Yasuhiro Ishimoto (1921-2012) photographe américaino-japonais, né à San Francisco, en Californie, de parents agriculteurs. En 1924, sa famille quitte les États-Unis pour rejoindre leur pays d’origine, le Japon, s’installant à Tosa, dans la région de Kochi. Sur place, il suit des études et obtient son diplôme d’agronomie au lycée de Kochi, en 1939 le conflit de la Seconde Guerre mondiale, l’oblige à fuir le Japon, il retourne aux États-Unis pour étudier l’agriculture moderne.

    • En 1940, durant deux ans, tout en étant employé dans une ferme, il continue à étudier l’agriculture à l’Université de Californie.

    • De 1942 à 1944 suite au conflit, il est interné en compagnie d’autres Américains d’origine japonaise, dans le camp d’Amache dans le Colorado, connu sous le nom de « Granada Relocation Center » dans le Colorado. C’est pendant ces deux ans au contact d’autres prisonniers qu’il découvre et apprend la photographie.

    • Relâché avant la fin de la guerre, il gagne Chicago, l’une des rares villes américaines à l’époque qui accepte la deuxième génération d'Américains d’origine japonaise. De 1946 à 1948 il y entreprend des études d’architecture à l’Université Northwestern, auxquelles il met rapidement fin pour se consacrer uniquement à la photographie.

    • En 1948 il intègre le « Chicago Institute of Design », initialement fondé sous le nom de « New Bauhaus » par le peintre et photographe László Moholy-Nagy afin de faire renaître aux États-Unis l’enseignement de la célèbre école d’art appliqué allemande. Jusqu’en 1952, il y étudie sous l’enseignement de deux photographes américains, Harry Callahan et Aaron Siskind, à l’esthétique proche de celle des artistes expressionnistes abstraits.

    • Brillant élève, il reçoit deux années consécutives en 1951 et 1952 le prix « Moholy-Nagy » et en 1952 Ishimoto obtient son diplôme de photographie et parvient à se faire accepter dans le milieu.

    • En 1953, il s’attire l’estime d’Edward Steichen qui présente ses clichés pour la première fois au MoMA de New York dans l’exposition « Always the Young Strangers ». La meme année il retourne vivre au Japon, suite à une commande du MoMa, il photographie en noir et blanc la Villa impériale de Katsura à Kyoto.

    • En 1955, le travail d’Ishimoto est à nouveau retenu par Edward Steichen pour figurer dans l’exposition au MoMA intitulée « Family of Man ».

    • De 1958 à 1961, Ishimoto travaille à Chicago grâce à une bourse de Minolta. Durant cette période, il photographie des scènes de rues, qui aboutit à la publication d’une ouvrage en 1969 intitulé « Chicago, Chicago », une approche amoureuse de sa ville d’adoption à la fois en tant que citoyen et visiteur.

    • En 1961 il repart pour le Japon et en 1969 se fait naturaliser citoyen japonais. Pendant les années soixante, il enseigne la photographie à la Kuwasawa Design School, au Tokyo College of Photography et, de 1966 à 1971, à la Tokyo Zokei University.

    • Le photographe comme un globe trotter, de 1966 à 1975 parcoure la planète, le sud-ouest asiatique, l’Amérique du Sud, l’ Afrique du Nord et l’Australie. Les années suivantes, il continue son périple en Iran, en Irak et en Turquie. En 1977, il retourne à nouveau en Turquie et voyage en Espagne, en Inde et en 1978 se rend en Chine.

    • De 1973 à 1993, il réalise des photographies abstraites en couleur. En 1980, au MoMA, il prend des photographies grands formats des « Nymphéas » de Claude Monet.

    • Depuis 1973 jusqu’en 2003 il documente par ses images sa ville de Tokyo, en pleine évolution vers une immense mégapole. Il rend perceptible le choc entre le côté intemporel du Japon, et le saut presque sauvage vers la modernité, avec les forêts de grues, l’envahissement des enseignes anglaises et japonaises.

    • En 1982 de retour à la Villa impériale de Katsura, il effectue une autre série de photos à Kyoto. Mais cette fois ci en couleur, en utilisant autant que possible le même lieu et le même angle de vue que celles qu’il a réalisé en 1953, son travail est publié dans « Space and Form ».

    • En 1994 il est l’invité aux Rencontres d’Arles. En 1996, le gouvernement japonais le nomme « Man of Cultural Distinction ».

    • En 1999, il a fait l’objet d’une rétrospective à l’Art Institute de Chicago, « A Tale of Two Cities », (le conte de deux villes). En 2000-2001 le Cleveland Museum of Art lui consacre une exposition « Traces of Memory », (traces de mémoire).

    • En 2004 il fait don de ses archives comprenant sept mille clichés au Musée d’Art de Kochi au Japon.

Ishimoto, est le fondateur du développement de la photographie japonaise d’après-guerre, pendant plus d’un demi-siècle, ses images façonnent l’imaginaire photographique, un lien entre la plus moderne des architectures et la plus profonde des traditions dans le Japon dans les années 1960. Il est le photographe passeur entre l’Orient et l’Occident, toute une vie qu’il partage entre Chicago et Tokyo, ne reniant aucun apport de sa double culture. Considéré comme l’architecte des lignes et des êtres, son premier ouvrage, « Someday, somewhere » en témoigne.

Il occupe une place unique dans la photographie japonaise, son style fondé sur un détachement objectif, tranche avec les attitudes les plus émotionnelles en vigueur au Japon. Toujours à la recherché de l’essence esthétique, sa sensibilité plastique, sa technique subtile et la rigueur de la construction font de lui un des plus grands photographes.

Un travail singulier qui mélangé, donne une œuvre forte, un assemblage de tradition et de création tout à la fois, aussi bien à ses débuts en noir et blanc, que par la suite avec des recherches sur la couleur pouvant aller jusqu’à l’abstraction pure. Ses images ont un sens aigu de la forme, d’équilibre des volumes, de la force de son regard, de sa nostalgie du temps et des moments qui s’enfuient.

Photographe des métropoles, Chicago et Tokyo, Yasuhiro applique à tout ses clichés, le flux de la vie des rues et des gens qu’il a hérité par l’enseignement de ses mentors, le photographe expressionniste abstrait Aaron Siskind, et Harry Callahan pour qui la photographie est un acte rituel et sensible. Sa photographie jouant entre modernisme à l’américaine et culture japonaise, sait faire vivre autant les rues de Chicago que de Tokyo, en passant aux fastes d’une fête d'Halloween au calme serein des temples de Katsura. Sa photographie de rue avec les enfants, des êtres dans leur quotidien, les buildings, ainsi que la spiritualité des temples, il y pose son regard de la même façon, un regard exigeant, tendre et soucieux.

Ses séries de clichés en noir et blanc expriment le mieux sa vision des formes, les compositions spatiales sont omniprésente, il à toujours été influencée par Piet Mondrian et la la peinture abstraite des années 20 et 30. L’homme à la fois du Bauhaus et des temples a su marier l’esthétique et la géométrie.

Grâce à ses études d’architecture, il sait déchiffrer l’activité urbaine par une lecture précise des bâtiments, par un cadrage parfait, l’art des contrastes il traite techniquement les volumes.

Les photographie de Ishimoto sont des instants de vie attrapés au vol, des cris contre l’injustice faite aux pauvres des rues, , des regards tendres vers les enfants qui jouent à se déguiser ou à provoquer, des longs moments de méditation devant les feuilles et les fleurs, les ombres errantes sur les murs, les objets jetés après usage, marquant la dégradation du temps, des voitures encerclées par la neige, de simples gens en maillot, attablés à un bar, la beauté inaltérable et silencieuse des temples japonais ou des fleurs qu’il a tant aimé photographié, comme pour les ensemencer. La fragilité des choses l’obsède, nuages, fleurs, objets que l’on jette, tous ce qui s'en va.

« Tout fait appel à nos émotions parce que, là, pour une fois, la conception architecturale a été étroitement liée à l’être humain, à son style de vie et aux réalités de son existence. » Yasuhiro Ishimoto

Snow and Car, Chicago, 1950

Calla Lily, 1990