William Klein (1928) photographe français né à New York, tout à la fois peintre et réalisateur, surnommé « bad boy ». Fils d'immigrés juifs hongrois, il grandit dans la quartier d’Harlem et ne suit pas les traces de son père qui tient une boutique de vêtements. Dès le lycée, il prend la direction artistique du journal des élèves, écrivant des articles, mettant en pages et dessinant des caricatures. Il fait des études universitaires de sociologie et obtient son diplôme en 1945.

    • En 1946 à l’âge de 18 ans, il s’engage dans l’armée d’occupation et est envoyé en tant que G.I en Allemagne puis à Paris ou il découvre la capitale pour la première fois. Démobilisé en 1948, il décide de s’installer à Paris pour devenir peintre et y rencontre Jeanne Florin qui devient son épouse en 1950, mais aussi sa principale collaboratrice, son amie, son alliée, sa complice de chaque jour. Il fréquente la Sorbonne pendant un an et demi et étudie lors d’un court passage, la peinture à l'atelier de Fernand Léger.

    • De 1951 à 1954, il découvre la photographie en Italie en passant deux années à Milan ou il travaille avec les architectes italiens Mangiarotti Zanuso et Gio Ponti, sur des peintures murales géométriques « Hard-edge ». Cela vient renforcer sa démarche contemporaine à travers laquelle il approfondit cette nouvelle voie en l'adoptant à sa vision artistique. Cherchant à documenter ses réalisations, il s’essaye à la photographie et réalise qu'avec ce moyen, il peut attraper au vol ce qu’il a toujours voulu saisir, le mouvement, à ce moment précis la photographie devient le principal allié de son œuvre.

    • En 1954, il fait la connaissance d'Alex Liberman, directeur artistique de l'édition américaine du « Vogue » qui lui propose un contrat au sein du magazine. Il est l'un des photographes attitrés de Vogue au coté de Richard Avedon et Henry Clarke. Il se rend à New-York et réalise lors de son séjour un sorte de journal photographique qui fait l’objet de son premier ouvrage sous le titre de « Life is Good and Good For You in New York : Trance Witness Revels », publié aux éditions du Seuil en 1956, un livre dont il a conçu lui-même la maquette, qui par la suite devient une référence et un collector, introuvable de nos jours.

    • En 1957 son livre est couronné, en obtenant le prix Nadar, très rapidement remarqué par le cinéaste Federico Fellini, ce dernier lui offre un place d’assistant pour le film « les Nuits de Cabiria ». Il part à Rome, le retard du film, lui donne l'opportunité de réaliser, dans le même esprit que son premier ouvrage sur New York, une série de clichés de la capitale italienne qu’il publie sous le titre de « Rome » en 1959. Parallèlement il tourne son premier court-métrage pop « Broadway by Light ».

    • Au début des années 60, il produit des films pour la télévision française et tourne des émissions comme « Cinq colonnes à la une ».

    • En 1963 à la « Photokina » il est à l'honneur d'une exposition « 30 photographes qui ont fait l'histoire de la photographie ». En 1964 il publie à nouveau deux ouvrages « Moscou » suivie de « Tokyo » qui sont de suite des succès d'édition.

    • A la fin des années 60’, Klein s’éloigne de la photographie pour se consacrer à la réalisation de films. En 1966, il réalisera « Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? » qui a initialement peu de succès mais qui devient plus tard, culte. Il enchaine « Loin du Vietnam » en 1967, « Mr. Freedom » en 1969, « Muhammad Ali the Greatest » en 1974, et « Le couple témoin » en 1976.

    • 1980 marque son retour à la photographie, il publie de nombreux ouvrages, monographies et catalogues. Klein apparait comme un photographe nouveau, enchainant les expositions au MoMA, et à la « Light Gallery » de New York, puis deux plus tard au « Centre Pompidou » de Paris. Il collabore avec les journaux le « Sunday 's time », « Libération » et pour la firme « Leica ».

    • En 1984 il effectue la pochette de l'album « Love on the Beat » pour Serge Gainsbourg.

    • En 1990, Il reçoit en Suède, le Prix International Hasselblad et en 1991 il se voit décerner au rang de Commandeur des Arts et des Lettres.

    • En 1999 il réaliser le long métrage « Le Messie ».

    • En 2002, il publie « Paris+Klein », ouvrage suivi par une grande exposition organisée à la « Maison Européenne de la Photographie », lui rendant un double hommage, celui d'artiste ainsi que sa relation intime qu'il entretient depuis le début de sa carrière avec la capitale française.

    • En 2005, sa femme et son amour de toujours disparait victime d’un accident de clinique. La même année le Centre Pompidou lui consacre à nouveau une grande rétrospective et coédite avec les éditions Marval, « Retrospective », un ouvrage de plus de 400 pages qui retrace ses travaux les plus importants, photographiques, films et peintures.

    • Le Grand Prix de l’Institut Américain des Arts lui est attribué en 2007. En 2008, il publie « Contacts », un recueil de ses grandes photographies revisitées par des interventions à la peinture sur des contacts agrandis.

Le travail photographique de William Klein contraste avec tout ce qui s'est fait auparavant, artiste aux multiples facettes, passionné, il n’hésite jamais à changer de mode d’expression, avec des allers et retours de la peinture à la photographie. Il influence les photographes comme Helmut Newton, Richard Avedon, Frank Horvat, David Bailey et Jeanloup Sieff.

Il sait imposer un style et un regard instinctif dans le domaine photographique, un style marqué perpétuellement, par des cadrages excentriques, expérimentaux dans la structure de ses compositions, il décadre, floute, pousse la grosseur des grains de son image, sature en accentuant le noir et blanc qui viennent envahir à l’extrême ses photographies. Il n’hésite pas non plus à créer des accidents et des rajouts lors de ses tirages.

Il aime le mouvement et le bougé par-dessus tout, les forts contrastes et le hors cadre. Il adopte en permanence la leçon de Robert Capa « Si tes photos ne sont pas bonnes, c'est parce que tu n'es pas assez près » et ignore les tabous, emploie un grand angle, un 28mm le pointant au plus près sur les visages.

« Photographier, c'est un moment de transe. Quand on peut saisir beaucoup de choses à la fois, quand je peux sentir que la photo va être bonne. J'attends que tout se mette en place, je sais que ça va se passer. Alors je cadre, j'arme, je déclenche. » William Klein

Tout comme Man Ray, il cherche une nouvelle écriture, invente des styles, « Avec Man Ray, on se ressemble, tous les deux. Il est juif new-yorkais comme moi. Il a fait de la peinture, de la photographie, de la mode, des portraits et des films. » William Klein.

Sa discrétion est à la hauteur des innovations qu'il apporte dans le monde de la photo, il n'a de cesse, au cours de sa carrière, de toujours remettre en question les conventions et les bonnes manières, de toujours s'efforcer d'éviter les habitudes par l'introduction voulue d'éléments qui n'ont pas leur place sur la photo, le hasard, la déformation, le bougé. Il fait évoluer la photographie à grands pas, vers un nouvel espace d'expression, le pop art , le graphisme et le dadaïsme.

« Il ne s'enferme jamais dans un système. » Peter Lindbergh.

Au coté de Robert Frank, ils signent ensemble l'entrée de la photo dans l'art contemporain, Robert Frank avec son ouvrage « Les Américains », et William Klein avec celui de « New-York », initient une révolution, créant une rupture avec la photographie à l'ancienne, d’une image propre et parfaite à la Henri Cartier-Bresson ou à la Robert Doisneau. L’objectif de son appareil est percutant, sa photo bouscule, est forte et ne prétend à aucune objectivité documentaire, il est présent et peut mettre en scène, interagir avec son sujet.

Juste avant de s’embarquer pour New York il l’achète son premier Leica à Henri Cartier-Bresson, dans les locaux de l’agence Magnum Photos, arrivé à New York, il s’aperçoit que l’objectif de 50mm de Cartier-Bresson ne convient pas à sa vision de la ville. Il veut pouvoir s’approcher plus près des gens et équipe son appareil d’un grand angle, donnant ainsi naissance à ses premières images de New York d’un style révolutionnaire et d'une perspective nouvelle.

En 1954, l'existence du verre photo-sensible est pour lui une révélation qui est à l'origine de son œuvre photographique. Lorsqu’il retourne à New York après huit ans d'absence, il a l’intention d'utiliser ce type de support pour des photos d'architecture, et entreprend de convaincre les détenteurs du brevet sur le verre photo-sensible afin de produire son travail sur très grand format, sans aboutissement. C’est à partir de ce moment qu’il se lance dans son journal photographique sur la grande ville nord américaine. Il passe son temps à mitrailler les trottoirs de New York avec un œil européen et un œil américain. Son travail est constitué essentiellement de photos sur contrastés, avec de la granulation, des bougés des décadrés, et dans tirages des déformations et rajouts,

Photographe anticonformiste et avant-gardiste, l'éditeur Chris Marker voit dans William Klein, un coup de pied à la photographie classique, son ouvrage de New York sort en 1956, il réalise lui-même la maquette de son livre, voulant un nouvel objet visuel, rompant avec le style classique d'une photographie sur une page avec des marges blanches et un texte explicatif sur l'autre, il est à l'origine d'un changement éditorial avec des doubles pages et des pleines pages sans marges, modernisant la lecture, les photographies apparaissant comme un film.

« Je ne suis pas un journaliste. D'ailleurs, je n'ai jamais d'appareil photo sur moi. Quand j'en prends un, c'est parce que j'ai un projet. » William Klein

Ses photos de mode révolutionne le genre, il amène de la modernité, les mannequins n'ont plus les mains sur les hanches et leurs pieds en position de danseuse classique. Loin des studios inondés de lumière blanche et envahis de matériel, il fait descendre toutes les collections de mode, sur les avenue de New York, sur les trottoirs de l’Opéra, sur le pont Alexandre-III, les grands boulevards, sur les passages cloutés jusque sur les toits. Pour Klein une fille est toujours un mannequin habillé d’une robe à quelques milliers de dollars, mais elle doit être vraie.

« Parce qu’une fille qui est photographiée dans la rue, sur un trottoir, dans le trafic, ne pose pas. » William Klein

Dans ses clichés accumulés, dix ans avant Andy Warhol, tout se croise, se bouscule sur les trottoirs de New York, comme si la vie quotidienne jaillissait des buildings, des bouches du métro, s’engouffrait dans les grands halls des gares, traînait devant les devantures, les publicités, les lettres, slogans, affiches.

« Prendre une photo, c'est une excuse pour être badaud. Je me donne l'impression de faire quelque chose donc j'ai moins mauvaise conscience. » William Klein

Parallèlement, il réalise 35 films et près de 250 spots publicitaires, tout en participant à de nombreux films majeurs tournés par de grands réalisateurs, comme celui de Louis Malle en 1960, « Zazie dans le métro ».

En 2005 l’aventure commune avec sa femme Jeanne s’achève tragiquement, l’amour de sa vie, une peintre extrêmement originale et débordante d’imagination, reste pour lui les clés de sa vision d’artiste, elle a non seulement produit ses films, mais aussi conçu les costumes, les décors, tenant la barre de la carrière multiforme de son mari.

Il revient à la peinture avec ses contacts peints, faisant une synthèse entre la peinture et la photographie et parvenant à conjuguer à la fois ses attentes de photographe, de cinéaste et de peintre.

« La photo, pour moi, est un moyen de dire ce que je pense de la vie. » William Klein

Candy Store, New York, 1955

New York, 1956

Place d'Espagne, Rome, 1961

Affiche de film, Tokyo, 1961

Antonia, Yellow Cab, New York, 1962

Paris, 11 novembre 1968