Nan Goldin (1953) photographe américaine, née Nancy Goldin à Washington d'une famille juive, elle est la cadette de quatre enfants, elle grandit dans le Massachusetts.

  • Sa sœur aînée Barbara, internée en hôpital psychiatrique, jugée trop rebelle par ses parents, à l'issue d'un séjour à l'hôpital, se suicide en 1965, se jetant sous un train, Nan Goldin alors âgée de onze ans, ses parents se murent dans le silence et tentent de lui cacher la vérité. Après la disparition de sœur, elle s'enfuit de la maison parentale pour Boston.

  • En 1969, elle s'inscrit à la « Satya Community School » de Boston, qu'elle surnomme la « Hippie Free School », elle s’initie à la photographie, poussée par un de ses professeurs et commence à prendre des clichés de ses amis sur les pelouses de l'école. Elle rencontre et se lie avec les photographes David Armstrong et Suzanne Fletcher, elle commence à photographier leurs jeux de travestissement, Armstrong qui la surnomme « Nan » lui fait découvrir les milieux alternatifs de Boston, la boite de nuit des Drag Queen, « The Other Side » ou elle côtoie ce milieu très marginalisé qu'elle photographie en utilisant surtout les couleurs primaires.

  • En 1973 elle expose dans une galerie de Cambridge, ses premières photographies prises dans les milieux gays et travestis.

  • A partir de 1974, elle étudie à « Imageworks » à Cambridge et fréquente l'Ecole du Musée des Beaux-Arts de Boston , où elle se lie d’amitié avec les photographes Mark Morrisroe, Jack Pierson et Philip-Lorca Di Corcia. Elle y apprend les techniques de la photographie couleur et devient Bachelor of Fine Arts (licenciée en arts plastiques). Elle débute son projet de préparer une présentation de ses photos sous la forme d'un diaporama.

  • En 1977, elle expose avec David Amstron à la « Hudson Gallery » de Boston.

  • En 1978, elle s’installe à New York, serveuse dans un bar, elle commence à réaliser des photos aux couleurs saturées, plongées dans une lumière artificielle, pénétrant les boites de Times Square, photographie les membres de la culture punk de Bowery, minée par la consommation de drogues dures. Elle diffuse son travail dans les lieux underground sous forme de performance dans des cinémas ou des boîtes de nuit. Pendant cette période, elle continue à photographier, ses amis et elle-même. Sa grande histoire d’amour mouvementée avec son amant Brian donne naissance à des clichés inoubliables, de l’agonie de la relation de couple à une série d’autoportraits au visage meurtri après une bagarre.

  • En 1981, dix ans après le début de son projet de diaporama voit le jour, constitué de plus de 800 diapositives projetées en boucle, elle le nomme « The Ballad of Sexual Dependency » en référence à l'Opéra de quatre sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht , la musique de Weill cotoie celle de Boris Vian et du groupe rock Creedance Clearwater Revival. Après des projections dans les clubs, le diaporama est publié par Apertur sous le même titre, regroupant ses photographies de sa passion et désespoir avec son amant Brian, ainsi que tout ses amis. En 1985 il est projeté au « Whitney Museum of Art » de New York. Le succès de son diaporama se propage, étant demandé aux quatre coins du monde, Nan le met constamment à jour, tout en conservant le format des 50 minutes et la bande son.

  • En 1988, elle retourne à Boston pour une thérapie et retrouve le photographe David Armstrong, pendant les années 1980, elle est confrontée à l’apparition du sida, qui décime ses amis proches ainsi que ses modèles, qu’elle considère comme sa propre famille, et qu’elle photographie de leur vie quotidienne à leur cercueil. C'est, le cas de Cookie Mueller, morte à 40 ans le 10 novembre 1989, à qui Goldin consacre une exposition en 1991, à cette occasion est publiée « La dernière lettre » (A Last Letter) de son amie, qui décrit le drame de la génération du début du baby-boom fauchée par l'épidémie.

  • En 1990, elle rentre à New York avec David Armstrong et y photographie les drag queens new-yorkaises et leur vie nocturne. En 1991, pendant trois ans, elle s’installe à Berlin, sa ville d’adoption, et effectue de nombreux voyages en Europe et en Asie. Elle multiplie les expositions et publie de nombreux livres et entame une collaboration avec le photographe japonais Nobuyoshi Araki, ensemble ils publient un recueil documentant la culture adolescente à Tokyo.

  • En 2006 elle devient Commandeur de « l’ordre des Arts et des Lettres » par l’état français. En 2007 elle est lauréate du prix « Hasselblad ». Depuis 2007, elle partage sa vie, entre Londres et Paris, son travail évoluant vers des ambiances moins destructrices et plus tendres.

  • En 2013, elle reçoit pour l'ensemble de son œuvre, le Prix d'honneur du Festival international du livre d'art et du film de Perpignan.


La vie et l’œuvre de Nan Goldin sont intrinsèquement liées, bouleversé depuis toujours par le suicide de sa sœur, elle photographie ses proches, son travail devient un gigantesque album de famille dans lequel elle collectionne et consigne chaque moment de sa vie, mais son album est inversé, elle réunit ce que l'on cache habituellement, c'est en cela que l'on la qualifie de photographe de l'intimité, avec son désir de garder toute trace de la vrai vie, inséparable de son appareil photo qui est sa mémoire des substitution.

« J'ai commencé à prendre des photos à cause du suicide de ma sœur. Je l'ai perdue et je suis devenue obsédée par l'idée de ne plus jamais perdre le souvenir de personne. » Nan Goldin

Son parcours s'inscrit dans la continuité de la photographe Diane Arbus, à cette différence près que les souvenirs glauques ne sont pas ceux des autres mais les siens, elle photographie sa vie sans limite, sans peur et sans pudeur.

Ses premières photographies sont en noir et blanc, mais à l'aube des années 70, elle s'empare de la couleur, photographie en lumière d'ambiance tout en recourant parfois au flash pour des rendus plus contrastés et moins diffus, elle tire de temps en temps ses diapositives sur papier Cibachrome, mais ce qu'elle préfère avant tout c'est la dispositif de la projection afin de partager ses images avec ses amis, système qui à l'époque est très répandu dans la sphère privée et familiale.

« Pour moi, la photographie est le contraire du détachement. C'est une façon de toucher l'autre, c'est une caresse. » Nan Goldin

Elle considère, depuis sa jeunesse, la photographie comme le médium idéal pour conserver des traces de vie, permettant ainsi de faire naître une deuxième mémoire, son journal intime, rendu visible explicitement dans ses autoportraits, la plupart du temps, elle se met en scène en utilisant des cadrages rapprochés, elle est omniprésente sur la majorité de ses photographies, même lorsqu’elle n’y apparaît que physiquement.

« Ce qui m’intéressait le plus c’est de photographier le comportement physiques des gens, leur sexualité, leur identité sexuelle. Dès le début de mon travail sur les travestis, je les percevais déjà comme un troisième sexe. » Nan Goldin

Avec des chambres vides, ou des paysages déserts, elle met le spectateur dans une position de voyeur, en lui gardant une place, pour qu'il se sente aspiré au sein de son image, pour qu'il se retrouve face à lui-même, à ses propres questionnements. Elle créée une mémoire collective, des histoires dans lesquelles il s'identifie et s'interroge en permanence.

Dès le début de sa carrière, les journalistes et critiques d’arts participent à donner une mauvaise perception de son œuvre, elle se voit même censurée à plusieurs reprises. Mais à partir de son diaporama « The Ballad of Sexual Dependency », la vision sur son travail change radicalement, reconnue, elle devient rapidement l'une des photographes les plus innovantes et les plus marquantes du 20ème siècle.

« Pendant des années mon travail a traité de la dépendance sexuelle, je ne suis pas obséder par le sexe mais par l'idée que l'on puisse devenir dépendant sexuellement de quelqu'un qui ne vous convient pas, tant sur le point affectif que sur le plan intellectuel, et pourquoi ce besoin d’être deux est-il si fort. » Nan Goldin

Un œuvre dans laquelle il ne s’agit pas seulement pour elle de diffuser des photos trash aux sujets tabou, mais simplement de rendre compte de sa vie, et de celle des gens qui en font partie, quel que soit leur milieu. Dans Ses clichés, elle évoque, la fête, la drogue, la violence, le sexe, l’angoisse de la mort, mais elle a aussi le désir de photographier la vie telle qu'elle est, sans censure, ce qui l' intéresse, c'est le comportement physique des individus, cherchant à traiter la condition humaine, la douleur et la difficulté de survivre. Nan Goldin n'a aucun tabou, allant jusqu'à se photographier dans des situations parfois inconfortable.

« Il n'y a pas de séparation entre moi et ce que je photographie. » Nan Goldin

Chrissie and Sandy on the Beach, Provincetown, 1976

Nan et Brian, New York, 1983

Dans la chambre de son appartement New-yorkais, Nan réalise cette photographie avec un pied et un déclencheur à distance, elle dévoile son intimité sans aucun complexe, juste après avoir fait l'amour avec Brian, son compagnon, poison et objet de sa passion, vu de profil, le torse dénudé, le visage et l'avant bras gauche baignés de lumière jaune orangée qui réchauffe dans le même temps le regard et l'oreiller de la photographe, allongée sur le lit en arrière plan, immobile, concentrée vers celui qu'elle vient d'aimer, fixant son amant qui fume, qui lui est tourné vers l'extérieur, plongé dans ses pensées.

Cette image est extraite de la « Balade de la dépendance sexuelle », une série qu'elle regroupe dans un diaporama avec plus de 800 diapositives et qui est édité un peu plus tard dans un ouvrage portant le même titre.

« Je n'ai rien composé à l'avance, je ne savais pas à quoi ces photos allaient ressembler jusqu'à les voire. J'ai simplement photographié ce qu'il se passait et ensuite, j'ai trouvé cette photo très significative, il y a de l'ambivalence de mon regard et cette distance entre nous, juste après l'amour. » Nan Goldin

J and CZ in the Car, New York City, 1984

Misty and Jimmy Paulette in a taxi, New York City, 1991