« Mes photos expriment un certain amour que j'ai pour la vie. »
Sabine Weiss (1924-2021) née Sabine Weber à Saint-Gingolph, photographe d'origine suisse naturalisée française. Attirée très jeune par la photographie, Sabine Weiss commence à photographier à l’âge de 12 ans avec un appareil photo acheté avec son argent de poche. Son père la soutient dans son choix, et elle apprend plus tard la technique photographique, de 1942 à 1945, auprès d’un photographe de studio à Genève, Frédéric Boissonnas. Elle obtient son diplôme de photographe et ouvre son atelier personnel avant de partir s’installer définitivement à Paris en 1946 ou tout a commencé pour elle avec son Rolleiflex . Elle devient alors à 22 ans l’assistante du célèbre photographe de mode Willy Maywald photographe allemand connu pour ses collaborations avec de grands couturiers parisiens. Elle travaille alors dans des secteurs variés : passionnée de musique, elle fixe les visages de grands noms de la musique (Igor Stravinski, Stan Getz …) mais aussi ceux de la littérature et l’art (Fernand Léger, Francis Scott Fitzgerald, Pougny, Alberto Giacometti, Robert Rauschenberg, Jean Dubuffet…), elle collabore également à plusieurs revues et journaux connus en Amérique et en Europe pour des commandes publicitaires et de presse (Vogue, Match, Life, Time, Newsweek...). Enfin elle parcourt le monde en tant que photojournaliste et en rapporte de nombreux clichés.
À partir de 1950, elle est représentée par l’agence Rapho, première agence de presse française gérant entre autres le travail de Robert Doisneau qui lui propose de rentrer dans l’agence après une rencontre dans le bureau du directeur de Vogue rejoignant Willy Ronis, Édouard Boubat … Elle se marie la même année avec le peintre américain Hugh Weiss, rencontré lors d’un voyage en Italie quelque temps auparavant, et se lie d’amitié avec des personnalités du milieu artistique comme Jean Cocteau, Maurice Utrillo, Georges Rouault, et Jacques-Henri Lartigue. Avec ce dernier elle partage l’amour de l’humanité et le goût pour les visions intimes de la vie.
Ses œuvres font aujourd’hui partie de collections prestigieuses au Museum of Modern Art de New York, au Metropolitan Museum of Art, au musée de l’Élysée à Lausanne, au Centre Georges-Pompidou et à la Maison Européenne de la Photographie de Paris.
Le travail personnel de Sabine Weiss est attaché à la vie dans son quotidien, aux émotions et aux gens. Il mêle habilement poésie et observation sociale, c’est pour cette raison que l’on rattache son œuvre au courant de la photographie dite « humaniste » . Sabine Weiss, comme le photographe Bernard Plossu, récuse le statut d'artiste. Son but est de témoigner plutôt que de créer.
« Je suis une photographe, pas une artiste. Un artiste crée, pas moi » Sabine Weiss
Formidablement humaine, Sabine Weiss a traversé, enjambé le 20eme siècle avec son œil grand ouvert. Sa photographie utilise essentiellement le noir et blanc, et axe sa recherche sur un cadrage précis, un apprivoisement de la lumière, en quête d’ambiances, d’atmosphères, de mystères qui prennent forme autour de ses images, les transfigurant.
« Le photographe est lié à l’instant, cet instant fugitif et merveilleux qu’il faut saisir tout en composant l’impact visuel de la photographie » Sabine Weiss.
La photographe utilise essentiellement le noir et blanc, et axe sa recherche sur un cadrage précis, une certaine qualité de lumière, des ambiances. Elle fait de la photographie un art de vivre, en arpentant les rues de Paris, souvent la nuit, pour trouver des sujets variés mais toujours proche de l’homme dans ses moments universels : scènes de rue, solitudes, enfants, croyances, figures humaines dans le brouillard, fugacité d’une émotion. On retrouve dans sa production beaucoup d’enfants, de vieillards, de sourires de stars, tous reliés par une caractéristique commune de spontanéité et simplicité.
« Je n'aime pas les choses très éclatantes mais plutôt la sobriété » Sabine Weiss
« Quand je suis venue à Paris, j'ai pu travailler chez Willy Maywald à qui un ami m'avait recommandée. J'y ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd'hui, mais avec lui j'ai compris l'importance de la lumière naturelle. La lumière naturelle comme source »
« En plus de mon travail, je me promenais beaucoup dans les rues de Paris. Vous savez, à cette époque, tout me subjuguait. J’aimais Paris parce que c’était tout nouveau pour moi et que j’avais du temps à consacrer à cette ville. Il faut dire aussi que Paris était bien plus marrant que maintenant ! Les choses étaient par terre, les étals, souvent sur les trottoirs. On avait beaucoup de choses originales et puis il y avait les enfants, dans la rue. Les enfants jouaient tous sur les trottoirs, il y avait une liberté qu’on ne retrouve plus aujourd’hui dans les rues de Paris »
« C’était aussi important de différencier mon travail du temps qui passe que représentaient mes photos de rue en noir et blanc. Je prenais ces clichés, je les tirais, je les mettais dans des boîtes, je ne les montrais jamais. C’était pour moi, pour mon plaisir, c’était mon passe-temps, mon souvenir de balade. Je tirais beaucoup en 24x30, la photographie à l’époque était tout de même plus difficile que maintenant, on ne retouchait pas, ça n’existait pas. On a tous jeté des tas de photos à cause d’un élément disgracieux comme un fil électrique ou autre »
« En y réfléchissant, je ne crois pas que je pourrais refaire de clichés dans le même genre aujourd’hui. D’une part les rues m’inspirent moins, et puis aujourd’hui, c’est si compliqué : les gens n’aiment pas qu’on les photographie. À mon époque, cette méfiance n’existait pas. Les gens étaient intéressés, ils appréciaient qu’on les prenne en photo » Sabine Weiss
« Je photographie pour conserver l'éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. L’appareil les ramasse, les fige au moment même où ils disparaissent. » Sabine Weiss
Homme dans le Brouillard, Paris, 1951
Rue Donat, Paris, 1952
Vers la lumière, Paris, 1953
Enfant, Paris, 1955
Sortie de métro, Paris, 1955
2 CV sous la pluie, Paris, 1957
Champs-Élysées de Nuit, Hiver 1958