Bruno Barbey (1941) photographe français, né à Berrechid au Maroc ou il passe son enfance. En 1957 il obtient son brevet de pilote d'avion et pratique le parachutisme, l'année suivante, il étudie à Paris au lycée Henri-IV.

  • En 1960, il rentre à l'École des arts et métiers de Vevey en Suisse, ou il étudie la photographie et les arts graphiques.

  • En 1962, il débute un essai photographique sur les italiens, en s’efforçant de saisir à travers son objectif, l'esprit de la nation, il photographie tour à tour ragazzi, belles femmes, aristocrates, carabiniers, prêtres, mendiants, prostituées ou vieux mafieux, autant de personnages d’une moderne comedia dell’arte. Projet qui l'amène à rencontrer l'éditeur Robert Delpire qui publie son ouvrage en 1964, intitulé « Les italiens ». Dès lors il commence à voyager à travers le monde, à Naples, en Camargue, au Portugal, au Kenya, au Koweït et en Écosse pour le compte des Éditions Rencontre de Lausanne, publiant un ouvrage sur chacun de ses reportages.

  • En 1966, il intègre l'agence Magnum Photos et en 1968, en devient membre à part entière. La même année suite à la demande d'un reportage par la rédactrice en chef du magazine Vogue, Edmonde Charles Roux, il découvre le Brésil, devant y rester quinze jours, il y reste trois mois et utilise pour la première fois la couleur, s'équipant de la Kodachrome.

  • En 1967, il se rend au Biafra au début de la guerre de sécession avec le Nigeria et couvre en juin la guerre des 6 Jours opposant Israël à l'Égypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban.

  • En mai 1968, il photographie les révoltes ouvrières et étudiantes à Paris, couvre les évènements, les manifestations dans les rues parisiennes, les grèves dans les usines Renault, les affrontements dans le quartier latin, les réunions animées dans les amphithéâtres de la Sorbonne, la contre manifestation pro-gaulliste et une image de Georges Pompidou, rassuré après sa confirmation au poste de Premier ministre par le Général de Gaulle, puis il se rend au Japon pour couvrir celles de Tokyo.

  • En 1969 il parcoure la Jordanie et l'Inde. En 1970, il réalise avec Jean Genet un reportage sur les palestiniens publié dans le magazine « Zoom ».

  • En 1971 et 1972, il couvre la guerre du Vietnam, la bataille d'An Loc, photographies publiées dans le magazine Life, et parallèlement il amorce un travail sur le Maroc, pays de son enfance, avec le désir de sauver les traditions.

  • En 1973, il séjourne en Chine durant la Révolution culturelle, puis à Phnom Penh assiégée par les Khmers rouges, se rend en Syrie et en Israël pendant la guerre du Kippour. En 1974 il rentre clandestinement chez les Kurdes en Irak en passant par l'Iran et rencontre le leader kurde, le général Moustapha Barzani.

  • En 1975, il photographie la Marche verte effectuée du Maroc au Sahara occidental. En 1976, il séjourne de nouveau en Iran afin de préparer un ouvrage en collaboration avec le directeur général de l'Unesco, René Maheu.

  • De 1978 à 1979, il exerce le poste de vice-président pour Magnum Europe. A partir de 1979, il suit les événements en Pologne au tout début du mouvement Solidarność.

  • En 1980, il passe trois mois à Bombay, reportage aboutissant à la publication d'un ouvrage aux éditions Time and Life. En 1984, il publie un livre consacré au Gabon.

  • En 1991, il couvre la guerre du Golfe, photographie un Koweit dévasté par l'armée irakienne, puis suit les réfugiés kurdes en Irak et en Turquie.

  • De 1992 à 1995, il préside Magnum International, durant ces années, il multiplie les séjours au Maroc. En 1996, l'Institut du monde arabe de Paris, lui organise une exposition sur la ville de Fès.

  • En 1999, le Petit Palais à Paris, lui consacre une exposition regroupant ses clichés du Maroc, qu'il a effectué sur plus de de 30 ans.

  • En 2016, il est élu membre de l’Académie des beaux-arts de l'Institut de France, avec Sebastião Salgado et Jean Gaumy, suite à la création de deux nouveaux fauteuils dans la section de photographie. Il s'installe officiellement le 4 avril 2018, l'historien Jean-Noël Jeanneney, lui remettant son épée d'académicien.


Depuis près d’un demi-siècle, Bruno Barbey parcourt le monde et sait imprimer sa marque entre recherche artistique et témoignage au sein de l’agence Magnum. Il fuit le scoop, mais ne manque jamais un rendez-vous avec l’Histoire. Son œuvre est un travail de la juste distance, il embrasse les évènements avec humanité. Homme de rencontres, toujours ouvert à l’inconnu, ses photographies se font l’écho de ces rencontres et dessinent la trajectoire unique d’un photographe explorateur et poète, à travers un demi-siècle d’Histoire.

Face aux grands événements qui ont secoué la seconde moitié du 20ème siècle, il semble par instinct avoir toujours été là au bon moment et bien avant tout le monde.

Il suit et photographie le général de Gaulle en Pologne, immortalise le cinquantième anniversaire de la révolution soviétique à Moscou, fait les portraits de Gamal Abdel Nasser, du Shah d’Iran, de l’Imam Khomeini, de Salvador Allende, de Yasser Arafat, ou encore dernièrement de l’investiture de Barack Obama en janvier 2009. Il ne cesse de parcourir le monde de l’URSS à l’Afrique, des États Unis au Japon, de l’Asie à l’Amérique Latine. Il en rapporte une moisson d’images qui font l’objet de nombreuses publications, préfacées par les auteurs les plus illustres, Tahar Ben Jelloun, J.M.G Le Clézio, ou encore Jean Genet qui, à son retour de Palestine, accepte de rédiger un texte qui fait scandale sur ses photographies.

En fait il est là avant ou après, ni trop loin, ni trop près, il ne cherche pas l’exceptionnel et rien n’est plus éloigné de son éthique, que le coup si cher aux photojournalistes d’aujourd’hui. C’est en ce sens qu'il est novateur en traversant la deuxième moitié du siècle en parfaite osmose avec son évolution.

« Je suis surtout attiré par la beauté, par l’humanité, par le côté positif des choses. Je n’aime pas plonger dans les dimensions sordides de la réalité. Je préfère capturer une ombre fugitive sur une belle couleur plutôt que photographier une scène de guerre. Je refuse l’esthétique de la folie ou de l’horreur. » Bruno Barbey

Son travail contrairement au photographe Josef Koudelka qui lors des événements de Prague, s’attache aux visages, aux personnes, aux relations interpersonnelles, Bruno Barbey est un photographe de la liberté des corps, un photographe qui s’attache aux mouvements, aux relations dans une ville, dans la nuit, où il travaille au flash pour ne pas brusquer le réel, au contraire, il accompagne ce qui se passe, il accompagne la liberté des corps qui se trouve dans l'endroit en essayant d’inventer une autre histoire.

Au sein de l'agence Magnum, il amorce parallèlement à son travail d'auteur, une carrière de photo-journaliste qui le conduit à multiplier de courts séjours liés à l'actualité à travers le monde en vue de publications dans les magazines, Life, Paris Match, Stern et National Geographic, et de temps à autre, il séjourne plus longtemps dans un pays ou une région particulière pour en publier un livre.

Revenant toujours sur les lieux de ses premiers reportages, parfois dix ou quinze ans après, il saisit un monde en marche. Avec la discrétion et l’élégance qui le caractérisent, il sait se tenir à la bonne distance tout en gardant un juste regard, c’est en cela que son approche visuelle est éminemment contemporaine.

Dès 1966, il utilise pour la première fois un film couleur, la kodachrome, nouveau à l’époque et inhabituel, couleur qui a l’époque est mal reproduite dans les magazines qui préfèrent le noir et blanc, à l’exception d’Ernst Haas. Mais contrairement à une minorité de pionniers, comme Stephen Shore, William Eggleston, ou Joel Meyerowitz, tournés vers une exploitation systématique des possibilités esthétiques de ces nouveaux procédés, Bruno Barbey trouve au Brésil les fortes couleurs contrastées des rives méditerranéennes, s’emploie simplement à retranscrire le plus naturellement possible le réel, sans excès, ni enluminures, sa manière de voir la couleur devient une composante majeure dans son travail, n’étant pour lui aucunement un substitut pictural, mais une réalité photographique avec laquelle on doit désormais composer, couleur qui pour lui s'accorde à merveille pour sa terre natale, le Maroc.

Que ce soit dans le photojournalisme, dans l’utilisation de la couleur, ou dans l’approche photographique singulière qui le caractérise, il fait figure de précurseur.

« Il y a des rendez vous avec l’histoire que l'on ne peut pas manquer. » Bruno Barbey

Champs-Élysées, Mai 1968

Alentours du Tombeau de Ma El-AïNin, Tiznit, Maroc, 1987

Koweit, 1991

1991, première guerre télévisée et paradoxalement une guerre sans image, peu avant la fin du conflit, les journalistes et photographes comme Bruno Barbey, parviennent à rentrer dans le pays afin de témoigner de la vision apocalyptique. En février, les troupes irakiennes commencent à évacuer le Koweït, incendiant sur leur passage tous les puits de pétrole, il se trouve face à une terre noire, au loin un halo vert dans la nuit et dans un monde perdu, une jeep de l'armée américaine avance dans une espace désert, derrière les cinq soldats, les flammes d'un désastre environnemental et économique, et devant eux l'apocalypse, une terre désolée, abandonnée, enveloppée de fumée asphyxiantes.


Même si il ne se considère pas comme un photographe de guerre, il témoigne de ce flot d'une marée noire, dans la désolation de soixante mille tonnes de pétrole brut qui jaillissent des puits sabotés. Après le le conflit, il faudra plus de onze mois de travail pour éteindre les six cent cinquante puits en feu dans le gisement du Burgan, à quelques kilomètres au sud de Koweït City.