Raymond Voinquel (1912-1994) photographe français né à Fraize dans les Vosges. Fils de Georges Voinquel, boucher et Augusta Saleur. Il est l'arrière-petit-fils d'un dessinateur des ateliers de l'imagerie d'Épinal. Il fréquente l'école communale jusqu'en 1921, après quoi il entre comme interne à l'école privée Saint-Joseph à Dijon, puis au collège privé La Malgrange à Nancy de 1925 à 1926. Pour sa communion en 1925, on lui offre un appareil photographique duquel il tire ses premiers clichés. Ses parents se séparent en 1927 et il suit sa mère qui s'installe à Paris. Il fait d'abord la plonge à La Coupole, avant d'en être le chasseur. Attiré par le cinéma, il fait de la figuration dans des films de Jean Grémillon et Henri Fescourt avant d'être appelé sous les drapeaux et affecté au service cinématographique de l'armée.

  • En 1930, il rencontre son premier modèle : Adolphe Menjou sur le tournage du film « Mon gosse de père » aux studios de Joinville, il fera avec lui sa première photo d'acteur devant Le Majestic. La même année, sa rencontre avec Roger Forster, un pionnier de la photographie de cinéma, qui l'engage comme assistant, oriente définitivement sa carrière. Muni de son appareil 20X30 il fait des photos après le tournage des scènes. Commençant comme assistant sur quelques films comme « La chienne », « Mam'zelle Nitouche » ou « Don Quichotte » il deviendra ensuite photographe de plateau sur plus de 150 films de 1931 à 1977. Il photographiera les plus célèbres comédiens dirigés par les plus grands réalisateurs, en apportant son savoir-faire de « La porte du large » (1936) de Marcel L'Herbier, à « L'armée des ombres » (1969) de Jean-Pierre Melville ou encore « Paris brûle-t-il ? » (1965) de René Clément. Il travaillera avec les plus importants réalisateurs français et étrangers : Jean Renoir, Alfred Hitchcock, Sacha Guitry, Jean-Pierre Melville, Jean Cocteau, Joseph Mankiewicz, Max Ophuls, Luis Bufiuel, Marc Allégret, Anatole Litvak, Marcel Carné, Sidney Lumet, Billy Wilder, Luis Buñuel. Constituant ainsi, tout au long de ces années, une collection de portraits des plus grandes stars du cinéma, de Gary Cooper à Alain Delon, d'Arletty à Michèle Morgan et Erich von Stroheim à Sacha Guitry. Raymond Voinquel sera également, co-auteur et chef-opérateur de quelques courts métrage.

  • En 1940, il a le projet d'illustrer « Narcisse », un poème de Paul Valery. Pendant la seconde guerre il entre au prestigieux « studio Harcourt » comme portraitiste, en obtenant le privilège de signer ses clichés de nombreux portraits d'acteurs et de stars de cinéma. En parallèle, il s'exerce à la photographie de mode et mène au fil de ses promenades parisiennes ou de ses voyages, une recherche sur le paysage, en particulier sur le paysage nocturne nimbé d'une atmosphère mystérieuse. Mais également il se consacrera à la photographie de nu masculin. Louis Jourdan et Jean Marais poseront nus pour lui. Il rendra hommage à Michel Ange à travers d'autres photographies de nu masculin. En 1941, il photographie des sportifs au stade de Bordeaux.

  • Certaines actrices qu'il admire comme Arletty, Edwige Feuillère ou Danielle Darrieux lui font une confiance absolue. Raymond Voinquel se plait à dire qu'il photographie mieux les gens qu'il connaît. Il peut alors mettre en scène portraits ou photos de films en apportant toute sa sensibilité, sans jamais tricher. Sa façon d'aborder la photo comme un artisan, séduit aussi les étrangers, travaillant sur des productions internationales. Raymond Voinquel sera aussi un photographe de mode pour les magazines « Silhouette », « Harper's bazaar » et « Vogue ».

  • Il recevra à Cannes, en 1988, le grand prix de la photographie de cinéma. La même année, les éditions Nathan lui consacreront un ouvrage désormais épuisé. Une exposition conçue par « Paris Audiovisuel » en 1993 sera accompagnée d'un catalogue qui lui rendra hommage. À sa mort à Paris en 1994, l'État acquiert l'ensemble de son fonds photographique et en confie la conservation ainsi que la diffusion à la mission du patrimoine photographique.

Raymond Voinquel est avant tout un photographe de cinéma. Son œuvre riche et variée dépasse largement le cadre du cinéma. Atypique, il passe aisément du portrait, du nu masculin aux paysages qu'il faisait pour son propre compte. Passionné par le dessin et la peinture, il se mêle à la bohème du monde du spectacle. Il fait des photographies de plateau servant à la promotion des films, photos qui ne l'intéressaient que s'il pouvait changer quelque chose. Celles-ci se faisaient dans le décor ou non et selon son propre processus de création. Il travaille le paysage en nocturne nimbé avec toujours son sens de l'éclairage. Femmes et hommes ne sont pas traités de la même façon. Autant la femme est déifiée par la lumière, autant celle-ci fait apparaitre l'homme comme terriblement terrestre. Amoureux du beau, Voinquel développera par ailleurs sur le corps masculin une vision moderne qui fera de lui le précurseur de nombreux photographes contemporains.

« La photo est un métier d'artisan. » Raymond Voinquel

Il nie l'existence d'un style Harcourt. Pour lui, l'important est de connaître la personne que l'on photographie afin de donner un résultat plus proche de la réalité, de la vérité. Il fera d'ailleurs aménager un bar dans une pièce vide où il prenait un verre avec ceux qu'il devait photographier pour faire connaissance.

Voinquel et le nu : Il fut aussi un photographe fasciné par la beauté du corps masculin, les hommes sont élégants, énigmatiques et beaux alors que les femmes sont lointaines, inaccessibles, douces, sensuelles. Virils ou androgynes, les corps photographiés par Voinquel ont ce caractère de perfection rêvée que l’on retrouve dans ses portraits. Il construit ses photographies, grâce à la science de l’éclairage, la lumière est toujours savamment dosée avec une grande subtilité, pour permettre aux nus d’émerger de l’obscurité, de sculpter les corps et en adoucir les contours, les formes. Amoureux du beau, maître de la lumière, Raymond Voinquel a construit un style, une œuvre où le réel est devenu le miroir de ses rêves, un rêve photographique hanté par la beauté éphémère des visages et des corps.

« Je sais saluer la beauté. » Raymond Voinquel

Annabella et le Grec, 1935

Arletty, Les Perles de la Couronne, 1937

La Dame du Rail, 1938

Jean Marais, 1938

Stade de Bordeaux, 1941

Nu dans les vagues, 1948

Enfant aux pigeons, Marseille, 1948

Tony Curtis, 1954

Symbole du Cinéma, 1955

Sourire de Côte d'Ivoire, 1959