Bernard Plossu (1945) photographe français, né à Đà Lạt, au sud du Viêt Nam. De 1951 à 1962, Bernard Plossu étudiera à Paris et commencera très tôt à pratiquer la photographie.En 1958 à 13 ans, il parcourra le Sahara avec son père, muni d’un Kodak Brownie Flash, puis en 1965, partira pour le Mexique dans le cadre d’une expédition britannique pour photographier la jungle du Chiapas. S’ensuivent de nombreux reportages en couleurs chez les indiens Mayas, en Californie, dans l’Ouest américain, le Nevada, le Middle West. En 1968, il vivra à San Francisco et rencontrera Allen Ginsberg et de Joan Baez. En 1970, il réalisera un travail sur l’Inde, où naîtra l’idée d'une photographie « surbanaliste », qui, à l'instar du surréalisme mais de manière moins romantique, révèle une intensité immanente à la banalité.
Plossu continuera à voyager énormément, réalisant de nombreux reportages couleurs, en 1975, il effectuera son premier voyage au Niger, c’est à partir de ce moment qu’il ne fera plus que des photos en noir et blanc, prises avec une focale de 50 mm pour se placer en marge de la photographie commerciale. En 1974 il se lie d’amitié avec le photographe Claude Nori participant avec lui un an plus tard à l'aventure de « Contrejour » né des nouvelles tendances de l'après 68, à la fois journal trimestriel, maison d'édition et galerie à Montparnasse qui deviendra rapidement le lieu de rencontre et de diffusion de la nouvelle photographie. « Contrejour » publiera la plupart des premiers livres d'auteurs photographes comme Guy le Querrec, Arnaud Claass, Denis Roche, Pierre et Gilles, Sebastiao Salgado, Jeanloup Sieff, Gilles Peress, Luigi Ghirri ainsi que les humanistes, Robert Doisneau, Edouard Boubat, Willy Ronis et Sabine Weiss. Il les retrouvera aussi à la fondation des « Cahiers de la Photographie » avec Gilles Mora et Jean-Claude Lemagny.
En 1978 naissance de son premier fils Shane, qu’il photographiera très régulièrement. En 1983, il commence à peindre et à travailler avec l’agence « Fotowest ». Son deuxième fils, Joaquim, naît en 1986 et sa fille, Manuela, en 1988. En 1987, grâce à l'institut français de Naples, Plossu effectuera un séjour photographique dans l'île Stromboli (Îles Éoliennes). L'année suivante, il s'installera dans l'île Lipari avec Françoise Nunez, rejoint par la suite par d'autres photographes. À partir de cette date il commencera les longues randonnées solitaires à pied, pendant quinze ans. Il peut autant se reconnaître dans les villes de Paris, de Londres, que dans la Haute-Provence, la belle ville d’Hyères, Marseille dévisagée en bus, la Bretagne entrevue, le Jura sur les traces de Courbet.
En 2012, une exposition consacrée à son voyage au Mexique de 1965, sera présentée au musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, avec plus de 200 clichés. Plossu dira que ce voyage lui a permis de trouver son style, de forger sa vision. Ses instantanés relèvent plus des photographies personnelles, des souvenirs de voyage, souvent sans légende, prises au gré de son errance, sans chercher à dénoncer ou à montrer quelque chose. Il vit actuellement en France à la Ciotat près de Marseille au milieu des chantiers navals qui sont partis en rouille, mais où la mer est revenue sur la pointe des pieds. Et avec sa fidèle Françoise Nuñez, elle-même photographe de talent, ils scrutent ensemble le ciel et leurs négatifs.
Bernard Plossu est voyageur. Voyageur-migrateur comme il se nomme. Voyageur dans les vastes contrées de la terre, voyageur dans la poésie des mots. Il est devant nos portes, réalise des images, simples, immenses, il est l'homme des échappées vers la beauté, vers la connaissance des autres, l'abandon aux choses, aux fleuves de la vie. Il semble marcher sur le plafond de la brume, sur les crêtes des averses, sur le dos des nuages. Jamais il ne semble s’attarder, juste le temps de dérober tendrement des fragments d’éternité. Il y a du pèlerin en lui. Jamais il ne s’attarde sur le futile, il ne s’attarde qu’en nous, sur les chemins de traverse mais par le plus court celui qui prend la direction de l'émotion.
Il n’est pas non plus l’exclusif photographe en noir et blanc qui a su dompter ombres et lumières mais il fait parti des grands maitres qui savent le faire. Dès 1965 il faisait de la photo en couleur au Mexique et poursuit encore dans cette voie en évitant les couleurs agressives et voulant que chaque tirage soit unique. Puis abandonne en 1970, totalement la couleur pour se consacrer au noir et blanc et grâce à un maître du tirage couleur, Michel Fresson, il y reviendra sachant qu’il pourra rendre ce qu’il désire. Le style que Plossu a développé dans son œuvre ne se copie pas, il s’engage et ne reproduit pas avec ce don rare qu’il a de la poésie et cette chose il le possède.
Pour Plossu la lumière demeure le noir et blanc, « Lumière, en photographie, c’est le noir et blanc, le gris » dira le photographe. Il est tiraillé entre le fragile et l’éternel. Ses images en sont l’exutoire. Ce solitaire qui marche, reste en marge des horizons pollués par le commerce. Photographier pour lui n’est qu’un moyen de jeter ancrage parmi les hommes. Il conçoit la lumière comme une caresse qui passe furtivement, il la modèle, embrumée, déjà évanescente et prête à nous quitter. Bernard Plossu sait d’où vient la lumière, ses photographies sont des rencontres dû au hasard, qui lui permettent d’aller plus loin. Il traduit une œuvre et refuse de simplement rendre une représentation. Son appareil photo n’est pas un piano accordé, mais un simple appareil ordinaire qui ne triche jamais. Il est l’archétype de l’authenticité, de l’indépendance et de l’intégrité.
Il dépouille le réel jusqu'à ce qu’il devienne une douce aquarelle. Ce ne sont plus des photos, mais déjà des souvenirs du passé, des souvenirs en allés. Le paysage semble alors fragile, instable, sur le point de se dissoudre et les images de Bernard Plossu sont la dernière douane avant l’oubli. Son imaginaire de photographe le pousse vers le décalage d’un monde qui tend vers l’invisible.
Pour restituer ainsi tous ces moments apparemment sans importance, ces petits bruits de la vie, Bernard Plossu se veut toujours en éveil, disponible aux éléments simples et évidents qui croisent sa vie. Aux aguets des perceptions, à l’affût de routes, de visages, d’espace, comme un martin-pêcheur il attend l’instant, pas pour l’anecdote ou le sensationnel, mais pour ce moment unique et fragile, où une respiration du monde a pu être captée.
« La photographie, c’est une disponibilité au hasard, et le hasard ne vous arrive pas par miracle, le hasard… on a le hasard presque qu’on mérite, au bout de pas mal de temps d’aller partout, il vous arrive des choses, et c’est pour ça que j’aime bien dire qu’on ne prend pas de photos, mais que les photos vous prennent » Bernard Plossu
En marge de la photographie commerciale, il laisse la lumière tendre de la poésie prendre possession de ses images. Il aura marché et marché à pied, que chaque photo est devenue un acte initiatique, une méditation.
Il est un itinérant, un lecteur de mots et d’images, qui quand l’appel du vaste monde sonne à sa porte, reprend son baluchon, son simple appareil et s’en va à nouveau tracer les hasards des émotions. Il ne sait vivre et respirer qu’en empathie et simplicité avec les battements de cœur du monde, voulant en restituer un peu de ses odeurs, de ses bruits, de ses invisibles, de ses indicibles.
La photographie de Bernard Plossu est une longue marche silencieuse, une douce déambulation dans la poésie des instants. Ses images sont patientes, souvenirs un instant enclos d’impressions discrètes, tendresse translucide. Que ce soit en noir et blanc ou en couleurs grâce, ses clichés sont des éclats de couleur, il va toujours plus en avant que la réalité observée, en inventant une réalité ressentie, des rêves.
« Une bonne photographie, c’est une photo qu’on ne doit pas conditionner à l’avance. » Bernard Plossu
« La photo, c’est du cubisme en mouvement. »
Café, Montparnasse, Paris, 1978
Paris, 1988