet rejoint l’Angleterre. De Retour en France, elle étudie le dessin dans une école d’Art.


Sarah Moon est une photographe qui refuse les catégories, elle est une professionnelle de la mode qui fait  voisiner ses paysages intérieurs, ses portraits, ses visions d’un bouquet, ses vues de villes ou de campagne. Toutes ses images appartiennent à la même famille, au même regard, à un point de vue unique irréductible à l’exercice d’un métier.

Par certains cotés, Sarah se rapproche de l'œuvre du photographe Guy Bourdin, comme étant l’excellence qui lui a le plus donné l’envie de se diriger vers la mode. Cependant, d’autres images font références au cinéma des années trente, notamment le cinéma expressionniste Allemand. Le grain, l’esthétique générale de ses photos se rapprochent de l’esthétique de la peinture et de la sculpture. Représentante d’une photographie de mode parfois à la limite de l’ « impressionnisme » et proche du « pictorialisme ».

Sarah Moon est photographe comme elle respire, par nécessiter, par volonté de préserver une perception du temps qui fut celle de nos enfances, entre rêve et cauchemar, dans l'univers des contes, souvent dangereux, qu'elle a exploré et mis en forme. Elle cherche le revers de l’évidence, ferme les yeux et voit des mirages, croit au miracle. Elle met en scène sa fantaisie, étudie chaque détail, fixe celui qu’elle n’a pas prévu, faisant apparaître l’inattendu. Son monde est peuplé de femmes et d’enfants éthérés qui se déplacent dans un espace intemporel  sous des ciels bas et gris.

« Au début je leur dis de photographier ce qu’elles aiment et n’aiment pas, ce qu’elles observent. Photographier devient alors une façon de voir et de dire. Au fur et à mesure, se dessine le récit » Sarah Moon

Dans son travail pour la mode, elle sait montrer les femmes sous un angle particulier du fait de sa relation avec les modèles dont elle partage l’univers. Les regards et les attitudes qu’elle capture laissent apparaître dans ses clichés une certaine complicité qui l’a distingue des photographes de mode masculins.

Ce qui est avant tout marquant dans son œuvre, c’est son rapport à la fiction, c’est d’illustrer un certain désir de détachement de la réalité. En accord avec ce désir de fiction, ses photographies sont, pour la plupart, mises en scène, une vraie volonté de brouiller les pistes, images irréelles qui sont sa signature.

« J’ai toujours su que j’aurais dû fermer les yeux avant de les ouvrir et que mon œil, dès lors que je choisissais, n’était plus le mien, n’avait pas son âge, voyait pour la première fois, découvrait ce que je reconnaissais dans mon esprit et mon inconscient. » Sarah Moon

Pour Sarah, le noir et blanc est la tonalité de l’introspection, une tonalité presque incolore, imprécise, qui se rapproche plus d’un sentiment qu’une image. Les vrais blancs n’existent pas, il n’y a pas de lueurs claires dans ses ciels. Les souvenirs, elle les matérialise par la mémoire, mémoire de sa couleur, couleur qui vire délicatement vers un noir pure ou un sépia mystérieux et rêveur.

Elle place des contours flous, utilise des procédés alternés d’impression et de développement, use de lentilles brumeuses d’appareil photo. Elle crée son propre langage photographique, antinarratif, évoque des moments, des sensations, des coïncidences.

Elle utilise le film Polaroid et la chambre photographique et lors de ses tirages elle enrichie l’image en grattages, détériorations, salissures. Ces procédés de dégradation évoquent le temps, la décomposition, l’avancée inexorable vers la destruction et, dissimulant parfois une partie de la scène représentée, souvent les par les bords du cadre, ces accidents provoqués lors du développement se font représentations de l’absence du passé dans le présent, de la perte de l’impression vécue, du manque, de la fragilité du souvenir, afin d’accentuer encore plus la mémoire.

Au cours de sa carrière dans la mode Sarah Moon travaille en couleur en fonction des commandes. Dans une seconde phase, elle préfère le noir et blanc évocateur de la solitude, de l’irréel, d’un moment hors du temps. Sa démarche en couleur est bien différente de sa photographie en noir et blanc. Elle prend la couleur comme un sujet en soi pour en extraire chaque teinte comme un pigment qu’elle étale ensuite à son gré sur le papier photographique. Les contours flous de ses photographies couleurs les éloignent de la précision propre à la photographie, en  les rapprochant de la peinture.

« J’ai l’impression de voir en noir et blanc mais parfois c’est la couleur qui s’impose. » Sarah Moon

Le Petit Chaperon Rouge, 1983