Edward Steichen (1879-1973) photographe et peintre américain né à Bivange au Luxembourg. Sa famille émigre et s'installe aux Etats-Unis, dans le Michigan, alors qu'il n'a que 3 ans. Steichen au collège de Pio Nono, encouragé par sa mère, se passionnera pour le dessin. Son père travaille dans une mine de cuivre. Il quittera l’école en 1894 et étudiera les Beaux art auprès de Richard Lorenz et Robert Schade à la « Milwaukee Art Students’ League » jusqu’en 1898. Il apprendra le métier de lithographe à « l’American Fine Art Company ». Tout en débutant en peinture, à l’âge de 16 ans, il commence à photographier la campagne environnante et son entourage qui trouvent le jeune garçon très doué. Il se distingue déjà par ses compositions d'ambiance, son utilisation poétique de la lumière, son goût pour le clair-obscur romantique. Parallèlement à la peinture, la photographie sera sa passion et son avenir.

    • En 1900 il prend la nationalité américaine et commence une série consacrée aux « Grands Hommes ». La même année ses photos le font remarquer lors de l'exposition « The New School of American Photography » à Londres.

    • En 1902, le photographe quitte les États-Unis pour la France. Il s'installe à Paris et rencontre un grand nom de la sculpture : Auguste Rodin. Non sans connaître son œuvre qu'il a découverte dans une bibliothèque aux Etats-Unis, il éprouve un vif intérêt pour le sculpteur. Celui-ci lui ouvre les portes de son atelier où le jeune photographe laissera libre cours à son imagination créative. Plusieurs photographies voient le jour dans l'atelier de Rodin et permettent à Steichen de donner une autre dimension à sa technique photographique : une dimension artistique et picturale. À l'aise dans le milieu culturel de l'époque, il photographie de nombreuses personnalités, tels Anatole France, Richard Strauss, ou encore Henri Matisse. Ayant rencontré une partie de l'élite artistique et intellectuelle française, il réalise sa première exposition personnelle à la Maison des Artistes à Paris, intitulé « Monsieur Eduard J.Steichen » elle se compose de peintures et de photographies. Il changera quelques temps après son prénom en Edward, avec un « w » à la place « u ».

    • De retour à New York, il rentrera en contact avec Alfred Stieglitz, adhèrera au mouvement pictorialiste et travaillera des techniques comme la gomme bichromatée. En 1905, il participe activement avec Alfred Stieglitz, à la création de « Photo-Secession » qui fait référence aux artistes en Allemagne et en Autriche qui marquent la rupture avec la tradition académique. Stieglitz et Steichen considère que la photographie est un art, contrairement à l’opinion en vigueur à cette époque. Ensemble, ils éditent la revue « Camera Work » dans laquelle les photos sont mises en valeur. Ils font découvrir aux Américains les artistes d'avant-garde de la photographie française. La même année, il crée sa propre galerie d'art à New York, « The Photo-Secession Galleries », ou « 291. » Steichen aura une influence considérable sur la photographie américaine du 19eme siècle comme photographe, « éminence grise » d'Alfred Stieglitz, chef de file de la photographie pictorialiste américaine.

    • Il repart en France en 1907 et assiste en à une démonstration des frères Lumière sur leur invention : le procédé autochrome. Il est l’un des premiers aux USA à expérimenter l’usage du procédé couleur de Louis Lumière et à le commercialiser.

    • Pendant la Première Guerre mondiale, il commande la division photographique des forces expéditionnaires américaines. Au niveau artistique, à partir de 1915, il réalise des compositions radicalement différentes et prône une photographie « pure », la « straight photography ». Engagé dans l'armée en 1917, il doit faire des photographies simples, réalistes et nettes. la France lui décernera la Légion d'Honneur. En 1918 il sera nommé directeur de la photographie aérienne des Forces alliées.

    • La guerre finie, il reprend ses activités commerciales. Dès 1919, il prend conscience du peu d'évolution artistique chez les pictorialistes, revient à la « straight photography » et abandonne les effets picturaux au profit de l'efficacité du clair-obscur, du cadrage serré. En 1921, il photographie Isadora Duncan la grande danseuse dans le Parthénon d’Athènes. Un an plus tard, il détruit sa production picturale et décide de quitter Voulangis, son lieu de résidence en France. Il réalise alors ses premiers clichés d'objets sous forme abstraite. Il évolue ensuite progressivement vers une nouvelle carrière, la photographie de mode. En 1923, l'éditeur américain « Condé Nast » le choisit pour devenir le photographe en chef des publications du groupe. Il travaille particulièrement pour « Vogue » et « Vanity Fair », se spécialisant dans le portrait et la mode ce qui va lui donner l’opportunité de photographier de nombreuses personnalités de l’époque telle Greta Garbo, Marlène Dietrich, Winston Churchill, Charlie Chaplin, Fred Astaire, Gloria Swanson… Avec une grande capacité à mettre en valeur ses sujets, il photographiera également de nombreux mannequins, vêtus des dernières créations à la mode. Les magazines de mode éditent ses œuvres photographiques. Son style élégant, raffiné, idéaliste et très contrasté, accroche l'œil de l'observateur et met particulièrement en valeur le vêtement. La photographie de l'actrice Greta Garbo, datant de 1928, parue en couverture du magazine LIFE le 10 janvier 1955, est considérée comme l'un des portraits inoubliables de l'actrice.

    • Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est directeur de l'Institut photographique naval (Naval Photographic Institute). Son film documentaire, « The Fighting Lady », remporte en 1945 l'Oscar du meilleur documentaire.

    • En 1947, il cesse ses recherches personnelles, et prend la direction du département photographique Museum of Modern Art de New York. Il y organise plus de 45 expositions dont la mondialement célèbre « The Family of Man ». Il lui faut trois ans pour préparer cette exposition qui ouvre en 1955. Il quitte le MoMA en 1962 et se consacre à sa biographie « A Life In Photography » qui parait en 1963.

« La photographie enregistre la gamme des sentiments inscrits sur le visage humain, la beauté de la terre et des cieux dont l’homme à hérité, la richesse et le désordre que l’homme a créés » Edward Steichen

Les photographies de Steichen, infiniment poétiques s’inscrivent dans la pure tradition pictorialiste. Il considérait qu’une photo devait évoquer un tableau pour pouvoir l’élever au rang de l’art.

Steichen est l’une des figures les plus électriques et originales de l’histoire de la photographie. Durant sa carrière il expérimentera des techniques et courants différents, faisant constamment évoluer son style mais influencera aussi les tendances de la photographie. Peintre et photographe, tirant lui-même ses photos avec le plus grand raffinement, photographe de mode, portraitiste reconnu, mais aussi reporter, directeur de galerie, conservateur de musée. Il s’est servi de son intelligence dans tout ce qui était nouveau et essentiel pour le monde de l’art et de la photographie du 20eme siècle. Tout au long de sa vie Steichen a condamné l’habitude et la routine.

Il a marqué l'histoire de la photographie en mêlant l'art pictural à la technique photographique. Il est aussi le premier photographe de mode « moderne ». Utilisant la lumière de façon poétique, ses compositions très élaborées le distinguent des autres photographes : autoportrait, architecture paysage, nu, portrait. Ses photographies ne sont que lumières théâtrales, épurées, avec des rendus spectaculaires. Il est l’un des premiers aux USA à avoir expérimenté l’usage du procédé couleur. Il s'était préparé à une carrière de peintre et estimait que le photographe était créateur.

En 1971 le Musée International de la Photographie à la Maison George Eastman (Rochester, NY) lui consacre une rétrospective.

The Family of Man : est une des plus grandes expositions photographique de tous les temps, elle est conçue dans les années 1950 par Edward Steichen alors directeur du MoMA, et son assistant Wayne Miller. Elle est inaugurée le 24 janvier 1955, au Musée d'art moderne de New York et réunit 503 photographies de 273 photographes, professionnels renommés comme Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Brassaï … mais aussi des amateurs et inconnus, en provenance de 68 pays. L'exposition parcourt ensuite le monde entier, s'arrêtant notamment en Allemagne, à Berlin dès 1955, au Japon, à Tokyo en 1956 mais aussi en Afrique du Sud, en Inde, au Mexique, en Australie, en Russie... Elle est vue par plus de 9 millions de visiteurs entre 1955 et 1964, date à laquelle La collection a été donnée par l’Etat américain au Grand-Duché de Luxembourg, pays natal d’ Edward Steichen, afin d’y être exposée de façon permanente.« The Family of Man » dresse un portrait de l'humanité, insistant sur les différences entre les hommes mais aussi leur appartenance à une même communauté. Elle s'organise autour de 37 thèmes, tels que l'amour, la foi en l'homme, la naissance, le travail, la famille, l'éducation, les enfants, la guerre et la paix. L'intention de Steichen était de montrer d'une part l'universalité de l'expérience humaine, mais aussi la formidable capacité de la photographie à rendre compte de cette expérience humaine universelle, « d’expliquer l’homme à l’homme par le langage universel de la photographie ».

The Pond-Moonlight : Lors d’une vente aux enchères en 2006 chez Sotheby's à New York, cette photo des débuts pictorialistesde Steichen, d’un clair de lune prise en 1904 a été vendue 2 439 845 €, un record à l'époque. Steichen a réalisé la photo à Mamaroneck près de la maison d'un de ses amis, le critique d'art, Charles Caffin. La photo représente une zone boisée et un étang : la lumière de la lune apparaît entre les arbres et se reflète dans l'étang. Bien que le premier procédé couleur, l'autochrome, n'apparaisse qu'en 1907, Steichen réussit à créer une impression colorée en utilisant des couches de gommes sensibles à la lumière qu'il applique à la main. En 1904, bien peu de photographes utilisent cette technique expérimentale. Seuls trois exemplaires de cette photo sont connus (deux sont dans des musées) et comme l'usage des gommes est manuel, chaque exemplaire est unique.

« Aucun photographe n'est aussi bon que le plus simple des appareils photo. » Edward Steichen

The Flatiron, New York, 1904

Gloria Swanson, 1924

Portrait de l’actrice Gloria Swanson derrière une voilette brodée qui tatoue son visage, les yeux grands ouverts, un regard de panthère postée dans les bois, prête à bondir, à sauter sur sa proie. La prise de vue dura très longtemps avec beaucoup de changement de vêtement et d’ajustement de la lumière, au bout d’un certain temps Steichen place une voilette noire sur le visage de Gloria qui de suite adopte l’idée. Le résultat est parfait, l'actrice est comme peinte par la main de Steichen, devenant une photographie majeure et incontournable de son travail. C'est plus qu'une voilette, c'est un écran parallèle à son objectif, un premier plan fait de dentelle qui laisse deviner le visage enturbanné de l'actrice. Cette trame mêlée de fleurs évoque la féminité et l'hommage rendu. La bouche et l'extrémité du nez se devinent. Le regard assombri par la densité du voile est comme dissimulé sous un « loup ». Pourtant, l'actrice regarde bien en face, son visage affleure la dentelle et des lignes plus claires étoilent son front. L'arrière plan flou et la substitution de la dentelle aux vêtements ajoutent de la profondeur et un mystère.

« Le jour où j’ai fait ces images, Gloria Swanson et moi avions eu une longue séance, avec de nombreux changements de costumes et d’éclairage. À la fin de la session, j’ai pris un voile de dentelle noire que j’ai suspendu devant son visage. Elle a tout de suite compris l’idée. Son regard aux yeux dilatés était celui d’un léopard se cachant derrière des buissons, fixant sa proie. Vous n’avez rien à expliquer à une personnalité aussi dynamique et intelligente que Miss Swanson. Son esprit est vif et intuitif. » Edward Steichen

The Maypole, Empire State Building, New York,1932