Walker Evans (1903-1975) photographe américain, né à Saint-Louis dans le Missouri, issu d'une famille aisée du Midwest américain, d'un père, directeur de communication. Il passe son enfance à Toledo et Chicago.

  • En 1919, suite au divorce de ses parents, il est envoyé au pensionnat de Loomis à Windsor dans le Connecticut. En 1920, il rejoint sa mère et sa sœur à New York.

  • En 1922, il sort diplômé de la Phillips Academy dans l'état du Massachusetts. Puis fasciné par la littérature française, par Gustave Flaubert, il suit des cours au Williams College et passe son temps à se plonger dans les livres qu'il emprunte à la bibliothèque.

  • De 1923 à 1926, il s'installe à New York et durant ces trois années, commence à écrire des nouvelles.

  • En 1926, comme tant d'autres à l'époque tel que Ernest Hemingway et Henry Miller, il subit l’attraction parisienne, son père lui offre le séjour et il rejoint Paris, sur place, il tente de suivre des cours de littérature à la Sorbonne, tout en continuant d'écrire, essayant de rédiger des poèmes en prose à la manière de Charles Baudelaire. Il y découvre l'avant-garde parisienne, effectue quelques instantanés avec un appareil petit format, se rend dans le Sud de la France pendant l'été et visite l'Italie.

  • En 1927, suite à sa situation financière, il retourne à New York, emménage avec le peintre Hanns Skolle dans un appartement de Colunbia Heights à Brooklyn, traduit des ouvrages de Jean Cocteau et de Valery Larbaud, tout en travaillant au sein d'une libraire. Pour subvenir à ses besoins, il occupe une place de clerc dans un cabinet d’agent de change à Wall Street jusqu'en 1929, menant dans le même temps une vie de bohème.

  • En 1928, ne maîtrisant pas l'écriture personnelle, comme il ne peut aligner des mots sur le papier, il choisit l'objectif photographique qui peut lui donner la possibilité de s'exprimer d'une manière identique, il délaisse alors définitivement la littérature et achète un nouvel appareil photographique. La découverte du travail d’Henri Cartier-Bresson et d’Eugène Atget, le conforte dans son choix de devenir photographe, il arpente appareil à la main dans les rues de New York, effectuant ses premiers clichés en tant qu'artiste. En 1929 il se lie d'amitié avec la photographe Berenice Abbott et en 1935, expose en compagnie d’Henri Cartier-Bresson.

  • En 1933, alors que les États-Unis peinent encore à surmonter ce qui est la plus grande crise mondiale, le journaliste Carleton Beals et J.B Linppincot, tout deux bouclent le projet d'un ouvrage sur l'agitation politique à Cuba, avec la tentative de renverser le gouvernement, ils font alors appel à Walker Evans afin de réaliser des photographies qu'ils jugent nécessaires à inclure, il accepte et se rend à la Havane où il y séjourne plus d'un mois, avec la complicité des journalistes locaux, il mène sa mission à bien, l'ouvrage est édité le 17 août 1933 avec un portfolio de 31 photos qu'il a effectué sur l'ile.

  • Dés 1935, discret, réservé et timide, il rejoint l'équipe de photographes du « Resettlement Administration » (Office de la réinstallation) pour sillonner les États-Unis, avec la mission d’enregistrer la pauvreté, causée par la crise économique.

  • En 1936, il voyage avec l’auteur James Agee, suite à une commande du magazine « Fortune » pour documenter les familles de fermiers, pendant trois semaines, les deux hommes s'immerge totalement dans l’Alabama profond, rencontrent des familles de métayers. Rapidement, il se hisse au rang de figure majeure de la photographie documentaire américaine.

  • En 1937 lors du changement du « Resettlement Administration » en « Fédéral Security Administration », nouvel organisme du gouvernement américain, il suit le mouvement, sa contribution au programme de la FSA est riche de plus de 500 clichés, créant ainsi à cette occasion les bases d'un style documentaire, il travaille principalement dans le sud des États-Unis, immortalisant la vie quotidienne de ces américains, victimes de la crise de 1929, effectuant des photographies prises à l'insu des sujets, rendant visible la différence entre la vie urbaine et la vie rurale.

  • En 1938, le MoMA lui consacre une exposition monographique, intitulée « Walker Evans, American Photographs », de ses clichés réalisés entre 1929 et 1936, en étant le tout premier photographe à lui seule à être exposé par le musée. Le catalogue qui accompagne l’exposition, publié sous le titre de « American Photographs » devient un ouvrage culte pour toutes les générations de photographes qui suivent.

  • En 1938, il entreprend une série de portraits réalisés dans le métro new-yorkais, appareil photo autour du cou, le déclencheur dans la manche, des portraits d'anonymes effectués à leur insu, série qu'il continue d'alimenter jusqu’en 1941.

  • En 1940, il obtient une bourse de la Fondation John-Simon-Guggenheim.

  • En 1943, il entre au « Time magazine » en tant qu'écrivain, qu'il quitte en 1945 pour rejoindre le magazine « Fortune » en étant le premier photographe salarié à temps plein, y restant pendant vingt-deux ans.

  • En 1950 il photographie les paysages industriels américains, les églises, tout en retravaillant ses négatifs et réalisant différents tirages.

  • En 1965, il devient rédacteur en chef du magazine fortune, puis rapidement abandonne la presse, pour professer la photographie et la conception graphique à la School of Art and Architecture de l'Université Yale, jusqu’en 1974.

  • En 1971, le Museum of Modern Art de New York, lui consacre à nouveau une grande rétrospective.

  • En 1973, il découvre la magie du film Polaroïd et se met à préférer la couleur, utilisant l'appareil petit format de la firme, le Polaroid SX-70, avec lequel il réalise des portraits de ses proches ainsi que ses dernières photographies.


Walker Evans change la face de la photographie moderne, son travail est avant tout une écriture, en rompant avec le lyrisme épique, l’exaltation du progrès technique, le pathos militant de ses contemporains, pour dresser un portrait pénétrant de l’Amérique du quotidien, ses photographies sont plus des signes que des images, en demeurant, claires, laconiques et aveuglantes. Il sait inventer des images d’une Amérique essentielle et réelle, réalisant une peinture de son pays avec une générosité qui éclate dans ses clichés.

« Pour moi le mot documentaire est inexact, vague, il est même grammaticalement faible, si on veut l’utiliser pour décrire le style photographique qui est le mien. De plus, je crois que la meilleure chose possible dans ce qu’on nomme l’approche documentaire en photographie, c’est l’adjonction d’un certain lyrisme, ce dont je parle en fait, c’est d’une pureté, d’une certaine sévérité, de rigueur, simplicité, être direct et clair, et ce sans prétentions artistiques au sens conscient de l’expression. C’est la base de tout être solide et ferme. » Walker Evans

Lui qui n'arrive pas à aligner des phrases, lorsqu’il découvre la photographie du portrait de Paul Strand, « Blind Woman », une image tout en simplicité, sans fioriture, d'une mendiante aveugle portant une pancarte à son cou, c'est pour lui, un déclic qui change radicalement le cour de sa vie, l'appareil devient son stylo, avec un style tout à la fois documentaire et poétique. Il s’impose une exigence de réalité, souhaite s’absenter de ses clichés, et refuse tout sentimentalisme ainsi que toute marque personnelle. Son objectif consiste à rendre de la manière la plus juste possible ses sujets, sans empathie apparente, sans subjectivité déplacée. Les humains, les objets, les maisons, passent devant son objectif. Il les observe en voulant comprendre comment sa nation a pu se construire, il accumule tout.

« Je ne cherchais rien, les choses me cherchaient, je le sentais ainsi, elles m'appelaient vraiment. » Walker Evans

Dès les années 1930, il effectue des portraits réalistes, ses clichés s'opposent à ceux des photographes symbolistes comme d'Alfred Stieglitz ou des sentimentalistes tels que Edward Steichen. Il ne s’arrête pas à ses portraits, il ne se contente pas uniquement de ces visages, il élargit dans le même temps la thématique en photographiant, l'architecture, les intérieurs, les pancartes, les affiches, les villes, les rues, jusqu’aux minuscules rebuts d'objets, afin d'établir un relevé documentaire portant sur l’ensemble de la société et de la culture américaine, ouvrant une boite de pandore esthétique.

« L'art n'est jamais un document mais il peut en adopter le style. » Walker Evans

Dans ses portraits, son modèle ne pose jamais, même si la personne se sait photographiée, sous son objectif, elle défie la prise de vue dans un sursaut d'orgueil, il ne se contente pas de montrer, il cherche à interroger le spectateur, avec un regard qui à tout à dire, un regard franc qui préserve la dignité humaine mise à mal par la misère, se laissant voir jusqu'aux vêtements en loques.

« Laissant de côté les mystères et les injustices du talent humain, des cerveaux, du goût, et des réputations, la matière de l'art dans la photographie peut provenir de ceci, la capture et la projection des plaisirs de la vue. » Walker Evans

Il installe souvent dans ses clichés, une lumière rasante de côté afin de pouvoir révéler les structures, les détails, et d'exalter le noir et blanc. Il n’utilise presque jamais le flash, il joue sur les ombres, les dégradés de gris, la hiérarchie des lumières, en employant une grande profondeur de champ pour éviter le flou. Obsédé par le cadrage et les détails, il découpe en permanence ses négatifs pour ne pas être trahi par les cadrages des studios de développement.

Toujours en quête, il mène à la fin de sa vie, de 1973 à 1975, des expérimentations en couleurs avec un appareil SX-70 de Polaroïd, effectuant des portraits de femmes, d’amis, d’étudiants, qui lui permettent de s'inscrire dans une contre-esthétique.

Son rayonnement s’étend durablement sur l’art américain du pop art au minimalisme ainsi que sur toute une école photographique américaine qui lui succède, de Robert Frank à Lee Friedlander.

« Sans le challenge de l’œuvre de Walker Evans, je ne crois pas que je serais resté photographe. » Henri Cartier-Bresson

Fulton Street, New York, 1929

Rue Principale, Saratoga Springs, État de New York, 1931

Affiche de film déchirée, 1931

Parade, Bridgeport, Connecticut, 1934

La Nouvelle Orléans, Marché Français, 1935

Rue principale, ville de Pennsylvanie, 1935

Bud Fields, Métayer, Alabama, 1936

Rue Principale, Chef-lieu de comté, Alabama, 1936

Bord de route d'une région minière, Alabama, 1936

Trottoir à Vicksburg, Mississippi, 1936

Échoppe bord de route, Birmingham, Alabama, 1936

Studio, Savannah, Georgie, 1936

Rue Principale, Macon, Georgie, 1936

Atlanta, Georgie, 1936