Lee Friedlander (1934) photographe américain né à Aberdeen dans l'état de Washington, d'un père, agent de change qui a fui l'Allemagne nazie et d'une mère immigrante de Finlande. Suite à la mort de sa mère en 1940, il est confié pendant sept ans, à une famille de fermiers, installée à une quarantaine de kilomètres de sa petite ville natale.

  • Sa passion pour la photographie est précoce, à l’âge de cinq ans, alors qu’il doit récupérer des portraits de son père dans un studio photographique local, il découvre la chambre noire et l’apparition de l’image sur une feuille de papier, c’est immédiatement pour lui une révélation, fasciné par le mystère de l'enregistrement photographique, il commence dès 1948 à s’amuser avec la boîte noire. Adolescent, il pratique assidûment la photographie en se passionnant pour le jazz et la lecture.

  • De 1953 à 1955, il étudie la photographie au « Art Center School » à Los Angeles.

  • En 1956, il s'installe à New York, en vivant de commandes pour les magazines et de couvertures d'albums de jazz pour Atlantic Records, dressant des portraits comme ceux d'Aretha Franklin ou encore Miles Davis afin d’illustrer leurs pochettes. Parallèlement, il travaille personnellement sur les traces des photographes Eugène Atget, Robert Frank, et Walker Evans.

  • En 1960, la Fondation John-Simon-Guggenheim lui attribue une bourse pour qu'il se concentre sur son art et entreprend de participer à un projet intitulé « The American Social Landscape » .

  • En 1963, la George Eastman House lui organise sa première exposition monographique.

  • En 1966, il participe à l'importante exposition collective « Toward a Social Landscape », présentée au musée de la George Eastman House à Rochester.

  • En 1967 le directeur du département photographique du Museum of Modern Art de New York, John Szarkowski, l’expose aux côtés de Diane Arbus et de Garry Winogrand, dans « New Documents », exposition visant à montrer une génération qui ne souhaite pas réformer la vie mais la connaître.

  • En 1973, son travail est à l'honneur au festival des Rencontres d'Arles en France à travers la projection du film « Soirée américaine », Judy Dater, Jack Welpott, Jerry Uelsmann et Lee Friedlander » présentée par Jean-Claude Lemagny.

  • En 1976, à l'occasion du bicentenaire des États-Unis d'Amérique, publication de son ouvrage intitulé, « The American Monument », l'un des plus important de toute sa carrière.

  • En 2005, il reçoit le Prix international de la Fondation Hasselblad, et une grande rétrospective en son honneur est organisée à New York puis à Munich.


Figure majeure de la photographie américaine, réformateur, Lee Friedlander sait détourner les aléas techniques, ombres, reflets avec une manière de les intégrer dans son processus de création, donnant à son travail une dimension unique, lyrique et réaliste. Il est le photographe de l'ordinaire, réputé pour ses représentations de la ville, son œuvre est marquée par l'audace et la spontanéité. Il se concentre sur le paysage social et peu à peu, pénètre de plus en plus l'intimité de l'Américain moyen, en s'intéressant à tous les aspects de son quotidien.

Il travaille principalement avec un appareil-photo moyen format, un Leica 35 mm et pratique majoritairement le noir et blanc.

« Il n’y a pas de message dans mes images, le propre de la photographie, c’est de capturer un peu de réalité. » Lee Friedlandler

Dans ses portraits, il photographie les gens qui l’intéressent ou qu’il aime, en faisant de lui un portraitiste un peu particulier, mis à part ses séries de portraits réalisés dans le cadre de commandes, il utilise très souvent comme modèles ses amis et sa famille avec des principes essentiels, figurer une personne dans un lieu précis, à un moment donné.

Aux débuts des années 60, influencé par Walker Evans et Robert Frank, il produit des images isolées du monde, enregistre les devantures des magasins, les structures encadrées par des barrières, les affiches, les pancartes publicitaires, la télévision, les voitures combinant tout le nécessaire pour illustrer l’ordinaire de la ville plongée dans un monde moderne, une certaine espièglerie apparaît dans son travail où il transforme les éléments qui peuvent gêner le cadre, les erreurs photographiques en calembours, comme un poteau empêche la lecture d’un texte, une vitrine qui sème le trouble entre intérieur et extérieur, ajoutant parfois son ombre ou son reflet. Il invente un univers pictural particulier, constitué de reflets, de superpositions ou d’élisions.

« Vous n’avez pas besoin d’aller chercher les photos, la matière est généreuse. Vous sortez de chez vous et les photos sont là à vous regarder fixement. » Lee Friedlandler

Pour d’autres photographes, ombres et reflets peuvent créer un problème, au contraire pour lui, il les accueille comme un cadeau instantané, tout comme son compatriote Garry Winogrand, il révèle l’énergie incontrôlable de la ville et dévoile le pouvoir de la photographie à transformer ce qui est donné à voir. Il s’inscrit dans une nouvelle génération de photographes, au-delà de la tradition photographique humaniste prônée jusque là dans les magazines.

A l’orée des années 1970, influencé par la vague du pop art sa sensibilité, son style et ses sujets s’élargissent, un flot continu d’observations nourrit ses photographies en innovant en matière de prise de vue, à l’affût des variations subtiles des formes et de la lumière.

En 1976, il publie « The American Monument », une sélection de photographies rendant hommage à la variété des monuments publics que compte son pays, qu'ils soient nobles, grandioses ou ridicules. Son style alerte se conforme à la variété de ses sujets, engendrant des images, tour à tour émoussées, complexes, prosaïques, drôles, ironiques, tendres ou parfois graves. Il saisit son Amérique aussi richement que l’a fait en France, un demi-siècle plus tôt, Eugène Atget pour lequel il a une admiration, ajoutant à sa vision émerveillée du monde un hommage à la tradition.

D’année en année, son travail gagne en maturité et se pare d’un style plus voluptueux avec une réputation grandissante qui lui vaut de nouvelles commandes, comme celle qui émane du Akron Art Institute en 1979 pour lequel il réalise une série photographique de l’industrie du Midwest à la Factory Valleys, Ohio and Pensylvania, en dressant des portraits éloquents, rendant hommage au monde du travail. Cinq autres commandes suivent qui lui permettent d’approfondir le thème de l’homme au travail, des employés de bureau devant leur ordinateur, des télé-opérateurs.

Dans les années 1980 tout en continuant à enregistrer les aspects du quotidien américain, il aborde de nouveaux thèmes comme les nus ou les cerisiers du Japon, séries qu'il construit à son rythme et qu’il complète en permanence.

Ses nus, eux s’inscrivent par une approche non conventionnelle et novatrice, tout est inclus le corps autant que le décor, les perspectives sont tronquées et subissent des distorsions, laissant ainsi chaque élément du cadrage parfaitement lisible, un cartable au fond, une pile de livres sur le devant. Il fait des nus superbes, presque désincarnés, où les corps, les membres sculptent l'espace, la chair de la peau n'est plus qu'une matière, une texture, un objet absolu, il flirte avec une abstraction constructiviste, parvient à employer les formes modernes en créant un équilibre étrange entre réalisme et onirisme.

Au début des années 1990 il photographie les paysages de l’Ouest américain où il est né, des clichés qui illustrent son goût pour les décors grandioses ou étranges et témoignent de l’intensité de son regard, il délaisse son Leica pour un appareil Hasselblad, qui lui donne la possibilité s'avoir un grand angle, un format carré, et une grande précision de l’image du fait de la taille du négatif. Ce nouvel outil lui permet une exploration de tous les champs de l’image, des premiers plans plus recherchés, des arrière-plans où il peut traquer le moindre détail.

Souffrant d'arthrite, son handicap le cloue à domicile ou il photographie son environnement en déclarant que ses « membres » lui rappellent des tiges d'usine.

« Il faut être aussi bête que l'appareil, puisqu’il rend tout en 1/100e de seconde. » Lee Friedlander

The Little Screens, Nashville, 1963

Mount Rushmore, South-Dakota, 1969

Albuquerque, New Mexico, 1972

Mechanic's Monument San Francisco, 1972

Stamford, Connecticut, 1973

Madonna, Nude I, 1979

En compagnie de Madonna, âgée de 20 ans, Lee Friedlander effectue une série de nus, avant qu’elle ne devienne la reine de la pop, étant totalement inconnue à l’époque. Par la suite certains clichés sont publiés par le magazine Playboy en 1985.

En septembre 1978, Madonna arrive à New York avec 35 dollars en poche, se rend à Times Square, au quartier des théâtres, en espérant y trouver la gloire, elle devient rapidement étudiante de la danseuse classique Pearl Lang, esseulée et avec le peu d'argent, elle vit en enchainant des emplois occasionnels, en tant que serveuse, danseuse et modèle. Dans un premier temps elle pose nue pour le photographe Martin Schreiber, puis ensuite pour Lee Friedlander, recevant en retour la modique somme de 25 dollars. En février 2009 une des photographies originales de la série est vendue chez Christie’s à New-York, atteignant la somme de 37 500 dollars.

Madonna, Nude II, 1979

Madonna, Nude III, 1979

Nude, 1980

New York City, 1980

Nude, 1981

Nude, 1982

Nude, 1982

Nude, 1982

Chippewa Falls, Winconsin, 1986

Nude, 1989

Nude, 1989

Nude, 1989

Suffern, New York, 1995

New York City, 2002

America by Car

Montana, 2008

America by Car


Depuis 1995 jusqu'en 2009, Lee Friedlander entreprend une traversée de son pays en voiture, durant ce voyage, il documente le territoire américain tout en restant assis dans son véhicule, dans la pure tradition du road trip cher à l'écrivain Jack Kerouac et au photographe Robert Frank, l’automobile continue pour lui de faire partie du rêve américain et de l’exploration des immenses diversités des paysages.


Il enregistre tout ce qui défilent sous ses yeux, tout en roulant, à travers les vitres des voitures, dans un rétroviseur, il prend une enseigne, un palmier, un ville, un village, une femme, un shérif, qui défilent sous ses yeux, une série qu'il intitule, « America by Car ».