Bill Brandt (1904-1983) photographe anglais, né Hermann Wilhelm Brandt, à Hambourg, en Allemagne, d'un père anglais et d'une mère allemande, dans un milieu cossu de banquiers et de commerçants luthériens, très tôt il bénéficie d'une éducation artistique dans une ville dont la culture est l'une des plus dynamiques de l'époque, Vienne, en Autriche. Traumatisé par la Première Guerre mondiale et par sa double nationalité, il décide de renoncer à sa culture germanique et toute sa vie essaye de se défaire de son accent allemand.

  • En 1920, âgé de 16 ans, atteint de tuberculose, il passe six ans de sa jeunesse au sanatorium de Davos dans les Alpes suisses pour traiter sa tuberculose. En 1926, guéri, il retourne et rejoint l'un de ses trois frères en Autriche.

  • En 1928, à Vienne, il réalise le portrait d'Ezra Pound, qui marque le début de sa carrière de photographe, le poète très impressionné par son talent, le présente à Man Ray, qui de suite le prend comme assistant à Paris pendant trois mois en 1929 ou il découvre l’âge d’or du surréalisme parisien, qui le marque profondément et le stimule à être photographe. En parallèle son travail au coté de Man Ray, il fait de nombreuses photos des rues parisiennes, sur les traces de Eugène Atget, mort quelques années plus tôt et tombé dans l'oubli, il y rencontre Brassaï avec lequel il se lie d’amitié.

  • « Man Ray, le photographe le plus original de tous, venait d’inventer les nouvelles techniques de rayographie et de solarisation. J’étais élève dans son studio, et j’ai beaucoup appris de ses expériences. » Bill Brandt

  • Au début des années 1930, il rencontre Eva, qui devient la première de ses trois femmes. Ensemble ils voyagent en Europe, à Barcelone, puis en Hongrie, renonçant à la nationalité allemande pour préférer celle de son père, en 1934, le couple s'installe dans le nord de Londres, dans un quartier réputé pour sa vie artistique et intellectuelle ou il transforme sa minuscule cuisine en laboratoire.

  • Il se lance dans la photographie documentaire, un travail photographique sur les contrastes et les classes de la société britannique, enregistre des londoniens dans leurs intérieurs, à Hampstead ou à Campden Hill, photographies qui aboutissent à la publication en 1936 de son premier ouvrage intitulé « The English at home », suivit d'un second, « A Night in London » en 1938, avec des images inquiétantes, sombres et mélodramatiques de la vie nocturne londonienne, où l'on perçoit l'influence des photographies nocturnes du Paris de son ami Brassaï.

  • « Je pense que cette faculté de voir le monde dans sa fraicheur et son étrangeté est présente en chaque être humain. Chez la plupart d’entre nous elle demeure à l’état latent. Et pourtant elle est là, même si elle est un vague désir, un appétit insatisfait qui ne trouve pas à se nourrir. Tel devrait être le but du photographe, car c’est la fonction que remplissent les images dans la monde, répondre à un besoin auquel les gens ne peuvent pas ou ne veulent pas répondre par eux même. » Bill Brandt

  • A partir de 1937 il commence à travailler en tant que photojournaliste pour le « Weekly Illustrated », puis collabore au sein des magazines « Lilliput », « Harper’s Bazaar » et le « Picture Post ». Rapidement il se fait connaître avec un reportage qu'il réalise sur les inégalités des classes sociales britanniques, des images sur la vie des mineurs du nord de l’Angleterre, des enfants des rues de l’est londonien, des servantes en cuisines, qu'il juxtapose avec d'autres clichés, ceux des classes privilégiées en chapeau haut de forme sur les champs de courses ou au salon.

  • Pendant la guerre, il effectue pour le Ministère de l’Information britannique des clichés historiques des rues désertées durant le couvre-feu, ainsi que des Londoniens réfugiés sur les quais du métro, ces photographies issues de ses reportages sont publiées pour la première fois aux États-Unis dans « Life Magazine ».

  • Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il se concentre sur les portraits d'artistes et les paysages, puis se consacre au nu avec un appareil grand angle Kodak qu'il achète dans une brocante, appareil comme ceux utilisés par la police, ce qui l’intéresse est la présence féminine dans des intérieurs, plus proches du souvenir que de la réalité. Son travail est de plus en plus personnel, il prend comme sujet la métaphore du corps de la femme nue, souvent tronqué, distordu, d'abord dans des lieux privés puis sur les plages de Normandie ou à la Baie des Anges.

  • « Je crois qu'un bon portrait se doit d'exprimer quelque chose qui concerne le passé du sujet et donner à entrevoir quelque chose de son avenir ». Bill Brandt

  • Il fait ses tirages lui-même, insiste sur le contraste, la profondeur des noirs pour exacerber l'expressivité dans ses clichés, dans lesquels il fait subir des distorsions ou des recadrages violents.

  • En 1961, ses nus sont publiés à Londres et à New York, dans un ouvrage intitulé « Perspective of Nudes ».

  • En 1969, le MoMA de New York, sous la direction de Edward Steichen et de John Szarkowski, lui organise sa première grande rétrospective, suivie en 1970, d'une seconde par la « Hayward Gallery » à Londres.

  • Souffrant de diabète depuis plus de 40 ans, il s’éteint à Londres en décembre 1983, ses cendres sont dispersées sur Holland Park, dans le quartier de Londres où il a passé la fin de ses jours.


Bill Brandt est un des plus influents photographes anglais du XXe siècle, il ouvre, avec ses noirs et blancs fortement contrastés, et ses nombreuses perspectives esthétiques une nouvelle ère dans la photographie. Homme de confluences, homme de paradoxes, secret, discret, il est l’icône de la modernité en photographie, un explorateur toujours muni de son appareil photographique en qui il a bien plus confiance que son œil, cet outil qui peut l’amener aux postes frontières du réel.

« Les règles et les conventions ne m'intéressent pas, la photographie n'est pas un sport, c'est le résultat qui compte, peu importe la façon d'y arriver. » Bill Brandt

Il débute par la photo journalistique de documentaire et s’attache à une description des contrastes sociaux extrêmes de l’Angleterre, dans Londres, sa banlieue et dans les régions minières. Ses images des rues de Londres sous une lumière incertaine et blafarde, comme dans des films expressionnistes, lui permettent d’être reconnu.

« Le travail du photographe consiste, en partie, à voir les choses plus intensément que la plupart des gens. Il doit avoir et garder en lui la réceptivité de l’enfant qui regarde le monde pour la première fois, ou celle du voyageur qui découvre une contrée exotique. Ils ont en eux une aptitude à l’émerveillement ». Bill Brandt

Il est rare de voir un tel contraste entre deux périodes d'un artiste alors que jusqu'aux années 50, il est un photographe de rues, de paysages, de portraits, juste après la Seconde Guerre mondiale, il change radicalement de registre, la photographie documentaire ne l'intéresse plus, il se consacre principalement à celle du nu.

« Il me semblait qu'il y avait encore d'immenses champs non explorés. Je me suis mis à photographier des nus, des portraits et des paysages. » Bill Brandt

Pour ses nus il travaille avec un objectif super grand angle, d’abord monté sur un vieil appareil en bois de la police britannique, puis par la suite sur un Hasselblad, ce qui lui permet d’associer le premier plan avec le fond, laissant chaque élément du cadrage parfaitement piqué et lisible. Avec ses clichés insolites, il suscite au spectateur de nouveaux rapprochements des sens, exprimant tout à la fois l’esthétique du mouvement et un certain surréalisme aux portes de l’abstraction.

Ses nus superbes, presque désincarnés, où les corps, les membres sculptent l'espace, ou les corps ne sont plus qu'une matière, une texture, un objet abstrait, sans chair, sans érotisme, proche d'une perfection formelle absolue. Son objectif étend démesurément une pièce, une jambe pointe vers la fenêtre, l'ombre sinue sur le mollet, le triangle des jambes à la pointe coupée devient le centre de sa photo.

« Quand j'ai vu ou senti, je ne sais lequel des deux termes utiliser , l'atmosphère de mon sujet, j'essaye de transmettre cette atmosphère en intensifiant les éléments qui le composent. Je souligne un aspect de mon sujet et je constate que je peux ainsi attirer plus efficacement l'attention du spectateur et induire chez lui une réponse émotive à l'atmosphère que j'ai essayé de communiquer. » Bill Brandt

Non seulement Brandt est un grand formaliste, mais il prête une très grande attention à ses tirages. Il est un as de la composition réfléchie, élaborée au millimètre, pour qui le sujet compte moins que la mise en place, l'ombre, la lumière et les formes.

« Seul l'agrandisseur me permet de terminer mon travail de composition. Je ne vois pas en quoi cela pourrait altérer la vérité de la photo. » Bill Brandt

Site Officiel : Bill Brandt Archive

Park Lane, Londres, 1932

Sky lightens over the suburbs, London, 1934

Bookmakers, Ascot, 1935

Ruelle Pentue Halifax, Yorkshire, 1937

Policier à Bermondsey, Londres, 1938

Pont de Battersea, Londres, 1939

Boite de Nuit, Soho, Londres, 1942

The Policeman's Daughter, Hampstead, London, 1945

Perspective of Nudes N°1

Campden Hill, London, 1949

Perspective of Nudes N°5

Campden Hill, London, 1950

London, 1952

Perspective of Nudes N°36

Campden Hill, London , 1953

Perspective of Nudes N°10

Belgravia, London, 1953

Perspective of Nudes N°26

London, 1956

Perspective of Nudes N°20

Campden Hill, London, 1956

Perspective of Nudes N°29

Seaford, East Sussex, 1957

Perspective of Nudes N°43

Un paysage marin devient le sujet et l’une des réalisations photographiques les plus abouties de Bill Brandt. Cette image avec le détail très rapproché de l’oreille est une partie intégrante d'un panorama. La ressemblance avec la forme obscure de sa cavité et l’anfractuosité dans le rocher, qui suit la ligne d’horizon, complète la fusion entre le paysage humain et le paysage naturel. Afin de réaliser cette photo sur la côte sud de l’Angleterre, il installe son appareil sur le sol, choisissant de saisir la scène d’un point de vue inhabituel, sous un ciel dramatique et une lumière théâtrale, tout en révélant l’union entre organique et inorganique.

Côte East Sussex, 1957

Perspective of Nudes N°47