Nadar (1820-1910) photographe français, né Gaspard-Félix Tournachon à Paris, d’un père d'origine lyonnaise, imprimeur et éditeur de tendance libérale. À la mort de son père, il rejoint sa mère et s'inscrit à l'école de médecine de Lyon qu’il abandonne assez rapidement. Afin de soutenir sa famille, il exerce le journalisme en écrivant des critiques théâtrales dans la presse locale avant de rejoindre Paris où il effectue divers travaux dans de « petites feuilles ». Puis il fonde le journal « L'Audience », tout en fréquentant durant les années 1840 la bohème parisienne et la jeunesse artistique de l’époque, Charles Baudelaire, Henri Murger, Théodore de Banville, Gérard de Nerval. 


Pionnier de la photographie et de son développement, cheveux roux, moustache touffue, extraverti, créatif et curieux, il a tout du parisien bohème, aux idées progressistes, il est journaliste, caricaturiste, homme de lettres et peintre, jusqu'à ce qu’il découvre la photographie y apportant un grand bol d’air frais, il est très tôt intéressé par ce métier de photographe qui date de 1840 avec la daguerréotype, procédé qui consiste à l'emploi de feuilles d'argent pur plaquées sur cuivre, polies, sensibilisées par la vapeur d'iode, après une pose variable, révélé par de la vapeur de mercure et fixé par une solution d'hyposulfite de soude, cette technique a l'avantage de donner immédiatement une image positive.

A partir de 1854, il invite à tour de rôle dans son studio de la rue Saint Lazare, son cercle d’amis qui compte les plus grands noms de la culture de l’époque. Il aménage son atelier comme un jardin, bannissant l’appuie-tête et autres instruments de torture dont on se sert pour les portraits, il y installe sa lumière tout en faisant aimablement la conversation jusqu’au fatidique « Ne bougez plus », moment précis ou il immortalise une attitude naturelle et révélatrice. Il rencontre un énorme succès, le tout Paris se presse dans son studio, il réalise des portraits d’une sensibilité humaine qui en font de véritables chefs d’œuvre de l’histoire de la photographie. Mais très vite ennuyé par la mode des portraits carte de visite, l’obligeant à travailler de manière rébarbative, il se tourner vers d’autres horizons. Infatigable expérimentateur, il monte dans une montgolfière et réalise la première photo aérienne de l’histoire, il descend dans les égouts de Paris et avec une lumière artificielle et des temps de poses de plus de 18 minutes, en faisant découvrir les sous sols de la capitale.

Le portrait de cette époque, avec une technique maîtrisée et des travaux de qualité, les prix évoluent à la baisse, de nombreux studios ouvrent et les personnalités, les élites du monde des arts, des lettres, de la politique, du théâtre et même de l'Église n'hésitent pas à « se faire tirer le portrait », lui photographie simplement, sans accessoire inutile, à la lumière naturelle des hautes verrières souvent réfléchies sur de grands panneaux mobiles. Les poses très classiques valent surtout par la grande qualité dans le choix des expressions qui révèlent parfaitement la personnalité de ses modèles et prouvent qu'il est fin connaisseur de ses contemporains et qu’il sait créer avec eux une grande complicité. Durant cette période, où le portrait s’industrialise dans un académisme convenu, Nadar supprime les accessoires picturaux, les décors conventionnels et refuse la retouche, au profit de l’expression vraie et de cet instant de compréhension, il se met en contact direct avec le modèle, le résume, le guide vers ses idées et son caractère.

Dans son atelier parisien il développe son propre style, en rupture complète avec les habitudes de l’époque, en imposant un style dépouillé destiné à capter et révéler la personnalité de son sujet, dans ses photographies transparait l’exigence d’une révélation de l’intériorité de l’être. Il fait du portrait photographique un genre esthétique, contribuant à donner à cet art ses lettres de noblesse. Il se concentre sur le visage, souhaite traduire ce qu'il appelle, « la ressemblance intime », des portraits d'une force exceptionnelle et souvent très émouvants.

« La photographie est à la portée du premier des imbéciles, elle s’apprend en une heure. Ce qui ne s’apprend pas, c’est le sentiment de la lumière, encore moins l’intelligence morale de votre sujet et la ressemblance intime. » Nadar

En dehors de ses portraits, il expérimente l'éclairage à la poudre de magnésium, plus facile à brûler qu’en bloc, inventant le Flash au Magnésium, un procédé complexe à mettre en œuvre, qui constitue à brûler de la poudre de magnésium, en s’avérant dangereux, le magnésium est inflammable et dégage énormément de fumée, le déclenchement du flash se fait manuellement, et parfois il arrive qu'il ne se produise pas au bon moment.

Nadar conscient de la portée de son invention dépose le brevet de photographie à la lumière artificielle en février 1861, en étant le premier à libèrer la photographie des contraintes imposées par la lumière naturelle en concevant ce procédé d’éclairage artificiel qui combine des lumières de différentes intensités.

« Je tentai de tamiser ma lumière en plaçant une glace dépolie entre l'objectif et le modèle, ce qui ne pouvait m'amener à grand chose, puis plus pratiquement je disposai des réflecteurs en coutil blanc, et enfin un double jeu de grands miroirs répercutant par intermittences le foyer lumineux sur les parties ombrées. J'arrivai ainsi à ramener mon temps de pose à la moyenne diurne et finalement je pus obtenir des clichés à rapidité égale et de valeur tout à fait équivalente à celle des clichés exécutés quotidiennement dans mon atelier. » extrait de l’ouvrage « Quand j‘étais photographe. » de Nadar

En son hommage « le prix Nadar » est créé en 1955 par Albert Plécy dans le cadre des Gens d'images, récompensant chaque année un ouvrage édité en France, consacré à la photographie ancienne et moderne.

« Je suis un téméraire qui cherche toujours un courant contre lequel nager. » Nadar

Nadar dans sa Nacelle, Paris, 1858 

(Illustration de Honoré Daumier)

Sarah Bernhardt, vers 1860

La divine Sarah Bernhardt a la jeunesse de la photographie, est fascinée par ce nouveau médium et sait l’utiliser pour promouvoir sa carrière et assurer sa notoriété. En 1864, âgée de 20 ans avec tout juste 2 ans de pratique de scène, elle se fait portraiturer par Nadar qui met en scène sa photographie, le tissu lourd et clair de la cape, jeté sur les épaules laissant voir en grande partie celle de gauche et le haut du buste, les cheveux tirés en arrière, le fond est neutre, le tronc de colonne disparait derrière la pose, le regard transfiguré se perd au loin, aucun bijou, simplement le drapé qui ceint les épaules et souligne une forme pyramidale de l’ensemble de la composition. Conjugué au contraste très net entre les ombres et les lumières, le choix des zones de netteté intensifie le caractère plastique de la photo. Nadar sait rendre tangible la beauté légendaire de l’actrice, ce qui ressort de sa photo, c’est la nature typique de Sarah, la confiance de soi, la fierté portée jusqu'à l’orgueil et la provocation.

Étude de Nu pour Jean Léon Gérôme, 1861

Le Neptune, Place Saint Pierre, Montmartre, Paris, 1870