Inge Morath (1923-2002) photographe autrichienne, née à Graz en Autriche. Son enfance se partage entre les différentes résidences imposées par la carrière scientifique de son père, Munich, Berlin, Strasbourg, Darmstadt, et de nouveau Berlin où la famille revient s'établir en 1938, lieu dans lequel elle grandit, fait des études de langue, de journalisme et obtient son diplôme en 1944.
En 1946, à Salzbourg, elle envisage de reprendre ses études interrompues durant la guerre, par son refus d'adhérer aux organisations nazies. De 1946 à 1949, elle travaille en tant que traductrice interprète et rédactrice au service des troupes américaines d’occupation à Salzbourg puis à Vienne. Elle collabore au sein de la revue « Kurier », à la station de radio « Rot-Weiss-Rot ».
En 1948, elle participe à la création de la revue d'art « Der Optimist ».
Werner Trabant, le rédacteur en chef de « Heute », magazine Américain édité à l’époque dans les pays occupés, lui propose le poste de directrice de la photographie pour l'édition viennoise du journal. Dans le numéro du 3 août 1949, elle commente et publie sur huit pages le reportage de son compatriote, le tout jeune photographe Ernst Haas, consacré au retour en Autriche des prisonniers de guerre. Robert Capa, qui vient de fonder Magnum Photos, apprécie ce travail et propose aux deux jeunes photographes de rejoindre le bureau parisien de l'agence. Elle se rend alors à Paris et intègre l'agence Magnum d'abord comme rédactrice, documentaliste et assistante de Henri Cartier-Bresson pour lequel elle rédige les légendes de ses photos.
En 1951 elle épouse le journaliste anglais Lionel Birch. Ses connaissances techniques sont alors celles d'un amateur, mais sa sensibilité s'est affinée au contact des jeunes photographes de Magnum, en particulier Henri Cartier-Bresson. À son retour à Londres où elle réside désormais, elle décide de se consacrer totalement à la photographie, en apprenant le métier de photographe auprès de Simon Guttmann, elle part en missions en Europe, Afrique du Nord et au Moyen Orient.
En 1953, de retour à Paris elle retrouve Magnum Photos et en devient membre en 1955 grâce à Robert Capa et à Henri Cartier-Bresson, elle en est l’une des premières femmes au sein de l’agence. Ses voyages prolongés et l‘intérêt manifeste qu‘elle porte à l‘art, trouvent alors leurs expressions dans des essais photographiques publiés par de nombreux célèbres magazines, tels que « Life », « Paris Match », « Holiday Magazine » et « Vogue », dans le même temps elle publie un nombre important d’ouvrages.
En 1962, elle épouse le romancier Arthur Miller qu’elle a rencontré lors d’un reportage sur le tournage des « Misfits », ensemble ils s'installent à New York puis dans le Connecticut et vit avec lui jusqu’à la fin de ses jours.
En 1965, elle effectue son premier voyage en URSS, en 1966 elle est naturalisée américaine.
En 1978, elle séjourne pour la première fois en Chine, pays où elle retourne régulièrement.
En 1984, elle est promue Doctor « Honoris Causa » en Beaux-Arts à l'Université du Connecticut.
En 1992, elle reçoit le Grand Prix d'Autriche pour la Photographie.
Le 11 septembre 2001, Inge Morath et Arthur Miller se trouvent à bord d'un avion reliant New York à Paris, où lui doit recevoir un prix de la « Japan Art Association ». Tous deux sont effondrés, Arthur, mal rasé et en maillot de corps, zappe nerveusement de la télévision au téléphone, ils ne souhaitent qu'une chose, pouvoir rentrer pour réconforter leurs proches. La totalité des vols vers les États-Unis étant annulés, Inge devant réaliser une exposition photos, sous le choc des attentats, veut continuer à photographier et reporte la date de son exposition. C’est à Ground zero, aux pieds des Twin Towers en ruines qu'elle effectue ses dernières photographies.
En 2002, à sa Mort à l'âge de 78 ans, l’agence Magnum Photos met en place un prix portant son nom, le « Prix Inge Morath » qui récompense chaque année une femme photojournaliste de moins de 30 ans.
Comme une conquérante épris d’humanisme, ses premiers clichés, un paysage italien vu d’une fenêtre, et des fillettes trottant dans Venise, endroit ou elle s’est lancée dans la photographie, un jour de pluie, avec le clic-clac de sa mère. Ses photographies témoignent de son désir d’éclaircir un fait d’actualité comme un visage, elle le fait avec sobriété, sans volonté de se faire remarquer, même quand Marilyn Monroe danse devant son objectif, sur le tournage des « Misfits » dans le Nevada.
Comme nombre des grands reporters de l’époque, Inge Morath travaille plutôt en noir et blanc pour elle c’est une valeur sûre, et jugée moins vulgaire que la couleur, réservée à la publicité, gourmande de polychromie, ou à la mode, toujours avide de brillance. Or, voici que paraît « First Color » un ouvrage de la photographe qui balaie tout à coup la mélodie du noir et blanc et rafraîchit le passé. Son ouvrage à la couverture bleu pâle contient ses premières images en couleurs, surtout de la kodachrome, prises entre 1953 et 1961, en Europe et ailleurs. Pour elle c’est alors un choc de découvrir le monde en technicolor après l’avoir goûté en noir et blanc. Tout paraît plus gai, l’Espagne de Franco respire la joie de vivre, en Andalousie comme en Roumanie, elle s’attarde sur les passants qu'elle croise en habits de fête, au Mexique, elle saisit le masque mortuaire de Frida Kahlo, en Iran des serviettes de bain qui flottent comme des drapeaux rouges, en Tunisie à Mahdia des pêcheurs accoudés à leurs barques, en Afrique du Sud à Kimberley un chercheur d’or, manches retroussées, comme suspendu dans son rêve.
Dans chacune de ses photographies, elle glisse sa curiosité de femme du monde, toujours à une distance respectueuse. Elle n’effraie jamais ceux qu’elle photographie, elle est sensible à la respiration du monde. Son œuvre évoque le flux de la vie, des images qui reflètent et interprète avec bonheur l’histoire, au point d'en devenir elle-même une part. Son travail est universel, d’une légèreté et d’une simplicité hors pair.
« Avec la photographie, j’ai compris, que je pouvais donner forme à une pensée. » Inge Morath
Street Corner at World's End, London, 1954
Venise, Italie, 1955
Grand Canal, Venise, Italie, 1955
Femmes Nomades, Iran, 1956
Market, Mexico, 1959
Marilyn Monroe, Casino, The Misfits, 1960