Arthur Weegee (1899-1968) photographe américain, né Usher Fellig à Złoczów, issu d'une famille juive austro-hongroise. En 1910, la famille au complet, sa mère et ses trois frères, rejoignent leur père rabbin Bernard Fellig, qui a immigré aux États-Unis peu après sa naissance. À son arrivée à Ellis Island, son nom est changé en Arthur, ils s'installent et vivent dans quartier juif new-yorkais du Lower East Side.

  • En 1914, il quitte l’école afin de subvenir aux besoins financiers de la famille, il cumule de petits boulots, en tant que vendeur de voitures, violoniste dans les salles de films muets, employé dans une confiserie. Après le travail, de retour chez lui, il se fait prendre en photo dans la rue par un photographe ambulant, une rencontre qui lui donne ce jour là l'envie de devenir photographe et d'en faire son métier, adepte de la ferrotypie, il achète un appareil photographique d’occasion et commence à réaliser ses premiers clichés, des images d'enfants en habits du dimanche qu'il vend aux familles.

  • En 1917, par son refus du judaïsme intransigeant prôné par son père, il quitte le foyer familial, époque ou il connaît une période de vagabondage, se réfugie dans les gares, afin de pouvoir y trouver un endroit chaud où dormir.

  • En 1918, après maintes tentatives, il obtient un emploi au sein du studio photographique Ducket & Adler, travail qui lui permet de passer son temps dans le laboratoire et d'apprendre les techniques du tirage.

  • En 1923, à 24 ans, il est embauché par l’agence ACME Newspictures, en qualité d' employé de laboratoire, agence dont l'activité est de constituer un stock de photographies pour la presse quotidienne pour de nombreux États américains. Il effectue les développements des négatifs de photographes et en cas d’urgence, couvre lui-même les évènements urbains de New York. Les années suivantes, l'agence lui propose de devenir photographe à temps plein, mais rapidement, il n’apprécie guère que ses clichés ne soient pas crédité de son nom, que ses images deviennent la propriété de l'agence. Ne supportant pas de ne pas être l'unique propriétaire de ses œuvres, lors de ses reportages, il met en place un technique, emportant une machine à écrire dans le coffre de sa Chevrolet pour signer immédiatement ses photographies. Il installe dans sa voiture une radio branchée sur les fréquences de la police pour être prévenu immédiatement , en temps réel lorsqu'un drame vient de se dérouler.

  • En 1930, il fait l'acquisition d'un nouvel appareil, un Speed Graphic 4 x 5 avec flash.

  • En 1935, il s’installe en tant que photographe indépendant en travaillant pour la presse américaine qui lui réclame plus qu’une simple démarche documentaire, il est chargé de rendre compte de la réalité de la société américaine, au plus près des évènements, aussi bien les plus médiatiques que les plus prosaïques. Ses travaux photographiques dévoilent les multiples aspects de la vie américaine en rapportant des images de différents lieux et milieux culturels, celle de vie nocturne, des réunion politique, des milieux populaires. Son terrain privilégié reste la ville de New York, il parcoure tout les endroits, les cabarets, les restaurants, et couvre les incidents sordides ou tragiques comme les crimes, les accidents, les noyades et les incendies. Sa vision photographique consiste à dévoiler tout ce qui se passe au quotidien dans une ville de dix millions d’habitants, dans laquelle les gens vivent en complète solitude.

  • En 1941, il effectue sa première exposition, organisée par la Photo League et intitulée « Murder is my Business ».

  • En 1943, le musée d'Art Moderne de New York lui achète des photographies et l'expose.

  • En 1945, il publie son premier ouvrage, « Naked City », puis un second en 1946 nommé, « Weegee's People ».

  • A partir de 1947, il s'éloigne du monde du crime pour embrasser celui de la mode, collaborant au sein des magazines, « Life » et « Vogue ». Il s'installe à Hollywood et s’intéresse de plus en plus au cinéma, réalise des films en 16 mm, collabore en tant qu'acteur et conseiller technique sur des longs métrages policiers à Hollywood, jusqu'à apparaître au générique du film de Stanley Kubrick, « Docteur Folamour ».

  • Dans les années 1960, il voyage à travers l’Europe et expérimente différents formats, teste le panoramiques, s'essaie aux distorsions en effectuant des portraits de célébrités et d'hommes politiques déformés, réalise des photographies de nu, qui paraissent dans le « Daily Mirror ». Bien plus tard Andy Warhol, déclare avoir été influencé par son travail réalisé au cours des années 1930.

Celui que l'on surnomme « Weegee the Famous » est le premier et l'unique photographe à avoir le privilège d’être branché sur la radio de la police, un dispositif lui permet d’arriver en même temps que les policiers, parfois même avant, sur les lieux de crimes, d’accidents, d’incendies ou de suicides.

Ses flashs crépitant rendent compte immédiatement des scènes où les traces laissées ne sont pas encore nettoyées et que le travail des policiers n'a qu'à peine débuté, le sang s’écoule sur la chaussée, les armes du crime jonchent le sol, la fumée envahit l’atmosphère des rues, les volants sont dans les mains des accidentés, les chaussures encore sous les roues, des chocs émotionnels qu'il imprime avec rapidité.

Pour 5 dollars l’épreuve, il passe ses nuits dans sa voiture, une Chevrolet Chevy Coupe, minutieusement étudié, son coffre abritant un laboratoire avec de nombreux appareils photographiques préchargés en plaques, ainsi qu’un stock d’ampoules de flash et une machine à écrire pour signer ses photos. Il dort n’importe où pour être réactif aux évènements en étant habillé de vêtements amples comportant des poches à fermeture éclair afin d' avoir l’essentiel avec lui et d’éviter d’égarer ses équipements. Dans un premier temps, il commence ses sorties nocturnes vers minuit en se rendant au commissariat de Manhattan. Il attend que les nouvelles tombent sur les transcripteurs de la police, puis se rend sur les lieux des évènements à photographier, condamné par cette méthode à arriver toujours trop tard, il équipe dans sa voiture une radio portative à ondes courtes et une carte de presse afin de mettre à profit ses relations avec les policiers et gagner en autonomie. Il considère sa voiture et tout ce qui compose son matériel professionnel comme ses « ailes ».

Il utilise le plus souvent d'un Speed Graphic 4x5 avec une ouverture à f/16, à 1/200e de seconde et une focale à 10 pouces, de 25 centimètres et utilise aussi un Rolleicord.

Il est considéré comme le créateur du style tabloïd, en inventant une nouvelle façon d'associer les textes aux clichés, marquant l'imaginaire de nombreux reporter et réalisateurs du 20eme siècle.

Sa démarche est pour lui une manière de travailler avec une grande liberté, il termine sa nuit en développant ses plaques, puis se rend aux différentes rédactions des journaux avant six heures du matin, afin que ses tirages soient dans les premières éditions, ses images sont publiés dans de nombreux magazines de l'époque, le « Herald Tribune », « The Daily Mirror », « New York Daily News », « Life », « Vogue » et « Sun ».

Il ne croit qu’en l’instantané et à l’enregistrement des scènes dramatiques de la vie quotidienne, il participe de la naissance d’un photojournalisme qui se donne pour objectif d’être au plus près de la réalité. Alors que d'autres photographes sont subventionnés par des programmes nationaux visant à recenser visuellement les conditions de vie des Américains, il privilégie une autonomie qui lui laisse le choix de choisir ses propres sujets photographiques, recevant un fort écho médiatique auprès des rédactions de la presse. Près de cinq mille reportages, régulièrement publiés dans la presse quotidienne à sensation, ont en commun un style direct, des images fortes et brutales révélant un autre visage de l'Amérique, celui des bas-fonds, de la détresse urbaine, et de la violence derrière le mythe américain.

« Pour prendre des photos d'actualité, il est certain qu'il ne faut pas être une oie blanche. » Arthur Weegee

Il photographie aussi bien les victimes, les coupables, les policiers, les témoins et passants, recréant ainsi une fresque autour de scènes quotidiennes émaillant le caractère lissé du rêve américain, la lecture de son œuvre n’est pas à contre-courant des travaux photographiques de l’époque, mais il sait aussi se prendre d’affection pour les déshérités et les clochards s’aménageant des refuges de misère et vivant dans des taudis, il aime à dire qu’il n’a aucune inhibition, pas plus que son appareil.

Ses images évoquent celles des nouveaux photographes de la police scientifique, elles sont réalisées à la fois pour constater et servir de pièces à conviction. Ses représentions de violence et de mort sont à l'époque une véritable révolution dans le domaine photographique.

« La nouvelle photographie vous apprend à penser vite. » Arthur Weegee