Seydou KeÏta (1921-2001) photographe malien, né à Bamako, fils d’un menuisier, il est le premier de cinq enfant, ne va pas à l'école et suit les pas de son père en tant qu’apprenti.


Seydou Keïta, autodidacte, porte un regard d'Africain sur les Africains, il est considéré comme le « père » de la photographie africaine.

Il invente un nouveau style dans l’art du portrait, sur des fonds bigarrés, ses clients posent toujours avec un accessoire, véritable attribut les situant dans la société africaine. Portrait entre désir de modernité et respect des traditions, il reprend à son compte les codes classiques du portrait, accessoire, décor et pose se conjuguent harmonieusement aux règles de convenance de la représentation de la société malienne.

Il produit des images avec des attitudes souples et fermes, des mains obligatoirement présentes y compris dans les portraits de buste et le teint de peau toujours doux, sont les éléments qui caractérisent normes de la représentation pour Keïta.

Il porte une importance au fond, avec des tentures africaines, de wax ou de batik, les vêtements traditionnels et les bijoux pour les femmes s’opposent aux accessoires, signes d’un statut social occidentalisé et d’une représentation émancipée.

Ses portraits sont exemptes de toute forme de tricherie, d’excentricité et d’illusion sensorielle, ce qui leur donne un caractère objectif et une dimension intemporelle.

« La technique de la photo est simple, mais ce qui faisait la différence, c’est que je savais trouver la bonne position, je ne me trompais jamais. Le visage à peine tourné, le regard vraiment important, l’emplacement des mains, j’étais capable d’embellir quelqu’un. A la fin, la photo était très belle. C’est à cause de ça que je dis que c’est de l’Art. » Seydou Keïta

Dans son studio, à Bamako-Coura, un quartier très animé où tout le monde se pressent pour se faire photographier, il effectue des portraits à deux, à trois, frères et sœurs, amis, parents et enfants, enfants seuls, avec un bébé. Quelquefois on sourit mais souvent on a l'air sérieux car on n'a pas l'habitude et on est intimidé.

« Il y avait beaucoup d'animation autour de mon studio, il y avait tout le temps du monde, c'était un lieu de rendez-vous et de palabre, je travaillais tout le temps. » Seydou Keïta

Ses mises en scène avec des accessoires, marquent une modernité réelle ou rêvée, il cherche en permanence à embellir ses sujets, à les montrer sous leur meilleur jour, il ne cesse de travailler les poses, les mettant de trois quarts, déplaçant une main, posant un bras sur le dossier d'une chaise, installant les filles par terre, leur robe déployée autour d'elle en corolle.

Il constituent avec ses nombreux portraits, un témoignage de la société malienne de la fin des années 1940 à 1977. Intuitivement il invente ou réinvente l’art du portrait à travers la recherche d’une précision extrême. Une grâce, une élégance transparaît de toutes ses images. Sa maîtrise de la lumière, du sujet, du cadrage ramène à l’essentiel. Tout ce qui figure dans ses images, participe à la beauté naturelle. Inventif et très moderne il s’inscrit dans la lignée des grands portraitistes comme Richard Avedon. A l’époque du multiculturalisme, son travail prend tout naturellement place dans l’histoire mondiale de la photographie.

« J'ai tellement aimé la photographie. » Seydou Keita

Deux Jeunes Femmes, Bamako, 1949

Dans son petit studio de Bamako, Seydou Keïta dresse le portrait de deux maliennes, vêtues de robes que l'on nomme dyakaase, terme dérivé de la ville de Dakar, capitale du Sénégal, pays limitrophe, autour de leur cou, elles portent des rosettes en or ainsi que des colliers de perles, plus qu'une simple photographie dans laquelle on peut se contenter d'admirer le portrait en surface, c'est aussi une multitude d'éléments qu'il cherche à valoriser.

Visage de Bamako, 203 Peugeot, 1954

Velosolex, Bamako, 1954

Visage de Bamako, 1956

Une jeune femme africaine pose avec un poste radio cadré au premier plan, occupant un bon quart de l’image, lui donnant une importance de ce qui est rare au Mali, son coude et son bras repose sur le bois de la radio, sur un fond décoratif bien élaboré à l'avance, une toile ornée de motifs végétaux. La femme est couverte de bijoux qui ornent ses oreilles, ses poignets et son cou, vêtue d'une robe à volant et à gros pois découvrant une nuque habillée d’un collier avec un pendentif d’un buste vu de profil. Le cadrage de Keïta est légèrement désaxé, augmentant la dynamique de l’image et la vitalité du portrait, c’est une femme rayonnante qu’il cherche à restituer.