Leonard Freed (1929-2006) photographe américain, né à New York dans le quartier de Brooklyn. Issu d'une famille modeste, juive originaire d'Europe de l'Est, il effectue sa scolarité à New York, lycéen, épris d'une solitude, il est attiré par les musées, surtout celui de la fondation Guggenheim à Manhattan. Il se destine d'abord à la peinture, orienté vers des études en arts graphiques, il trouve à exercer ses talents dans une imprimerie, qui lui confie la réalisation d'emballages de luxe, et consacre une partie de ses loisirs à peindre.

  • En 1949, sans disposer d'un vrai métier à vingt ans, il décide de visiter l'Europe. Dans ses bagages, un appareil de petit format 35 mm, enregistre de temps à autre le souvenir du pays traversé, du Danemark à l'Italie, jusqu'en Afrique du Nord. Avec la découverte de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson et stimulé par la lecture du premier livre de Cartier « Images à la sauvette » de 1952, la photographie est de suite pour lui une totale révélation, il décide de s'équiper d'un appareil professionnel d'occasion afin de pouvoir en faire son métier, devenir un photographe de presse, moyen idéal pour lui d'associer voyage et photographie.

  • En 1954, de retour à New York, riche d'un premier dossier d'images personnelles, il parvient à présenter son travail à Edward Steichen, directeur du département photographique du MoMA, qui lui achète trois tirages, ce dernier le presse de rester photographe amateur. Parallèlement il obtient d'assister gratuitement aux cours d’Alex Brodovitch, directeur du magazine « Harper’s Bazaar » et débute la diffusion de ses clichés avec le bureau new-yorkais de Magnum Photos. Il commence à s'intéresser à la communauté juive de New York, réalisant son premier travail photographique.

  • En 1958, il s’installe à Amsterdam ou il photographie la communauté juive, publie en 1961 son ouvrage sur les juifs allemands, suivi quatre ans plus tard de « Made in Germany » sur l’Allemagne de l’après guerre.

  • En 1961, il devient photographe indépendant. Pour répondre aux commandes des magazines tels que Life, Look ou Stern, il parcoure la planète et produit un nombre considérable de reportages, en passant de l’Italie à la Turquie, de la Belgique à l’Allemagne, jusqu'au Japon.

  • En 1963, sa carrière prend son envol au cours du mouvement pour les droits civiques, après avoir vu un soldat noir américain posté devant le mur de Berlin, il se met à parcourir l'Amérique en compagnie de Martin Luther King, à l'occasion de ce voyage, il se fait le témoin permanent des combats de la communauté noire américaine, et donne naissance à un ouvrage majeur « Black In White America », un portrait sobre et frappant d'une Amérique à deux vitesses, empoisonnée par la ségrégation.

  • Il s’intéresse aussi bien aux noirs en Amérique du Nord qu’au conflit israélo-palestinien de 1967, à la guerre du Kippour en 1973 ou au service de police municipal de New York.

  • En 1967, Cornell Capa le sélectionne avec cinq autres photographes pour participer à son exposition « Concerned Photography ».

  • En 1970, il devient membre associé de l'agence Magnum Photos et membre à part entière en 1972. Il réalise et signe plusieurs reportages majeurs, sur la Pologne, sur l’immigration asiatique en Angleterre, sur l’industrie pétrolifère en mer du Nord ou encore sur l’Espagne du général Franco. En 1980, il publie « Police Work », décrivant le quotidien de la police New-yorkaise.


Freed est un photographe libre, doué d’une âme et d’une intelligence merveilleusement précise qui marquent chacune de ses photographies. Il sait prendre le pouls de la vie au travers d’une pose magnifique en noir et blanc. Il est le chroniqueur des joies et des tristesses, de l’humour et de l’amour.

Pour lui qui a grandi dans une famille ouvrière et juive originaire d'Europe de l'Est, la photo est une psychothérapie, c’est un moyen d’explorer dans le même temps les tensions de la société et ses propres racines. Il fait des portraits du Ku Klux Klan, travaille sur la société allemande, rend visite aux communautés hassidiques de New York et de Jérusalem ou encore rend compte de la brutalité policière.

Il a le goût pour les compositions géométriques élégantes ainsi que pour les contrastes tranchés. Deux traits qui caractérisent ses photos de rues dans les années 1950, une des plus célèbres, prise à Wall Street en 1956, sur la chaussée, passants, réverbères et immeubles semblent danser un ballet parfaitement synchronisé. Durant toute sa carrière, avec un choix de ses sujets qui est souvent lié à la discrimination, à l'antisémitisme et à la violence, il incarne la pratique du photoreportage d'auteur en noir et blanc, telle que la cultive l'agence Magnum.

« Fondamentalement, tous les projets que j’ai choisi, me permette de savoir qui je suis dans mon rapport avec les autres. Quand je photographie des Noirs ou des Allemands, ou des juifs, ou des artistes, j’essaie d’y voir plus clair dans ma relation avec eux. D’une certaine manière, toute mon œuvre concerne mon identité en rapport avec d’autres gens. C’est un processus dans lequel, à un moment donné, on a la réponse, et à partir de ce moment, on perçoit que tout devient redondant et qu’il n’a rien à faire de plus. A ce moment là le travail est terminé. » Leonard Freed

Dans ses reportages dans l'univers du mouvement religieux des Hassidim, il se présente comme un juif agnostique, ce monde il l’explore en profondeur, le souligne à plusieurs reprises dans ses ouvrages dont il signe le texte et commente abondamment ses images, dans la pure tradition du photojournalisme.

« Au lieu d'aller chez un psychiatre, je me soigne tout seul, avec un appareil photo. Mais, quand c'est fini, il y a toujours un nouveau problème qui me guette. Et l'un d'eux me tuera peut-être. » Leonard Freed

Vatican, Rome, Italie, 1958

Martin Luther King Jr, Baltimore, 31 octobre 1964