Alexandre Rodtchenko (1891-1956) photographe russe, né Alexandre Mikhaïlovitch Rodtchenko à Saint-Pétersbourg d’un père, accessoiriste et décorateur d'un petit théâtre et d’une mère, blanchisseuse.

    • De 1910 à 1914 il est élève du peintre Nicolaï Fechin à l’École des Beaux-Arts de Kazan de Kazan, où il rencontre sa future femme, Varvara Stepanova. À la fin de ses études, il s'installe à Moscou où il s'inscrit à l'École d’arts appliqués Stroganoff, qu’il quitte rapidement.

    • En 1915, il travaille seul et réalise ses premières compositions géométriques en noir et blanc, dessinées au compas et à la règle.

    • En 1916 par l'intermédiaire de l'architecte Viktor Vesnine, il rencontre le peintre et architecte Tatline et expose ses œuvres dans l'exposition collective « Magasin » aux côtés des peintres Lioubov Popova, Alexandra Exteret et Ivan Klioune. Il poursuit ses recherches autour de la peinture abstraite et se rapproche des peintres les plus novateurs de l'époque.

    • En 1917 il dessine pour le Café pittoresque des projets de lampes, l'occasion pour lui d'appliquer ses recherches à des objets du quotidien. Il commence à créer des constructions spatiales et des projets d'architecture, kiosque à journaux, édifices.

    • En 1918, il passe de la peinture abstraite à des constructions tridimensionnelles.

    • En 1920, il fonde avec d'autres artistes « le Syndicat des artistes peintres » dans la fédération la plus avant Gardiste dite « de gauche », il fait partie de nombreux instituts officiels et enseigne, dans les nouvelles d'écoles d'art créées à la Révolution, jusqu'à leur suppression en 1930, par le pouvoir politique, inquiet des innovations de l'enseignement.

    • En 1921, il participe à plusieurs expositions, dont l'une d’entre d'elle, intitulée « 5x5 =25 » il y présente un triptyque de toiles monochromes comportant chacune une couleur primaire, une couleur rouge pure, une couleur jaune pure et une couleur bleue pure.

    • Par la suite, il signe le manifeste productiviste dans lequel il s'engage à abandonner la peinture de chevalet au profit de la production d'objets usuels. En mars de la même année, il adhère au nouveau mouvement artistique qui vient de naitre le « constructivisme ».

    • Dès 1922 il réalise de nombreuses affiches politiques, affiches de films, affiches et objets publicitaires influencés par ce courant. Pour lui, il y a une « absolue nécessité à lier toute création à la production et à l'organisation même de la vie ».

    • En 1923, il commence à collaborer avec de nombreuses maisons d'édition pour des travaux de mise en page en réalisant des couvertures de la revue futuriste et constructiviste « LEF » puis celles de « Novy LEF », dirigées par Vladimir Maïakovski.

    • À partir de 1924, il se tourne vers la photographie, réalisant des photocollages et photomontages, puis il effectue ses premiers clichés, au départ des portraits, ceux de ses amis, comme le poète russe, Nikolaï Asseïev et de sa famille dont sa mère, portraits à travers lesquels il poursuit ses expériences picturales, en découvrant de nouveaux points de vue et de nouveaux angles de cadrage.

    • En 1925, il monte le pavillon soviétique à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris et présente son projet de « club ouvrier ». Par la suite il travaille pour le cinéma et le théâtre en dessinant des meubles, des décors et des costumes.

    • En 1929 il est sélectionné par le peintre Lazar Lissitzki, pour l'exposition « Film und Photo » de Stuttgart.

    • En 1933, il est chargé d'aller photographier la construction du canal de la mer Blanche en Baltique pour le magazine « SSSR na Stroïké » (« l’URSS en construction »)

    • De 1934 à 1939 Rodtchenko et son épouse Varvara Stepanova, réalisent ensemble des albums photographiques intitulés « Le Cinéma en URSS » illustré de photomontages, « La Flotte aérienne soviétique », et « Les Dix Ans de l'Ouzbékistan ».

    • Durant la Seconde Guerre Mondiale, il quitte Moscou et se réfugie dans la région de Perm, en compagnie d'autres artistes, tout en travaillant à la conception d’affiches sur le thème de la grande guerre patriotique.

    • Après guerre, Rodtchenko publie des ouvrages à la gloire de l'Union soviétique, il expérimente la photographie en couleurs.

    • Aujourd'hui sa collection privée est exposée au musée « Pouchkine » de Moscou.

Alexandre Rodtchenko réalise ses photomontages à partir de photos trouvées, puis commence à prendre lui même des photographies à partir de 1924. Son positionnement théorique et critique l’amène à bousculer les règles traditionnelles de la composition héritée de la peinture. Il s’oppose à la photographie créatrice et expérimentale « de Chevalet » qu’il qualifie de bourgeoise et incarnée par Man Ray et László Moholy-Nagy.

Pour sa part il déséquilibre les images, privilégiant les décadrages, les plongées ou contre-plongées vertigineuses et le rôle structurant les lignes, il bouleverse leur cohérence visuelle. Les effets de profondeur sont anéantis par la perte d’horizontalité. Sa photographie est arrachée à son rapport mimétique au réel, elle devient l’espace d’un discours cherchant à susciter la conscience des masses. Libéré de ses modèles picturaux, l’espace défini par le cadre de l’image est réinventé.

Il s’efforce de rafraichir le regard du public en faisant appel à des points de vue et des angles inattendus, afin d’éveiller les esprits. Son appareil photo flotte tour à tour au dessus, au dessous, ou autour des personnes et des objets, il revendique visuellement sa liberté vis à vis des points fixes jusqu’aux lois de la gravité, de l’apesanteur.

Étymologiquement « photographie » vient du grec et signifie « dessiner avec la lumière », c’est ce qu’illustre le travail de Rodtchenko, trame et quadrille l’espace en ombres, en traits sombres qui s’entrecroisent. Il utilise des maillages pour relier les ombres et les lumières, les perspectives qu’il installe parachèvent l’effet de modernité en détruisant toute référence à un art ancré dans le passé.

« Nous étions pour le nouveau mode, nous étions pour l’homme nouveau. » Alexandre Rodtchenko

Par son approche originale, audacieuse et innovante, il coupe tous les ponts avec les anciens procédés de la photographie. Ses images s'imposent, par leurs thèmes productivistes, leur dynamisme formel ou par un art du portrait où figure l'homme nouveau.

« La photographie a tous les droits et mérite qu'on la traite avec respect comme un art d’aujourd’hui. » Alexandre Rodtchenko

Mère, 1924

Cette photo avec un cadrage resserré sur le visage de sa propre mère lisant le journal, comprend à l’origine le journal lui même posé sur la table, mais comme dans ses collages, Alexander se concentre sur l’essentiel du sujet, du sentiment, sa mère est un personnage comme un autre, au foulard sur la tête à la russe, une main, une seule qui tient ses lunettes comme un monocle, qui raconte ses années de labeur en tant que lavandière, elle a un air grave, presque dramatique, elle qui a appris à lire dans les années 1920 à 55 ans et qui soudain découvre un nouveau monde, un nouveau mode de vie. Son fils lui, invente peu après un nouveau genre de perspective, du bas vers le haut et vice versa, une nouvelle vision de voir.