Joel Meyerowitz (1938) photographe américain, né à New York dans le quartier du Bronx. Après avoir étudié la peinture et l'imagerie médicale à l'université d'Ohio, il revient à New York, sa ville natale et décroche un poste de directeur artistique pour une agence de publicité.
En 1962, il rencontre le photographe Robert Frank, rencontre qui révolutionne sa vie « je ne savais pas que l'on pouvait bouger et prendre des photos à la fois ! ». En compagnie de Robert Frank il découvre une nouvelle façon d'utiliser un Leica.
« Quand je l'ai vu bouger et photographier dans un même mouvement, j'ai été ébahi, je l'observais pendant toute la scène, et chaque fois que j'entendais le déclic du Leica, je voyais ce moment s'illuminer, l'apogée absolue de cet instant, à l'époque, je pensais que la photographie était une chose statique. Pas qu'elle pouvait être une expérience physique ! Je suis rentré au bureau et j’ai tout avait changé. Sur le chemin, le monde m'apparaissait différent, plein de potentialités. » Joel Meyerowitz
Suite à cette rencontre, attiré par la magie de la photographie, il abandonne son emploi de publicitaire pour se consacrer entièrement à sa passion. A son patron compréhensif, il emprunte un appareil et à 24 ans se plonge corps et âme en parcourant la ville de New York de long en large, à la recherche du hasard et des accidents qui font le sel de la photo de rue. Il débute par la photographie en noir et blanc, mais rapidement il utilise une pellicule couleur dans son boîtier. Dès lors, il s'intéresse à des sujets comme le temps libre, thème qu'il peut photographier abondamment grâce à une bourse accordée par le Guggenheim Fellowship.
Vers 1965, il prend le parti d'arpenter les rues de New York, notamment avec son ami Garry Winogrand , « On était comme des pêcheurs sur la 5e Avenue, on filtrait les informations humaines qui s'écoulaient dans la rue », son regard se forge au fil des gens, perdus, qu'il rencontre et qui se croisent, sans jamais se regarder. Les photos qu'il produit sont prises avec deux appareils, un muni d'une pellicule couleur, l'autre d'une pellicule noir et blanc, sans pour autant comparer deux vues quasi identiques pour découvrir par lui-même quel langage chromatique lui correspond le mieux.
Après avoir fait quelques économies, en 1966-1967, il voyage en Europe qui marque un tournant dans sa carrière, lui permettant d’affirmer son style. Un périple, de l’Allemagne à l’Irlande en passant par la France, l’Espagne et l’Italie, il effectue des photos de Paris, de Malaga, en couleur et en noir et blanc. Il dit que le noir et blanc va bien à la Turquie ou à l’Espagne. Mais derrière son objectif, la couleur traduit mieux l’intensité dramatique d'une rue espagnole, ou lorsque qu'un attroupement regarde un cheval renversé avec sa carriole, entre ombre et soleil.
Au début des années 1970, il se consacre exclusivement à la couleur. Dans son premier ouvrage intitulé « Cape Light », il explore les variations chromatiques au contact de la lumière, son livre est considéré comme un classique de la photographie. Il utilise alternativement un appareil 35mm et une chambre Deardorff 20×25, il développe à travers ces deux formats deux langages différents, une écriture originale. Il capture « l’instant décisif » avec son appareil 35mm, et révèle la beauté du réel en utilisant un temps beaucoup plus long avec la chambre grand format.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, il est le seul photographe à être admis sur le site de Ground Zero à New York, endroit ou il réalise de nombreux clichés dans les ruines du World Trade Center pendant neuf mois, couvrant les travaux de nettoyage du site, un ouvrage monumental est édité et des tirages sont affichés de façon permanente sur les murs du mémorial de Ground Zero.
Variant les formats et les techniques. Les travaux de Joel Meyerowitz sont exposés dans des lieux prestigieux, tels le « Museum of Modern Art » ou le « Withney Museum of American Art », mais aussi dans le monde entier, et font l'objet de nombreux ouvrages. Il également reçoit également le titre de Photographe de l'année par les Amis de la photographie, son talent est unanimement salué par le public et la critique. Avec plus de 350 expositions, 17 livres et un film à son actif, il est l'un des photographes les plus influents de sa génération.
Meyerowitz photographie les endroits de la vie de tous les jours avec une clarté telle qu'ils sortent de la banalité. Il shoote les rues vides de Saint Louis, du Missouri, des pavillons et des enseignes dans la lumière irréelle du crépuscule ou de la nuit. Il effectue aussi des photographies monochromes dont une série où il se promène avec deux appareils afin de pouvoir faire presque deux fois la même photo, une en noir et blanc et une en couleur. Ces expériences le rassure dans son choix car il trouve le monochrome trop gris et sans caractère. D’autres photographies sont réalisées à la chambre, il s’agit de photographies de paysages et de bâtiments typiquement américains comme le fait Raymond Depardon en France.
« L’image en couleur était plus riche d’informations, qu’il y avait beaucoup plus à voir et à réfléchir, tandis que le noir et blanc réduisait le monde à des nuances de gris. » Joel Meyerowitz
Dans ses images la discrétion est impossible et assume de ne pas être un photographe incognito, dans ses séries les personnes regardent directement l’objectif. Il est un grand adepte du « perfect timing » où la forme d'une ombre, la lumière sur un bâtiment ou l'expression d'un visage savent faire la différence, sa photographie ne vise pas le beau mais plutôt l'expression d'une idée. C'est bien sûr ce qui le place au rang d'artiste et non de simple photographe de rue.
« C’est en travaillant dans la rue pendant tant d’années que j’ai appris à anticiper le potentiel que l’énergie collective de la rue projette parfois. Parmi ceux qui partagent cette approche, beaucoup ont compris qu’une sorte de sixième sens de l’imprévisible vient avec le terrain et la pratique. » Joel Meyerowitz
Plus tard, il s’attelle au portrait, attiré inconsciemment par les roux une série qu'il intitule « redheads » effectuée sur les plages de Cape Cod, où ces femmes et hommes sont rendus encore plus roux par le bleu du ciel. Il s’interroge sur l’art du portrait, l’humilité qui lui semble essentielle pour le pratiquer, la simplicité et l’honnêteté qu’il requiert selon lui. Il tente toujours d'être au plus près de ses souvenirs et de ses sensations. Lorsqu'il travaille en argentique, il prend des notes pour chacune de ses images, afin de se souvenir de ses impressions au moment du tirage. Récemment il se met aux appareils numériques, et équipe son studio d'imprimantes dernier cri.
« Je veux qu'on devine une pointe de vert tendre dans le jaune vif d'un champ fauché en Italie. La photographie est un médium technique. La technologie m'a donné des outils pour décrire précisément ce que j'ai ressenti. » Joel Meyerowitz
il est l’archétype du New-yorkais cultivé qui embrasse son époque avec curiosité et empathie. Par son travail en couleur, il a révolutionne l’histoire de la photographie, influence les jeunes générations de photographes, particulièrement l’école allemande de Düsseldorf. Son œuvre apparaît comme le chaînon manquant qui permet de mieux comprendre le passage définitif du noir et blanc à la couleur dans l’histoire de la photographie de la deuxième moitié du 20eme siècle. Il s'impose comme le photographe qui révèle le pouvoir de la couleur au monde de la photographie, il est la transition entre la « street photography » en noir et blanc de Arthur Weegee dans les années 40 et les rues éclatantes de couleurs de Paul Graham, il donne les lettres de noblesse à la photographie artistique couleur. Cette innocence, sans doute, concoure à faire de lui un des pionniers de la couleur aux cotés de William Eggleston, Stephen Shore et Saul Leiter.
Site Officiel : Joel Meyerowitz
« La photographie consiste à être présent, extrêmement présent. » Joël Meyerowitz
The lady in the ticket booth, 1963
New York City, 1963
Fallen Man, Paris, 1967
Ce sixième sens dont parle Joel Meyerowitz, peut-être le fameux œil du photographe, qui le mène à immortaliser des situations uniques et frappantes, comme cette photo, une scène à la sortie du métro parisien.
« J’étais seulement un passant à l’arrêt de métro, et à ce moment précis un travailleur avec un marteau a enjambé un homme tombé sur le trottoir pendant que tout le monde regardait et ne faisait rien. » Joel Meyerowitz
Camel Coats, New York City, 1975
New York, un couple dans la rue, vue de dos sous une lumière dorée qui les illumine, marche vers une fumée qui entoure l’homme et la femme peu à peu, les plongeant dans une nappe de brouillard blanche et épaisse. En l’espace d’un instant la lumière se fige pour créer, à ce moment clé, un jeu d’ombre et de lumière, de brume et de clarté, lui juste placé derrière assombrit la partie gauche du cadre, à droite deux autres passants, deux femmes aux mêmes couleurs, elles aussi de dos véhiculent sur leurs manteaux des ombres.
« Juste au moment ou le couple couleur sable disparaît dans la vapeur, deux autres manteaux similaires apparaissent dans le cadre, portant sur leur dos des têtes jumelles. On ne peut qu’être étonné et prendre la photo, en remerciant le dieu de l’œil unique qui veille sur les photographes. » Joël Meyerowitz
New York City, 1975
Red Interior, Provincetown, Massachuetts, 1976
New York City, 1978
Ground Zero, New York, 2001