Imogen Cunningham (1883-1976) photographe américaine, née à Portland dans l’Oregon. Elle est l’aînée d’une famille de six enfants, vivant à Port Angels dans l'État de Washington. Son père, lecteur vorace et végétarien du même acabit, libre penseur, est utopiste. Il la nomma Imogen par référence à Shakespeare. Il a une forte influence sur elle qui sut lire et apprendre l’art avant même d’aller à l’école. Vers 1890 sa famille déménage à Seattle connaissant de sérieuses difficultés financières.

    • En 1903, après le lycée, elle rentre à l’université de Washington à Seattle, d’abord fascinée par des études de chimie qu’elle poursuit jusqu’au bout, obtenant son diplôme. Elle étudie dans le même temps la physique, la littérature, l’allemand et le français. Puis très rapidement elle s’oriente vers cet art en train de naître, la photographie. En 1905 elle fait l’acquisition de son premier appareil photo. Alors à peine âgée de 23 ans, elle ose se montrer dans un autoportrait nu, étendue dans l’herbe, sa peau plus luisante que le désir, et ses jambes au cou de l’insouciance, flottante dans l’innocence.

    • De 1907 à 1909, elle est assistante du photographe Edward S. Curtis avec lequel elle apprend la technique de retouche de négatifs et de tirage sur papier platine. En 1909, elle obtient une bourse de l’association féminine universitaire « P. Beta Phi », qui lui permet de partir pour pour Dresde en Allemagne, où elle étudie la photochimie à la « Technische Hochscule » sous la direction de Robert Luther. Elle y rencontre des artistes du mouvement expressionniste « Die Brücke », Kirchner, Nolde et Schmidt-Rottluff, qui l’influence par la suite dans la restitution de ses nus. En mars 1910, elle effectue une thèse intitulée « About Self-Production of Platinum Papers for Brown Tones ».

    • En septembre 1910, de retour à Seattle elle ouvre sans complexe un studio de portrait, qui rencontre un vif succès, lui permettant de réaliser des œuvres personnelles et de poursuivre ses recherches pictorialistes, pleines d’allégories et nimbées de poésie brumeuse, qu’elle peut exposer. Sa reconnaissance est telle qu’elle effectue une exposition personnelle en 1914, au « Brooklyn Institute of Arts and Sciences ». L’influence stylistique des Photo-Sécessionnistes transparaît dans ses premières photographies, ses images pictorialistes sont à la hauteur de celles publiées dans la revue d' Alfred Stieglitz, « Camera Work », consacrée à la photo-sécession.

    • En 1913, elle publie un manifeste féministe « Photography as a Profession for Women. » ou elle défend la photographie comme un art et une profession où les hommes et femmes ont les mêmes droits. En 1915, elle épouse Roi Partridge, un graveur. En 1916, sa publication de « The Bather » dans « The Town Crier » soulève à Seattle un scandale qu’il l'amène à retirer ses négatifs de la circulation pendant plus de 50 ans. En effet, Cunningham présente le corps de manière directe et provocante, consciente du choc que cela peut provoquer.

    • Après la naissance de son premier fils, en 1917 elle part à San Francisco et donne naissance à des jumeaux, sa vie familiale avec ses trois enfants, ralentisse sa création photographique, qui se réduit à son jardin.

    • En 1920, son mari embauché au « Mills College », rencontre Maynard Dixon, Johan Hagemeyer, Dorothea Lange et Edward Weston qu’il présente à Imogen. En 1921, la photographe réalise sa première série de portraits commerciaux sur le Ballet Adolph Bolm. 1921 constitue pour elle, une année charnière, elle affine sa vision de la nature, rapproche sa prise de vue et tente de mettre en relief les formes et les détails.

    • Entre 1923 et 1925, elle réalise des études de magnolias de plus en plus simplifiées pour puiser au fond de l’objet sa propre épure, une recherche de mise en évidence de la forme à l’intérieur de celle-ci.

    • Pour l'exposition « Film und Foto » de 1929 à Stuttgart, Richard Neutra demande à Edward Weston, une sélection d'artistes de la côte ouest, le photographe très rapidement lui conseille Imogen Cunningham, dont Weston dit à son propos « C’est une véritable photographe, d’une rare finesse ». Poussée par des études anatomiques qui paraissent dans « Film und Foto » et « Photo-eye », Imogen se consacre à la forme humaine, en photographiant les éléments du corps de ses connaissances, débutant ses séries de nus. En 1931 elle devient la photographe officielle d’une compagnie de danse. En décembre de la même année sont publiés pour la première fois dans le magazine Vanity Fair ses clichés de la danseuse Martha Graham.

    • En 1932, partageant la même idéologie avec les « Photographes de la Baie de San Francisco », Willard Van Dyke, Ansel Adams, Edward Weston, ils fondent ensemble le Groupe f/64, nom désignant la plus petite ouverture possible sur un appareil grand format, une plus grande profondeur de champs obtenant davantage de détails, la photographie pure et non manipulée, en utilisant toutes les possibilités techniques de l’appareil. Cunningham et Weston sont reconnus internationalement, mais devant l’antithèse de Weston, elle ne veut pas rester sur ses acquis, et continue ses expérimentations.

    • En 1934, Vanity Fair dirigé par Edward Steichen lui propose un travail à New York, contre l’avis de son mari, elle accepte cette mission, ils divorcent peu de temps après. Elle travaille un temps avec Dorothea Lange, réalisant ses premières photos documentaires, en photographiant la rue avec ses anonymes, les passants oubliés, les clochards. C’est le début de ses « photos volées » qu'elle prend tout au long de sa carrière, des portraits expressifs et humanistes, marquant son refus de s’immiscer dans la vie privée des personnes, d’interpréter ou de les juger. Dans la même période elle s’intéresse également aux sujets industriels et architecturaux, inspirée par la photographie de Margaret Bourke-White. Et débute parallèlement la photographie couleur.

    • Pendant les années de guerre, elle s’établit à Berkeley, puis en 1947 retourne à San Francisco, vivant modestement, dans un petit appartement ou elle installe un studio. A la « California School of Fine Arts » où Ansel Adams dirige le département de photographie. Elle y enseigne jusqu’en 1950, c’est là qu’elle fait la connaissance de la photographe new-yorkaise, Lisette Model, avec qui elle se lie d’amitié. Grâce à Lisa elle rencontre Helen Gee, galeriste d’art qui lui donne la possibilité d'effectuer une exposition personnelle en 1956.

    • En mars 1960, elle s'embarque pour l’Europe pour célébrer une importante rétrospective de son œuvre organisée par la George Eastman House. Elle cherche à rencontrer les photographes August Sander et Paul Strand. A Paris fait la connaissance de Man Ray, qui est à l'époque considéré comme le plus grand photographe expérimental, et est immédiatement attirée par son travail en chambre noire et les manipulations qu’il exécute. Elle débute des clichés similaires à des prises doubles à partir de négatifs superposés comme dans ses images de nus recontextualisé.

    • Au début des années 1970, elle effectue une demande une bourse à la fondation Guggenheim afin de financer les tirages d’anciens négatifs qu’elle a retrouvé lors d’un inventaire de son œuvre, après l'obtention de la bourse, elle publie une monographie. Le 14 février 1975 elle crée sa propre fondation, la « Fondation Imogen Cunningham » dans le but de gérer, promouvoir et commercialiser son travail photographique

    • Dans la dernière série qu'elle effectue, « After Ninety », elle provoque, lance un défi face la mort, en photographiant la beauté du passé dans des visages chiffonnés par l’âge de ses anciennes connaissances représentant un hymne à sa longue vie.


Cunningham est une figure de proue de la photographie américaine du 20eme siècle, une pionnière de l’aventure de la photo, avec une œuvre vaste et diversifiée, elle aborde dans son travail, tous les thèmes, le nu, la rue, la nature, les fleurs, le portrait, la photographie documentaire, l’architecture, la guerre, la vie et la mort. Elle ne s’arrête jamais, ses expérimentations sont très présentes dans son travail, les images doubles sans manipulation, sur une même pellicule ou soit par surimposition de deux négatifs, allant jusqu'à s’intéresser toujours aux nouvelles techniques photographiques, comme celui du procédé Polaroïd, qu'elle partage avec son compatriote, Walker Evans.

Sa carrière s’étend sur plus de 70 ans, appareil photo en bandoulière, et sourire aux lèvres. Pour chaque décennie, elle adapte son art aux attentes et aux défis de celles-ci.

« Je ne parle pas de succès. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Attendez au moins que je sois morte pour vous en rendre compte. » Imogen Cunningham

En 1920, de retour à ses activités, elle s’intéresse particulièrement à son environnement naturel qu’elle représente à travers des compositions florales, des études sur les formes et les détails, annonçant une vision résolument moderne dans la photographe, elle parvient à réduire la nature, les structures de leurs formes les plus simples, laissant les approches de ses débuts pictorialistes pour développer une photographie pure.

Passionnée par la culture allemande, elle dévore les publications allemandes qui durant la fin des années 1920 contiennent des photos de botanique, notamment celles d’Albert Renger-Patzsch. Elle devient une amatrice de ce milieu de la botanique, en attribuant elle même, des noms scientifiques à ses clichés. Les magnolias, les baies d’aloe et les cactus de son jardin, deviennent sa principale source d’inspiration. Ses photographies de fleurs qu'elle réalise, aux milles visages, influencent par la suite celles qu’effectue Robert Mapplethorpe en studio.

Ses photos sont avant tout, franches et toujours aux portes du rêve, un vertige d’ombre et de lumière, elle connait tout de la substance des choses, des mille reflets de la lumière, lorsqu’elle photographie c’est toujours un hymne à la vie.

« Quelle photo je préfère de celles que j’ai prises ? Celle que je vais faire demain. » Imogen Cunningham

First Magnolia, circa 1923

Callas, circa 1925

Calla with Leaf, circa 1929

Nu enceinte, Happy Valley, 1946