Josef Koudelka (1938) photographe français d’origine tchèque, né à Boskovice en Moravie. Un ami de son père, un boulanger l’initie à la photographie très jeune, il commence à photographier sa famille et ses amis.

      • De 1956 à 1961, il poursuit des études à l’Université technique de Prague et devient ingénieur en aéronautique.

      • De 1961 à 1967, il travaille à l’aéroport de Prague, tout en photographiant le théâtre de la ville et les gitans au fin fond de la Tchécoslovaquie.

      • « J’ai travaillé 7 ans dans le domaine aéronautique. J’ai adoré les avions comme j’adore la photo. J’ai oublié une grande partie des choses apprises, mais j’ai conservé la méthode, un système de pensée, un équilibre qui se ressent dans mon travail. Je gérais alors 60 avions pour l’agriculture, 20 aérotaxis et quelques hélicoptères. Les pilotes étaient des passionnés comme moi, mais ils faisaient aussi cela pour de l’argent; j’appartenais à une société à laquelle je n’adhérais pas. Je voulais être un homme libre. » Josef Koudelka

      • En 1966, il publie un ouvrage sur le spectacle « Ubu Roi ». il fait la connaissance du photographe et critique, Jiri Jenicek qui l’encourage à exposer ses clichés.

      • En 1967, il démissionne de son emploi pour se consacrer entièrement à la photographie, collabore au théâtre « Za Branou » de Prague. La même année, il expose pour la première fois ses photographies sur les gitans au théâtre « Semafor » de Prague. Il rencontre Anna Fárová, critique d’art, qui devient son amie ainsi que sa collaboratrice, il voyage en Italie et continue de photographier les gitans en Roumanie.

      • En 1968, il photographie l'invasion des troupes du Pacte de Varsovie, mettant fin au Printemps de Prague, en août, dans les rues de la capitale tchèque, ses images sont publiées anonymement aux États-Unis. Il reçoit le prix Robert Capa sans que son nom soit mentionné, ses clichés sont uniquement signés avec les initiales P. P.,« Prague Photographies ».

      • « Je revenais juste d’un voyage en Roumanie où je photographiais les Roms, je suis allé dormir, et au beau milieu de la nuit, vers trois heures, le téléphone a sonné. C’était une de mes amies qui m’a dit : les Russes sont ici ! J’ai raccroché en pensant à une blague. Mais elle a rappelé trois fois et elle m’a dit d’ouvrir les fenêtres et d’écouter. Et là, j’ai entendu le bruit régulier des avions. J’ai compris qu’il se passait quelque chose, j’ai pris mes appareils photo et je suis sorti. » Josef Koudelka

      • Ses clichés passent en Occident, qu'il dissimule, sont un choc considérable ainsi qu’un événement mondial, son amie Anna Fárová les fait passer aux États-Unis, jusqu’à l’agence Magnum Photos.

      • En 1970, il choisit l’exil, quitte son pays et part se réfugier en Angleterre qui lui offre le droit d’asile et devient apatride. Il continue son travail photographique sur les Gitans et les diverses coutumes des pays d'Europe, toujours en quête d’instants de liberté.

      • En 1971 il rejoint l’agence Magnum Photos et en devient membre à part entière en 1974. Il se lie d’amitié avec Henri Cartier-Bresson ainsi que Robert Delpire.

      • En 1975, il réalise sa première exposition personnelle au « Musée d'art modern » de New York, puis au « Stedelijk Museum » d’Amsterdam et au « Palais de Tokyo » à Paris.

      • En 1978 il reçoit le prix Nadar pour son ouvrage « les Gitans ».

      • En 1980, il s’installe en France, en 1984, après la mort de son père resté en Tchécoslovaquie, il révèle son identité et signe ses photos de 1968 réalisées à Prague lors de l’intervention des troupes du pacte de Varsovie. La même année la « Hayward Gallery » de Londres lui consacre exposition d’importance, avec laquelle il sort définitivement de l’anonymat.

      • En 1986, il fait partie de la mission photographique de la DATAR afin d'illustrer le paysage urbain et rural de la France, pour cette mission il utilise un appareil panoramique unique.

      • En 1987, il est naturalisé français.

      • En 1990, après vingt ans d’exil, il retourne dans son pays natal, après la Révolution de velours, avec l’aide de sa grande amie de tojours, Anna Fárová, ses photos de 1968 sont publiées dans son pays d’origine. Il photographie en Europe de l’Est et surtout en Bohême du Nord.

      • En 1992, suite à une commande pour un ouvrage collectif, il se rend à Beyrouth et y photographie le centre-ville.

      • En 2012 il est invité aux rencontres d’Arles pour célébrer la suite de ses hommages aux gitans, intitulé « La fin du voyage ».


Exilé et nomade, il choisit de ne s’attacher à aucun endroit, ses premiers clichés témoignent d’une vie de bohème, menée en parallèle à sa vie d’ingénieur aéronautique, des images qui frappent par leur mystère, par leur manière unique de représenter les choses, créant la réalité plus qu’elles ne la représentent. Il ne décrit pas le monde tel qu’il est, mais tel qu’il le voit, le sent. La précision constante de son cadrage, l’extraordinaire qualité de ses images donnent au sujet toute sa valeur et tout son sens.

C’est au début des années 1960 qu’il entreprend un travail sur les Tziganes, qu’il rassemble plus tard dans un ouvrage intitulé « Gitans, la fin du voyage », ce projet lui ouvre les portes de la célébrité ainsi que celles de la reconnaissance dans le milieu de la photographie. Son gout pour la musique populaire le pousse à réaliser des images sur les tziganes, elles deviennent un thème musical récurrent tout au long de son œuvre, repris d’année en année.

Il ne se livre pas à une analyse ethnico-anthropologique, ni à un reportage classique, il capte tout simplement les signes d’une culture énigmatique et secrète, sans âge. Il voyage et se fond avec ce peuple qui l’accepte et le respecte, donnant une vision d’un monde ou les êtres vivants, humains ou animaux, conservent une grande part de mystère. Pendant ses années de voyages dans différents pays, il s’est intéressé aux conditions de la vie de l’homme. Il exprime à travers ses images aussi bien la vie quotidienne, la pauvreté, les jours de fête et le patrimoine culturel. Dans ses photos, portraits de gens vivant en marge de la société, la rigueur formelle rejoint la vision poétique, montrent une tension entre sensualité et réalisme cru, granuleux, socio-documentaire.

« Celui qui veut se souvenir ne doit pas rester au même endroit et attendre que les souvenirs viennent tout seuls jusqu'à lui ! Les souvenirs se sont dispersés dans le vaste monde et il faut voyager pour les retrouver et les faire sortir de leur abri ! » Josef Koudelka

Ses images célèbres sur l’invasion dans la nuit du 20 au 21 août 1968, par les troupes du Pacte de Varsovie, de la Tchécoslovaquie, restent à jamais gravées dans la mémoire du monde, comme la résistance d’un peuple face aux tanks. Elles sont plus fortes que tous les témoignages, car prises en urgence durant cette folle semaine dramatique. Il est averti par un intense bouche à oreille qui maintient en éveil tout un peuple, tenaillé par l’angoisse, il hallucine, et appuie frénétiquement sur son déclencheur, en étant partout présent au risque de sa vie, immortalisant à jamais tous ces visages dressés contre le totalitarisme, des drapeaux trempés de sang, des larmes, des peurs, des jeunes défiant la mort, des gens accablés, des soldats du pacte hébétés, partout des humains face à l’oppression.

« Je n’ai même pas réfléchi, à l’époque, la photo m’intéressait. Et il s’est passé quelque chose dans mon pays, c’était un pays dont j’étais le citoyen, pour moi, il était évident que je devais prendre des photos. » Josef Koudelka

Son travail reflète les déchirements, les révoltes et les tourmentes de son pays, des images où les individus semblent en décalage dans un monde inquiétant qu’ils subissent plus qu’ils ne maîtrisent.

Il a l’ouïe absolue, une vision absolue, est un visionnaire absolu, il voit, il dépeint la réalité par son objectif avec une maîtrise absolue. Il fuit, il glisse dans le temps et hors du temps, il voyage au travers de l’humanité, toujours en route vers les visages. Par son aspect lunaire, toujours en partance, toujours nomade, toujours ailleurs et hanté par la ville de Prague et le peuple gitan, qui semble avoir un exil perpétuel

Sa roulotte c’est son appareil photo, il est le pèlerin de l’invisible, de la fusion de l’image avec le sensible, cherchant en permanence la fervente humanité, celle des réprouvés, la beauté nue des paysages déserts, il va, il marche, il photographie sans cesse avec comme but d’être nulle part et partout, là où le hasard et son intuition l’appellent, afin de saisir le monde.

« La seule chose qui m’intéresse, c’est de faire des photos, continuer et ne pas me répéter. Aller plus loin et essayer de voir où sont mes limites. » Josef Koudelka

Moravie, 1966

Roumanie, 1968

Invasion de Prague, aout 1968

Invasion de Prague, aout 1968

Parc de Sceaux, 1987