Yousuf Karsh (1908-2002) photographe canadien d'origine arménienne, né à Mardin en Turquie. En 1922, sa famille émigre en Syrie afin d'échapper au génocide arménien.
En 1924, il rejoint au Canada son oncle Georges Nakash, photographe portraitiste renommé de Sherbrooke au Québec. Sur place il y effectue ses études secondaires.
En 1928, il se rend à Boston afin de se perfectionner, en tant qu’apprenti auprès de John Garo, photographe le plus en vue de l'aristocratie et des célébrités de l'époque, Garo lui enseigne à voir son sujet en fonction de la lumière, de l’ombre et de la forme, trois éléments clés qu'il applique dans sa pratique jusqu’à la fin de ses jours. Toute au long de sa carrière il favorise des éclairages dramatiques où la lumière est l’outil privilégié dans son travail.
En 1932, il revient s'installer à Ottawa ou il choisit d'établir son studio au sixième étage du Château Laurier. Il fait connaissance de sa première femme, Solange Gauthier, une française qui lui présente de nombreuses célébrités du monde de l’art, de la musique, du théâtre et de la danse. Il y travaille jusqu'en 1992. Il débute en tant que photographe de scène et devient rapidement le photographe de la haute société dont sa renommée s'étend largement au-delà des limites de la capitale canadienne. Il se lie d’amitié avec de nombreux politiciens canadiens qui lui permettent de rencontrer et photographier plusieurs personnalités du milieu politique de l’époque.
Dès 1936, il se met à photographier les hommes d'État de passage dans la capitale canadienne comme Franklin Roosevelt.
En 1941, est choisit pour réaliser le portrait de Winston Churchill lors d’une visite de ce dernier au Canada. Prise sur le vif, la photo de Karsh immortalise un Winston Churchill volontaire, déterminé et prêt à faire face aux défis de la guerre, ce cliché le rend célèbre à travers le monde entier.
En 1954, Karsh et sa femme, se rendent en Europe, accompagné de son assistant Peter Miller, lui servant de chauffeur, afin de transporter son matériel, et lui prêter main forte à photographier de nombreuses célébrités, comme Pablo Picasso, Albert Camus, John Steinbeck, le Corbusier.
En 1989, le Musée des beaux-arts du Canada, lui organise une importante rétrospective de son œuvre. Récipiendaire à deux reprise de l’ « Ordre du Canada » pour l’ensemble de son œuvre, il est le seul canadien à faire partie de la liste des 100 noms du « International Who`s Who ». Aujourd’hui ses photographies sont présentes au sein de nombreuses collections dans le monde.
Son travail est exposé dans les plus grands musées, le « Metropolitan Museum of Art », le « Museum of Modern Art » à New York, l' « Art Museum » de Philadelphie et le « Art Institute » de Chicago.
En 1992, il arrête définitivement la photographie et prend sa retraite.
Les quatre personnages les plus influents de sa vie sont sa mère, son mentor de Boston, le photographe-portraitiste John Garo, sa première épouse Solange Gauthier qui s’éteint en 1960 ainsi que sa seconde femme Estrellita Karsh.
Yousuf Karsh est considéré comme l'un des photographes portraitistes parmi les plus importants du 20eme siècle. Il est le photographe des personnalités les plus marquantes et réalise plus de 11,000 portraits de célébrités qui ont façonné son époque, les immortalisant à jamais sur ses pellicules. Il participe à plus de 15.000 séances photo et produit plus de 150.000 négatifs, parmi lesquels figurent les portraits les plus enthousiasmants de multiples personnalités du monde culturel, politique, scientifique et intellectuel.
Un Walt Disney esquissant un sourire de Mickey, un Martin Luther King avec un regard levé vers le ciel, un Ernest Hemingway saisi dans toute sa puissance et solitude, un Andy Warhol joueur, une Grace Kelly au port princier et bien d'autres comme François Mauriac, H. G. Wells, Albert Einstein, Pablo Picasso, John F. Kennedy, Christian Dior et Man Ray. Il réalise de temps en temps des portraits en juxtaposant par deux images, Frank Lloyd Wright avec Le Corbusier ou Charles de Gaulle avec Dwight Eisenhower. Au cours de sa carrière prolifique, ses portraits sont à la Une, en couvertures pour de nombreux magazines, « Life » et « Paris Match », témoignant ainsi avec ses portraits intimistes les personnalités de l’époque en icônes publiques. Parallèlement, il publie plus d’une dizaine d'ouvrages qui allient photographies et annotations personnelles.
« Ce que je sais, c’est qu’un secret se cache à l’intérieur de tout homme et de toute femme et qu’en ma qualité de photographe, il m’incombe de le révéler si cela m’est possible. La révélation, si elle survient, se fera en une petite fraction de seconde par un geste inconscient, une lueur dans les yeux, un bref soulèvement du masque que tous les êtres humains portent pour cacher au monde leur moi le plus profond. » Yousuf Karsh
Les acteurs, les actrices et le cinéma occupe un place prépondérante dans sa destiné, au tout début de sa carrière, il rentre à « l’Ottawa little théâtre », confronté aux principes de la mise en scène, c’est là qu’il apprend la maitrise de l’éclairage en studio. Il choisit de s’intéresser à la vrai personnalité de ceux qu’il photographie, d’exprimer leur émotion véritable en soulevant leur masque pour découvrir leur for intérieur.
Tout ce qui se présente devant son appareil à plaques devient une légende dans son labo, pas seulement les acteurs ou encore les grands noms de la politique, il sait aussi mélanger la science photographique et le nu, qui est pour lui une façon de s'ouvrir de nouvelles portes, les portes de la manipulation, de l’optique, du surréalisme et de l’imaginaire.
« Le cœur et l'esprit sont les vrais objectifs de mon appareil. » Yousuf Karsh
Il est reconnu pour sa technique impeccable et son sens du détail, ses portraits sont saisissants et se jouent toujours entre ombre et lumière dramatique, témoignent d’un siècle mais surtout de sa vision humaniste. L’aspect humain, les échanges entre le photographe et son sujet, lui permettent de révéler de la personnalité de celui-ci par l’intermédiaire de la photographie. L’éclairage en contre-jour et l’ombre modèle un visage, met l’emphase sur l’expression, tout en conférant parfois force, pouvoir, intelligence et poésie.
« Chaque homme, chaque femme cache un secret, en tant que photographe,mon devoir est de le révéler, si je le peux. » Yousuf Karsh
Female Nude, 1935
Elixir, 1938
Elixir est le portrait de sa première femme Solange, réalisé sur la base de quatre négatifs différents, illustrant l’incroyable maitrise technique et la capacité d’adaptation de Karsh qu’il conserve toute sa vie. Dans cette image tridimensionnel, Solange semble comme une substance enfermée dans un flacon, une potion de l’amour, une femme libre dans l’espace telle une nouvelle déesse.
Winston Churchill, 30 décembre 1941
Décembre 1941, Yousuf Karsh est sélectionné pour effectuer le portrait de Winston Churchill, lors de son déplacement à Ottawa, juste avant que le premier ministre britannique ne déclare devant le parlement canadien que son pays va poursuivre le combat. Sous les traits d'un patron résolu à la tête d'une grande entreprise civile, volontaire, déterminé par son regard, l'air taciturne qu'affiche Churchill tient au fait que ce dernier ne se sépare jamais de son cigare et entend le garder en bouche pendant toute la durée de la séance, malgré les demandes réitérées de Karsh pour qu'il s'en démunisse le temps des photos. Après s'être assuré que tout est fin prêt, le photographe lui ôte prestement le cigare de sa bouche et effectue rapidement sa photo, alors outré, Winston n'accepte que cette seule prise de vue.
Cette image est retenue en 1999 par le Time Magazine comme l’une des trois photographies les plus importantes du 20ème siècle, avec celle d’Albert Einstein de Philippe Halsman et celle de Marilyn Monroe assise dans un fauteuil en osier de Milton H.Greene.
Pablo Picasso, 1954
Audrey Hepburn, 1956
John Fitzgerald Kennedy, 1960
En pleine campagne présidentielle, ce jour là le sénateur JFK est sous pression, il passe des coups de téléphone aux poses sans aucun problème. Karsh est impressionné par sa capacité à vivre l’instant présent, juste après la session photographique il lui demande, ce qui l’aimerait faire après un double mandat, Kennedy lui répond « J’aimerai s commencer quelques chose de complètement différent ».
Alfred Hitchcock, 1960
Yousuf Karsh juste après la session photographique déclare à son propos, « Alfred Hitchcock a une présence incroyable, lorsqu’il parle ou écoute, il bouge ses mains et presse le bout de ses doigts pour appuyer ses propos ou créer le suspense, en réfléchissant il gratte doucement son menton avec l’ongle de son pouce gauche, il repose son menton sur sa main pliée, esquissant un léger sourire qui joue autour de ses yeux et des ses rides ».
Man Ray, 1965
Andy Warhol, 1979
Sophia Loren, 1981
François Mitterrand, 1981
Cette photographie est réalisée dans l’endroit préféré du président, au troisième étage de son domicile parisien, envahi de manuscrits, de livres et d’archives photographique. Karsh raconte « Devant l’espace exigu qui m’était alloué et ou mon éclairage et mon appareil entraient tout juste, je lui fis remarquer, j’espère Mr Mitterrand que le créateur quand je comparaitrai devant lui, m’accordera un peu plus de place ! ».
Gérard Depardieu, 1982
Sophia Loren, 1982
Mère Teresa, 1988