Stephen Shore (1947) photographe américain autodidacte, né à New York, dès l'enfance à 10 ans au moment où il commence à prendre des clichés il découvre le livre « American Photographs » de Walker Evans qui influencera son œuvre. À 14 ans, il rencontre Edward Steichen, alors administrateur du département Photographie au Museum of Modern Art de New York. Il lui présente ses photographies et Steichen lui achète trois tirages pour la collection du MoMA. En 1964 il rencontre Andy Warhol et photographie la Factory et son monde de 1965 à 1968. En 1971, le Metropolitan Museum of Art lui dédie une exposition , Stephen Shore est alors le deuxième photographe à être ainsi consacré de son vivant, après Alfred Stieglitz. Deux ans plus tard, l'artiste décide de sillonner les États-Unis pour photographier son quotidien et les paysages. Il quitte alors New York avec un ami pour Amarillo, au Texas, vers l'Ouest... Fasciné par les paysages rencontrés qu'il voit défiler au fil de son périple , il décide de continuer l'aventure en solitaire et part découvrir le pays équipé d'un Rollei 35. Toujours dans l’état d’esprit de Kerouac et toujours dans le rituel du voyage il réitère ensuite cette expérience chaque année, il abandonne le Rollei 35mm pour une chambre photographique 4 x 5’' bientôt remplacée elle-même par une chambre photographique 8 x 10. Il constitue au fil des années « Uncommon Places », une série d'images éditée en 1982, puis par Aperture en 2004. Véritable ethnologue, Stephen Shore collectionne aussi les clichés de motel où il dort. En outre, Shore considère la photographie couleur comme un art à part entière, ce qui est absolument novateur à une époque où le noir et blanc est de rigueur. Il est également influencé par les photographies de bâtiments industriels des Becher mais aussi et surtout par la démarche documentaire à la façon de Eugène Atget ou de Walker Evans. En attestent ses images qui présentent l’ordinaire : les banlieues anonymes, les coins de rue, les magasins, les parkings, les carrefours sans intérêt, Les enseignes de magasins et de rues, des maisons sans charme, une vitrine presque vide, des stations service, des chambres d’hôtel… caractéristiques du projet « Amarillo Tall in Texas ».

  • Stephen Shore est célèbre pour avoir participé à la reconnaissance de la photographie couleur comme art à part entière, à une époque où le noir et blanc était prédominant. Il considère qu'il existe deux sortes de photographe : l'analytique et le synthétique. Le premier analyse l'image et la structure selon ce qu'elle est dans l'espace physique. Le second crée l'espace de l'image et le structure selon ce qu'il veut analyser. Il met dans cette catégorie les peintres ou les artistes comme Jeff Wall. Il se considère comme un photographe analytique. Toute son œuvre est en fait une étude de la photographie. Ce médium est pour lui un lieu d'exploration pour des phénomènes uniques à la photo. S'insurgeant contre l'esthétisme qui dominait la photographie américaine de l'époque, Stephen Shore refuse la sélection artistique. Tout mérite d'être photographié, sans distinction aucune. Son œuvre est ainsi constituée de magnifiques photographies de paysages aussi bien que de clichés des repas qu'il prend dans les hôtels miteux du Texas. Sa démarche était particulièrement novatrice en ce sens. Comme pour son contemporain William Eggleston,le choix de la couleur participe de cette lutte contre l'esthétisme, au profit d'un regard plus objectif sur la réalité vernaculaire de l'Amérique.

  • Shore analyse et structure ses images dans leur espace physique avec une géométrie impeccablement maitrisée et parfaite. Il photographie astucieusement les éléments en construisant ses photos par couches successives, en lignes horizontales ou verticales de façon à mettre en valeur toutes les choses ordinaires du quotidien. Les variations subtiles de formes, de lumière, de couleurs d’une puissance incroyable, produisent des clichés éblouissants et richement descriptifs. Son approche analytique et le sentiment de plénitude qui émane de ses photographie est proche de l'esthétisme d’Edward Hopper.

  • Les instantanés de Stephen Shore imposent un échange frontal et direct entre le spectateur et le sujet : c'est ce qu'il appelle trouver « l'expérience immediate », « Regardez ce microphone en face de moi, interpelle-t-il. Beaucoup de photographes chercheraient à le contourner, pour éviter qu’il n'apparaisse à l'image. Moi, au contraire, je le laisse là où il est. »

  • Dans ses clichés, les étendues sauvages sont barrées de poteaux électriques, panneaux de signalisation et affiches publicitaires, Shore lorgne délibérément vers une esthétique amateuriste dans ces portraits pris au flash où une ombre large se découpe à l'arrière-plan. Tout n'est que surface : il n'y a rien à voir, rien à comprendre, au-delà de ses rues désertes ou animées, baignées de soleil, s'étendant à l'infini. La lumière et ses reflets semblent constituer le seul véritable objet de ces photographies où l'homme n'est présent que par touches.

  • Dépassionnée en ses produits, la photographie de Stephen Shore n'en brise pas moins parfois ses propres principes de neutralité : lorsqu'il photographie la rue poussiéreuse de El Paso au Texas ou le parking ruisselant d'Okhaloma City, il sait magnifier la lumière chaude d'un après-midi d'été ou le crépuscule rougeoyant en sa fin, non sans exprimer le sentiment d'étrangeté qu'il éprouve à la vue de ces non-lieux. Chez Shore, il ne s'agit pas de construire un objet, mais d'extraire du monde préexistant un fragment particulièrement signifiant, où les traits du monde présentent une harmonie particulière mais éphémère.

  • À l’instar de Warhol qui affirmait peindre comme une machine, Stephen Shore met au cœur de sa recherche des "signes d’indifférence", une distanciation certaine par rapport aux modèles photographiés, une quête de la banalité. La prise de vue systématique, à intervalles réguliers, n’attend pas de saisir un instant décisif, mais propose une lecture séquentielle de la vie de cet atelier phalanstère, en saisit la pulsation essentielle, au rythme des répétitions du Velvet Underground.

  • « J'enregistrais ma vie. C'était le journal visuel d'un voyage à travers le pays. Quand j'ai commencé ce périple, j'avais beaucoup d'idées sur ce que j'allais faire. Je ne voulais pas faire d'instants décisifs. Henri Cartier-Bresson avait forgé cette expression pour désigner certaines rencontres visuelles exceptionnelles, mais j'étais plus intéressé par la banalité. Je voulais rester visuellement conscient au fur et à mesure que la journée avançait. » Stephen Shore

Site Officiel : Stephen Shore

« Certaines photographies sont opaques. Le spectateur est arrêté par le plan de l'image. Certaines photographies sont transparentes. Le spectateur est entraîné à travers la surface dans l'espace illusionniste de l'image. » Stephen Shore

Bay Theater, 2nd Street, Ashland, Winconsin, 1973

Main St, Valley City, North Dakota, 1973

Horseshoe Bend Motel, Lovell, Wyoming, 1973

U.S 2, Ironwood, Michigan, 1973

Richland Mail, US 30, Mansfield, Ohio, 1973

U.S 97, South of Klamath Falls, Oregon, 1973

North Ocean Boulevard, Palm Beach, Florida, 1973

Room 12, Harbor View Motel, Kenora, Ontario, 1974

Church Street and Second Street, Easton, Pennsylvania, 1974

West Third Street, Parkersburg, West Virginia, 1974

U.S 1, Arundel, Maine 1974

Sault St. Marie, Ontario, 1974

Wilde St and Colonization Avenue ,Dryden, Ontario, 1974

Holden Street, North Adams, Massachusetts, 1974

I-8, Yuma, Arizona, 1974

Victoria Avenue and Alberta Street, Regina, Saskatchewan, Canada, 1974

Natural Bridge, New York, 1974

Mount Blue Shopping Center, Farmington, Maine, 1974

West Fourth Street, Little Rock, Arkansas, 1974

Main Street, Danbury, Connecticut, 1974

Winnipeg, Manitoba, Canada, 1974

Second Street East and South Main Street, Kalispell, Montana, 1974

U.S 10, Post Falls, Idaho, 1974

Market Street, San Francisco, Californie, 1974

Twentieth Street and Spruce Street, Philadelphia, Pennsylvania, 1974

Marland Street, Hobbs, New Mexico, 1975

Presidio, Texas, 1975

Meeting Street, Charleston, Caroline du Sud, 1975

Cumberland Street, Charleston, Caroline du Sud, 1975

Beverly Boulevard and Brea Avenue, Los Angeles, California, 1975

Miami, Florida, 1975

University Drive, Fort Worth, Texas, 1976

Sidney Lust's Drive-In Theatre, U.S. 1, College Park, Maryland, 1976

Sixth Street and Throckmorton Street, Fort Worth, Texas, 1976

U.S 93, Wikieup, Arizona 1976

West Market Street and North Eugene Street, Greensboro, North Carolina, 1976

Ginger Shore, Causeway Inn, Tampa, Floride, 1977

Belle Glade, Ford, Florida, 1977

Room 115, Holiday Inn, Belle Glade, Floride, 1977

Fort Lauderdale Floride, 1978

Bozeman, Montana, 1981