Gordon Parks (1912-2006) photographe américain, né Gordon Roger Alexander Buchannan Parks, à Fort Scott dans l’état du Kansas. Il est le dernier d'une famille de quinze enfants et perd sa mère à l'âge de 16 ans. Il emménage dans le Minnesota, chez l'une de ses sœurs. Après avoir abandonné ses études secondaires, il exerce divers métiers, dont celui de pianiste, de garçon de café. En 1929, il est employé aux « Gentlemen’s Club de Minneapolis », où il profite de l’accès à la bibliothèque pour parfaire sa culture littéraire.


Gordon Parks, photographe polyvalent, aime faire les choses bien, il s’intéresse aux guerres des gangs comme aux boulevards parisiens, aux modes extravagantes comme aux rues sales de Rio, à la politique, la pauvreté et surtout la ségrégation.

Harlem, il ne cesse d’y revenir, autant par la photographie que par le cinéma, confrontant l’Amérique à ses contradictions. L’appareil photo est mon arme de prédilection, dit-il, et à un militant des Black Panthers qui le prend à partie, il lui répond « tu portes un colt. 45 automatique, moi une focale de 35 millimètres, je suis convaincu que je possède l’arme la plus puissante ».

Pour son premier reportage dans « Life », Gordon Parks photographie les combats de rue et suit le jeune « Red Jackson », chef de gang à Harlem, aux cheveux roux, dont il pénètre l’intimité, le regard inquiet du garçon, les instants où il prend un peu de repos, allongé sur un lit entre deux murs pelés. Le reportage est publié en 1948, et couronné d’un succès phénoménal. Dans la foulée, on lui confie d'autres commandes, des photos de défilés, de mannequins, de personnalités publiques. Il est envoyé à New York, à Paris, puis à Stromboli pour rencontrer Ingrid Bergman sur le tournage du film du même nom. Sur l'une de ses photos, prise dans la rue, l'actrice détourne un peu le visage, les lèvres crispées, tandis que sur elle pèse le regard réprobateur de trois vieilles dames.

Il dresse de nombreux portraits, Giacometti dans son atelier à Paris, la main squelettique de l'une de ses statues pointée vers lui. Glenn Gould courbé sur son piano, les cheveux humides de sueur, ainsi que Marilyn Monroe, Miles Davis ou encore Malcolm X.

Il consacre à Mohamed Ali, un long reportage, tour à tour le boxeur fanfaronne devant la presse, s'abandonne à un masseur et prie avant un combat. Il se rend en Alabama, où sévit le Ku Klux Klan ou il réalise de nombreux clichés comme celui d’une gamine posant un regard d'envie sur des robes en vitrine d'un magasin, portées par des mannequins blancs, ou encore celui d’enfants faisant la queue à l'entrée d'un marchand de glaces, réservée aux « colored ».

Il retourne à Harlem afin de dénoncer la misère des Afro-Américains des grandes villes en suivant la famille Fontenelle, une mère épuisée avec ses enfants agrippés à elle. 

« Ce que je veux, ce que je suis, ce que vous m'obligez à être, c'est ce que vous êtes. Car je suis vous, et je vous dévisage dans le miroir de la misère et du désespoir, de la révolte et de la liberté. Regardez-moi et comprenez que me détruire, c'est vous détruire vous-même. » Gordon Parks

« L’appareil photo est mon arme de prédilection. » Gordon Parks

Ella Watson, Washington D.C, 1942

Tout jeune photographe, à 30 ans, il brûle de dénoncer la ségrégation sans trop savoir comment s'y prendre, lorsque Roy Stryker l'envoie rencontrer la femme de ménage d’un l'immeuble. Elle lui raconte sa vie, une vie pire que la sienne, le père d'Ella Watson avait été lynché, sa mère morte lorsqu'elle était enfant, et son mari abattu d'une balle alors qu'elle attendait leur fille. Gordon Parks la suit chez elle dans son quartier, sa maison. Ella longue et maigre, pose devant un drapeau américain, un balai dans une main, une serpillière dans l'autre, très droite, très digne, malgré une moue de fatigue et un regard qui se perd. L'image, est titrée «  American Gothic » en référence du tableau de l’artiste peintre Grant Wood.

Red Jackson, Harlem, New York, 1948

Mobile, Alabama, 1956