Sergio Larrain (1931-2012) photographe Chilien, né à Santiago. Il est le fils d’un architecte de renom. Il est d’abord tenté par la sylviculture qu’il étudie sans succès en 1948 aux États-Unis, puis par la musique. Mais il trouve très vite sa voie dans la photographie, grâce à l’achat de son premier appareil photo, un Leica IIIC, en 1949.

  • En 1951, il retourne au Chili et commence des reportages. Il profite également d’un voyage en famille qui dure huit mois en Europe et au Moyen-Orient ( Égypte, Israël, Istanbul, Grèce, Italie, Espagne, Angleterre, France, ...). Mais son port d’attache sera toujours Valparaiso la magique, et Santiago la mendiante.

  • Valparaiso, il l’a sillonnée nuit et jour, en quête de cet « état de grâce » seul susceptible de faire naître « une bonne image ». A Santiago il photographie les enfants des rues, décrivant à travers ses clichés : les déshérités, les laissés-pour-compte de la vie, qu’il semble réchauffer par son empathie.

  • En 1956, il envoie un portfolio au Musée « d'Art Moderne de New York » qui lui achète quelques photos. Mais sa vénération pour Henri Cartier-Bresson sera une véritable obsession, qui ne prendra corps qu’avec leur rencontre à Paris, où il s’installe en 1954. Profitant d’une rencontre fortuite à Copacabana en 1958 avec le photographe suisse René Burri, qui deviendra son grand ami, lui demandant d’apporter à Paris ses pellicules, il y rencontre enfin son maître Henri Cartier-Bresson, l’un des patrons de Magnum, le Chilien entrera en 1960 au sein de l'agence en lui ayant présenté son travail sur « Los abandonados » ( les enfants des rues de Santiago ), ceux qui vivent sous les ponts sur les rives de la rivière Mapocho, qui avait impressionné HCB.

  • Mais le malentendu entre le photo-reportage et la liturgie de « l’instant décisif » et sa propre façon de concevoir la photographie, comme une méditation, va le conduire certes à rejoindre l’agence Magnum, son rêve fou, mais aussi à se perdre dans des photo-reportages de commande : la Guerre d’Algérie, la Mafia en Sicile, les mariages princiers, la Mostra de Venise et des événements frivoles. Larrain étant si fasciné par Bill Brandt partira sur ses traces à Londres de 1958 à 1959, grâce à une bourse du British Council pour l'Angleterre. Pendant quelques années il va travailler pour différents magazines européens en parallèle avec l’agence Magnum.

  • Las de tous ses mensonges, lui qui avait tant Valparaiso au cœur, il retournera dans son pays, dans son univers.

  • Il collaborera alors avec le poète Pablo Neruda pour l'édition d'un livre sur la maison du poète de Isla Negra. Il réalisera dans le même temps toujours avec Neruda un essai photographique majeur « Valparaiso » publié trente ans plus tard à l’occasion de son exposition aux « Rencontres d’Arles » de 1991. Après plusieurs expositions à travers le monde il demande, en 1999, de ne pas poursuivre la médiatisation de son œuvre et refuse toute exposition ou publication. Puis peu à peu le poids de la spiritualité le leste et l’envahit, il va alors délaisser la photographie, basculant ainsi dans les psychotropes de l’esprit, mais aussi ceux qui sont bien réels comme le peyotl et le LSD. il va finalement décider de vivre retiré dans la campagne pour pratiquer le yoga, la méditation et le dessin, jusqu’à la fin de ses jours.

  • Retiré de la « civilisation des illusions » depuis les années 80, Larrain se consacrait à la méditation et à l’étude des philosophies orientales. A la fin des années 60, il vivra à Ovalle, un village dans les montagnes du Chili, près de Valparaiso, il y commencera sa retraite, influencé par le gourou bolivien Oscar Ichazo, qui lui fait découvrir le mysticisme oriental. Il deviendra presque entièrement étranger au monde des images, de la photo. Il s'installe dans la vallée de Azapa, dans la communauté mystique d'Arika, où il pratique le yoga, avant de s’émanciper et chercher seul sa voie. Il décidera finalement de vivre retiré dans sa campagne pour pratiquer le yoga, la méditation et le dessin, jusqu’à la fin de ses jours.

    • Il déménagera en 1972 à la Myrte, et plus tard, à la fin des années 70 s'installera définitivement à Tulahuén.

    • L'arrivée de la dictature de Pinochet, dont il couvre le coup d'État en tant que reporter, le force à déménager plusieurs fois. Il finit par s'installer à la campagne, à Tulahuén, où il se consacre à l'éducation de son fils, à la méditation et à l'écologie. Il refuse les honneurs, rejette les expositions, qu'il considère comme autant de manifestations d'ego déplacées. Il ne communiquait que par lettres distantes, comprenant dessins de satori et de cailloux sur la plage et des poèmes.

    • Vers la fin de sa vie, il acceptera que sa fille et qu’Agnès Sire fassent connaître son œuvre, qu’il avait si longtemps reniée, n’y voyant que manifestation de l’ego, et de l’orgueil déplacé.Et c'est enfin aujourd'hui que ses images peuvent nous envelopper de leur magie.

  • Reclus dans sa maison de Tulahuén, il y meurt le 7 février 2012, à 81 ans. Sergio Larraín sera enterré à Tulahuén, non loin d’Ovalle, selon son désir.

Sergio Larrain reste un énigmatique photographe, les « Rencontres d’Arles » ont fait découvrir un des plus grands photographe de notre époque, malgré sa farouche volonté d’oubli, lui qui aura voulu ne plus pactiser avec les « mensonges » de la photo, ayant trouvé sa paix intérieure dans la solitude.

Il n’aura été vraiment photographe que de 1950 à 1964, mais une véritable légende l’entoure, comme « le photographe de Dieu » le dit avec emphase un de ses admirateurs.

Retiré, ermite, pris dans les drogues et le mysticisme il se sera fait oublier du monde. On ne pouvait avoir accès à lui, et même un certain code frappé à sa porte ne permettait pas d'entrouvrir forcément l’huis. Il refusait toute image et dialogue.

« Je crois que la pression du monde journalistique – être prêt à sauter sur n'importe quelle histoire, tout le temps – détruit mon amour et ma concentration » écrira-t-il à Henri Cartier-Bresson en 1965.

Refus des rencontres ; refus d’être interviewé ou filmé, ce renfermement si loin de la carrière photographique qu’il avait désiré puis renié, aura bâti sa légende et ses affabulations délirantes. Un jour pourchassé par la mafia sicilienne, un autre jour en lévitation spirite. En fait il n’était qu’à la recherche de lui-même et pour lui la photographie devenait une impasse sans importance. Le photographe vagabond avait posé ses valises en lui-même, las des misères et de la beauté du monde. Lui qui avait su faire émerger comme apparition la magie des êtres et des choses, va vivre en autarcie dorénavant pendant plus de trente-deux ans.

Ce n’était pas une fuite, mais une recherche absolue de la pureté, de la méditation. Plongé dans « le foudroyant déclic de l’éveil » du bouddhisme zen, il dessinait inlassablement des « satori », espérant faire basculer ainsi lie monde vers la contemplation, par la simple et répétitive représentation picturale des plantes et des arbres. Ses expériences spirituelles pouvaient déjà se deviner dans ses photographies, prémices à l’éveil, à la compréhension des choses cachées. Cet « illuminé » aura consacré son existence à la lumière du dessous qui émerge en chaque être, et aussi à la recherche de la sienne propre, blottie au fond de ses abîmes. Déçu par l'incapacité de la photographie à changer le monde, Sergio Larrain l'a tôt abandonnée, se consacrant à la méditation et au yoga.

Il était en éveil, comme guetteur de « l’intense immédiateté du monde », et la photographie ne pouvait suffire à contenir tout son monde intérieur. Alors il est parti vers ses rives intérieures, mais il nous a laissé les coquillages de ses images, nous rappelant que la mer fut là, un jour et qu’il faut s’en souvenir.

« Quand tu prends une photo, tu organises ton corps, les trois points sont en ligne. C'est une expérience de yoga.»

« Une bonne photo naît dans un état de grâce. Cela arrive lorsque l'on est libéré des conventions, des obligations, de la compétition, libre comme un enfant découvrant la réalité pour la première fois. Le but du jeu, ensuite, est d'organiser le cadre. » Sergio Larrain

Passage Bavestrello, Valparaíso, Chili, 1952

Potosi, Bolivie, 1957

Santiago du Chili, 1957

Londres, 1959

Faubourg Saint Honoré, Paris, 1959

Rome, 1959

Paris, 1959

Paris, 1959

The Inca Empire, 1960

Limon soda, Valparaíso, Chili, 1962

Port de Valparaíso, Chili, 1963