Bruce Davidson (1933) photographe américain, né à Oak Park dans l’Illinois. Il débute la photographie dès l’âge de dix ans, utilisant la chambre noire que sa mère lui a construite. Il sillonne les rues de Chicago, scrutant le monde à travers son objectif, à la recherche de moments dans lesquels il pourrait trouver sa place, cherchant à se glisser dans la vie des gens.

    • En 1949, il obtient le premier prix du « Kodak National High School », un succès précoce qui annonce sa longue carrière. Il assiste un photographe local qui lui donne l’occasion d’apprendre les techniques photographiques. Parallèlement il suit des cours de photographie à l'Institut technologique de Rochester. Puis étudie la peinture, la philosophie et la photographie à l'université de Yale auprès Herbert Matter, Alexey Brodovitch, Joseph Albert et obtient son diplôme en 1955. Sa thèse universitaire, un essai photographique sur les coulisses de l’équipe de football de Yale est publiée dans le magazine Life.

    • Lors de son service militaire, il est envoyé en France pendant deux ans. En 1956 il réalise son premier projet « Widow of Montmartre » qu'il présente à Henri Cartier-Bresson lors d’une rencontre.

    • En 1957 il travaille en free-lance pour le magazine Life, en 1958 intègre l'agence Magnum Photos dont il en devient membre dès 1959.

    • En 1958 de retour au États Unis, fort de l’expérience qu’il a acquit, il effectue un reportage dans le New Jersey sur un clown solitaire d’un cirque ambulant « The Dwarf » (Le Nain). Le clown nain, Jimmy Armstrong, surnommé « Little Man », est photographié non comme un monstre mais au contraire comme un individu à part entière, capable de dégager une force d’émotion puissante. Par la suite, ce clown le conduit à pénétrer le monde du cirque, lui permettant de découvrir les coulisses et de se lier avec les autres artistes, une rencontre qu’il illustre la même année dans une nouvelle série intitulée « The Clyde Beatty Circus », transmettant à la fois la magie du monde des chapiteaux, imposant sa capacité de photographier ses sujets en tant qu’êtres humains et non comme des anonymes.

    • En 1959 il enchaine un nouveau grand projet « Brooklyn Gan », suite à la lecture d'un article sur le gang de Brooklyn appelé « The Jokers », Davidson rentre en contact avec ces jeunes à peine âgés de 16 ans, dans un New York désabusé. Il les suit pendant quelques mois, dans leurs vies à Brooklyn, dans leurs diners du Helen’s Candy Store sur la 7ème rue et 8ème Avenue, à Prospect Park ou à Coney Island, il immortalise avec ses photographies, l’ennui, la rage, de ces adolescents aux airs de James Dean qui fuient leur quotidien en reconstituant une famille avec leurs amis.

    • « Avec le temps, ils m’ont permis de voir leur peur, leur dépression et leur colère. » Bruce Davidson.

    • En 1960, il est présent sur le tournage du film « The Misfits » aux cotés des photographes, Henri Cartier-Bresson, Elliott Erwitt, Erich Hartmann, Ernst Haas, Inge Morath, Dennis Stock, Eve Arnold et Cornell Capa. Ses clichés du tournage et de Marilyn Monroe, contribuent à rendre célèbre au plus haut niveau l'actrice, il marque définitivement son style et sa particularité, The misfits, en français « Les marginaux » s’inscrit parfaitement dans la démarche de son travail, le fil conducteur de son œuvre photographique.

    • En 1961, il est recruté par Liberman au magazine Vogue en tant que photographe de mode, au sein duquel il y travaille pendant trois ans. Il débute la même année un travail sur le combat des Noirs américains pour le mouvement d'égalité des droits civiques, et en 1962 reçoit la bourse Guggenheim afin de pouvoir étendre son projet à New York, Chicago et au sud des États Unis. En 1963 le « Museum of Modern Art » de New York lui consacre une exposition.

    • En 1966, il est de nouveau bousier, cette fois ci, de la « National Endowment of Art » et se met en quête à photographier les communautés marginales. Depuis toujours engagé dans des causes sociales et sociétales, le jeune photographe traîne dans Harlem, avec son appareil photo à la main. Il se fait connaître et reconnaître par les habitants du quartier, gagne petit à petit leur confiance jusqu’à s’insérer dans leurs vies. Davidson s’applique ainsi à montrer les maux de ces américains qui vivent dans la misère et la pauvreté, en mal d’insertion, lui qui y parvient particulièrement facilement. En 1970 ses photographies font l’objet d’un ouvrage majeur « East 100th Street ».

    • « J’étais quelqu’un de l’intérieur, de leur maison, de leur âme, de leur être, de leur famille. » Bruce Davidson

    • En 1970 il réalise son premier film « Living off the Land » avec lequel il obtient le prix de l' « American Film Institute ».


Dans chacune de ses photographies, c’est un monde à l’intérieur d’un monde, il ne s’exclut jamais, il insiste au contraire pour être présent dans les moments avec ses sujets. Qu'il s'agisse d'un groupe d'adolescents américains à la dérive, de la lutte des Noirs pour obtenir leurs droits, de vues des quartiers pauvres de New York ou encore du métro de la Big Apple, Davison engage toujours son appareil d’une façon identique.

Il témoigne du respect que porte le photographe avec ses modèles, lorsque qu'il empoigne son Leica, c’est avant tout pour raconter des histoires photographiques, mais pas n’importe laquelle il a constamment besoin de s’impliquer, cherchant les thèmes qui l’intéresse et qui le touche, ceux des gangs, ceux de la misère d’Harlem.

« Si je dois chercher une histoire à raconter, elle est dans ma relation avec le sujet, c’est l’histoire qui se raconte à moi, plutôt que moi qui raconte l’histoire. » Bruce Davidson

En 1966 Bruce Davidson commence un travail qui est passé dans l’histoire du photojournalisme, non seulement pour la beauté et l’intensité de ses images, mais aussi pour sa méthode et son honnêteté. Chaque jour pendant deux ans, il sillonne les rues du quartier de l’East Harlem en sonnant aux portes, sans jamais vouloir voler d’image, il demanda toujours le consentement aux gens, lesquels en échange acceptent d’être photographiés dans leur vie quotidienne. Il photographie les émotions, les couples, les familles, les enfants seuls, les intérieurs misérables, un lit grand comme une pièce, il enregistre un Harlem, tout un quartier, tout un monde, des existences mise à l’écart par l’Amérique des années 60. En 1968, un rêve s’éteint avec l’assassinat de Martin Luther King, mais renait très vite deux ans plus tard avec la publication de son ouvrage « East 100th Street » illustrant que la lutte pour l’égalité est aussi passée dans ces rues.

« La seule vraie différence, c’est que ce sont des gens pauvres et il se trouve que leur couleur de peau n’est pas la même. » Bruce Davidson

Il est un explorateur intrépide du territoire urbain, les rues de la ville, les êtres qui l’habitent sont des lieux, des sujets d’observation et de découverte privilégiés des différents paysages sociaux, bouillonnants d’histoires. Davidson parvient à révélé la magie d’une ile de nature entourée par la métropole chaotique, un lieu fait de rencontres poétiques, d’espace vitaux ou le tempo d’ordinaire accéléré de la vie quotidienne ralentit, un lieu ou les sans abri trouvent un refuge, les amants une relative intimité et les enfants l’espace d’un instant sont heureux face à son objectif.

« Une grande partie de mes photographies sont pensées pour devenir des groupes compacts d’images et elles sont liées à la possibilité de pénétrer le monde, ou un espace, que je crains profondément ou que je ne connais pas ou qui m’attire » , « Dans mon travail, je ne cherche pas le moment décisif, mes photographies sont tout au plus la recherche d’un série de moments décisifs, elles se ressemblent l’un à l’autre et produisent un effet d’accumulation. Chaque image n’est qu’un fragment transitoire, si je sors une image de la série et l’observe, la chaine consciente s’interrompt. » Bruce Davidson

Il approfondit à travers son travail, les maux de l’Amérique et se considère comme un « outsider » qui a la chance d’être accepté à l’intérieur d’un monde fermé. Il n'est pas de ces photographes qui courent le monde, il va au plus près, il va au plus vrai, en cherchant la réalité, intensément présent dans ses images, c'est qu'il vit qu'il choisit d’enregistrer sur sa pellicule. Il a comme une ligne, droite, vibrante, celle de la solidarité, en photographiant comme on tend la main.

« Je ne photographie pas d'histoires, mes images traduisent un état d'esprit. » Bruce Davidson

Jimmy Armstrong, The Dwarf, Palisades, New Jersey, 1958

« C’était une après midi brumeuse, quand j’ai vu le nain pour la première fois. Il était seul, devant le chapiteau en train de fumer une cigarette. Son corps difforme, sa tête de taille normale et ses petites jambes m’attiraient et en même temps elles me repoussaient. Il portait un petit costume à queue de pie, désuet et un chapeau melon noir, tenant dans sa main un bouquet de fleurs en papier. Il était là, debout, dans l’intimité de ses pensées. En m’approchant de lui il a senti ma présence mais le déclic de mon appareil ne paraissait pas le déranger. Il semblait savoir que c’était ce moment intime qui me subjuguait et non son visage de clown ou son apparence physique. Je voulais qu’il reste lui même et non pas qu’il joue le clown parce que je le photographiais. Il attendait le numéro musical qui allait le ramener aux sons et aux paillettes du monde merveilleux qui provenaient de la tente. Il disparut sous le chapiteau et je ressentis sa solitude et en même temps une certaine puissance se dégageait de cet homme qui faisait la moitié de ma taille. » Bruce Davidson

Spanish Harlem, New York, 1966

East 100th Street

Subway, New York, 1980

Subway, Graffiti, New York, 1980

Central Park, New York, Hiver 1992

Central Park en hiver, dans une atmosphère brumeuse et vaporeuse, Bruce Davidson effectue ce cliché à la façon des pictorialistes, en obtenant des effets picturaux nuancés, créant un rendu à la manière des impressionnistes, utilisant un grain épais.