Francesca Woodman (1958-1981) photographe américaine, née à Denver dans l'état du Colorado, issue d'une famille protestante, de parents artistes, d'un père George Woodman, peintre et photographe et d'une mère d'origine juive, Betty Woodman née Abrahams, céramiste et sculptrice, son frère Charlie est un artiste dans l'art vidéo.


Étrange destin qui la lie à Diane Arbus, deux photographes à la vision singulière qui décident, l'une comme l'autre de mettre fin à leurs jours, qui fait de Francesca une référence incontournable dans le traitement photographique de l'autoportrait. Une œuvre fulgurante, profondément intime et sensible, fondé sur l’exploration perpétuelle du soi et du médium, elle fait de la photographie sa seconde peau en utilisant quasiment son corps, laissant derrière elle une impressionnante production visuelle, plus de 800 clichés, un travail qui ne ressemble à aucun autre et qui rend son art photographique irréel.

Son Leitmotiv est d'explorer sa propre image avec imagination, qui la mène vers des réflexions sur la technique photographique et l’écrit.

« Mes photographies sont tributaires d’un état affectif. » Francesca Woodman

Elle possède un univers particulier, étrange, onirique, subjectif, qu’elle sait transcrire dans ses photographies, comme dans autant de miroirs, images qu'elle conçoit toujours au préalable par des croquis préparatoires, pouvant spontanément suivre ses émotions, elle sait théâtraliser ses conflits intérieurs, ses tourments profonds.

Dans ses photographies, son visage disparaît, elle le cache, le maltraite, l'agite dans des espaces vidés, abandonnés, souvent nu, son corps est dépouillé de tout artifice, à l'abandon, en réponse aux murs délabrés et marqués qui forment la scène dans ses compositions, dans lesquelles son visage, son sexe, son identité s'effacent.

« Vous ne pouvez pas me voir de là où je regarde en moi. » Francesca Woodman

Le corps bouge, vibre, se débat, elle place des miroirs et des accessoires insolites, une fleur, un serpent, une peinture écaillée, un vieux papier peint déchiré, une peau de bête et des taches de lumière qui s'introduisent tous clandestinement dans l'espace. Éléments qui pour elle sont des motifs récurrents dans sa recherche créative, qui la métamorphose en images insolentes, déroutantes et d’une rare intensité, évoquant l’éphémère, la fugacité du temps. Des mises en scène qu'elle met au point à l’intérieur de pièces dépouillées, au milieu d’espaces en décrépitude, de maisons sur le point d’être démolies, dépassant le strict genre de l’autoportrait.

Ses autoportraits en noir et blanc, puis en couleurs expriment l'étrangeté de son intime, les milles fantômes qui hantent ses clichés, disparaissent subrepticement derrières les murs, les portes, les rideaux et parfois hors cadre, des images proche du surréalisme, ou le temps s’arrête, pris dans le filet des très longues expositions. Solitaire, étant le plus souvent son propre modèle, c’est fréquemment un ami qui appuie sur le déclencheur, mettant autant l'espace entre le viseur et elle, qu'entre le spectateur de son image.

« Je me sens comme flottant dans le plasma. J’ai besoin d’un professeur ou d’un amant. J’ai besoin de quelqu’un qui prenne le risque d’être avec moi. » Francesca Woodman

Fascinée depuis toujours par les diazotypes, photographies imprimées sur des calques d’architecte, équipée d'un Yashica 6x6, elle joue avec les formats carrés, utilise les petits formats qui dégagent une poésie empreinte d'un mystère qui rappellent à la fois l'univers artistiques et littéraire symbolistes et la créativité pictorialiste de photographes, tels que Julia Margaret Cameron.

« Quand je me photographie, je suis toujours à portée de main. » Francesca Woodman

On Being an Angel, Providence, Rhode Island, 1977

Self Portrait, Rome, Italie, 1978

Self Portrait with Calla, Rome, Italie, 1978

 Untitled, Self Portrait I , New York, 1979

Untitled, Self Portrait II , New York, 1979

Un fragment de corps tendu décrit une ligne droite, défiant la pesanteur, flottant à l'horizontal. Le ventre sur une chaise, qui normalement accueille le fessier et sert à s’asseoir. Dans cette image, c'est tout le contraire, le ventre soutenu par une tension musculaire intense, autorise le maintien d'un alignement parfait. Francesca Woodman est allongée, loin d’être au repos, sa position est artificielle, son visage coupé, ses jambes invisibles, son corps raidi est arraché à sa vitalité. Le format carré confère un caractère intimiste à son image, les couleurs pastels donnent une impression de douceur, le rose de la chair est celle de la large plinthe, et celle du mur, avec le vert renvoie aux vêtements, c'est un corps caméléon, avalé, qui se fond dans l'espace.

Self Portrait , New York, 1980

Self Portrait , New York, 1980

New Hampshire, 1980