Martin Munkacsi (1896-1963) photographe hongrois, né à Kolozvar, issu d’un milieu modeste. A Budapest, jeune reporter, il travaille essentiellement comme photographe de sport, en s'imposant rapidement avec des reportages et photos d’événements sportifs. Son appareil en main, il est par hasard le témoin d’une rixe mortelle, réalisant des clichés de la scène de bagarre grâce auxquelles l’accusé est innocenté, s’étant trouvé au bon endroit au bon moment, il est de suite reconnu en tant que photographe.
En 1928, il s'installe à Berlin en 1928 et collabore avec l’hebdomadaire, le « Berliner Illustrierte Zeitung », avec le marché de la presse en plein essor, les journalistes entretiennent des contacts étroits avec la Hongrie, d'autres photographes le rejoignent, Laszlo Moholy-Nagy en 1928, et Robert Capa en 1931.
Pour le compte du Berliner Illustrirte Zeitung, il voyage en Turquie, en Sicile, en Égypte, se rend à Londres et à New York. En 1930, il effectue un reportage au Liberia, premier État indépendant du continent africain, réalisant l'une de ses images la plus célèbre, celle de trois enfants jouant sur les rives du lac Tanganyika, une vue de dos entre sable et embruns.
De retour à Berlin, il photographie les rues berlinoises, les passants, les échoppes, comme son cliché des bottes des « Troupes de l’armée en marche » à travers lequel il dévoile une atmosphère menaçante de la situation.
Le 21 mars 1933, lors de la « Journée de Potsdam », il réalise une série photographique, date historique à laquelle le vieux président Paul von Hindenburg confie le pays à Adolf Hitler. Le Berliner Illustrirte Zeitung dirigée par rédacteur en chef juifKurt Korff, sort une édition spéciale, à peine deux mois plus tard, la maison d’édition est sous le contrôle des nazis.
En 1934, il fuit le régime nazi et part pour New York, sur place il accepte le contrat que la rédactrice en chef du Harper's Bazaar, Carmel Snow, lui a déjà proposé un an plus tôt avec 100 000 dollars à la clé. Il révolutionne en faisant sortir les mannequins des studios et réalise la première série de nus qui paraît dans un magazine grand public.
Aux États-Unis il acquiert une notoriété fulgurante et devient l'un des grands photographes de l'époque. Il révolutionne la photographie de mode, fait courir ses modèles en tenues de bain le long de la plage, été comme hiver, son appareil met en avant, une cape flottante en un mouvement plein d’allant. Son travail donne une nouvelle image de la femme, indépendante, dynamique et occidentale.
Il publie de nombreuses images avec succès au sein du Life magazine et décroche le contrat le plus lucratif de sa carrière avec la revue « Ladies’ Home Journal » pour une série intitulée « How America lives ».
Il se consacre à tout les domaines, touche à tout, il effectue des portraits insolites des plus grandes stars hollywoodiennes, Jean Harlow, Katharine Hepburn, Leslie Howard, Jane Russell et Marlene Dietrich, s'immerge dans le milieu publicitaire, jusqu'à devenir caméraman sur des tournages de films.
Drôle de destin, pour l'un des plus grands photographes qui finit dans l'oubli et la misère, en 1963 lors d'un match de football il succombe à un infarctus.
Après sa disparition, les grands musées américains refusent la donation des archives Munkácsi. Ses clichés et négatifs sont dispersés à travers le monde entier, une grande partie de sa succession est perdue. Seules les archives « Ullstein » à Berlin et la collection « F.C. Gundlach » à Hambourg possèdent quelques une de ses photographie, provenant de ses phases de création hongroises, allemandes et américaines.
En 2007, « F.C Gundlach » organise une grande rétrospective en son honneur.
Il est l'un des plus illustres pionniers du photojournalisme moderne, photographe le mieux payé de son temps, les étapes de son succès se nomment Budapest, Berlin et New York. il photographie les sportifs et danseurs en action, sort la photographie de mode des studios et met le médium statique de la photographie en mouvement, il peut appuyer en une seconde tout en prenant le temps de toujours réfléchir. Il marque une césure et révolutionne le domaine de la photographique, là ou il y a statisme, à présent il y a mouvement, là ou il y a répétition de formules stéréotypées, c'est son appareil qui prend place avec invention et émotion.
Avec un nouveau regard et une grande modernité, il travaille au sein de l’innovant « Berliner Illustrirte Zeitung » des éditions Ullstein, qui tire à l'époque à plus d’un million d’exemplaires, fournissant à l’hebdomadaire des reportages fascinants et des brillants essais photographiques, avec une structure formelle qui sert encore de modèle de nos jours, il associe constamment l’exactitude journalistique et l'esthétique.
Il ne se considère pas comme un photographe spécialisé dans le sport et la mode, il est un homme à tout faire, photographiant à Berlin, aussi bien, des caves transformées en appartements pour pauvres que les nobles logements des célébrités. Fasciné par des prises aériennes, il réalise des images d'avions comme des icônes de la technique et voyage lui-même en zeppelin jusqu’en Amérique du Sud, toujours empreint de cadence et de dynamique.
Il apporte un air nouveau dans la photographie, le rêve d'un monde différent, fait de mouvement, d’intuition, de rapidité d'exécution. La mode, le sport, mais aussi des photos volées dans les rues de Berlin sont ses sujets de prédilection, puis enchaine avec des photographies ariennes, des expérimentations visuelles hardies et des images de ses nombreux voyages.
Sa photographie apporte une fraicheur du regard, une touche ironique mais jamais banale, il est rapide comme les temps modernes l'imposent avec ses portraits ainsi que les inventions photographiques qui sont sa signature. Il installe une atmosphère qui fascine et ravit, une façon d’être léger sans rien concéder à la superficialité, élégant sans jamais devenir emphatique.
Son appareil de prédilection qu'il utilise est une lourde chambre reflex mono-objectif « Adams Minex », en bois, de format 4 x 5, équipée d'un objectif Tessar.
Avec lui la photographie de mode se renouvelle, au point que le jeune Richard Avedon, à peine âgé de 11 ans, fasciné par le travail de l'artiste, tapisse les murs de sa chambre avec les images de Munkacsi découpées dans des magazines, qui par la suite s'en inspire pour la réalisation de ses clichés sur la mode.
« Il a apporté un vent de gaité, d’honnêteté, un amour des femmes dans ce qui était avant lui un univers triste et mensonger, aujourd'hui le monde de la mode est fait de ses héritiers. » Richard Avedon
« Réfléchis et appuie sur le bouton. » Martin Munkacsi
Garçons dans les Vagues du Lac Tanganyika, Liberia, 1931
En 1928, Martin Munkacsi s'installe à Berlin, sa vision rigoureuse devient un modèle dans le domaine photographique, il effectue de nombreux voyages pour l’hebdomadaire, le « Berliner Illustrierte Zeitung » , c'est de là, qu'il rapporte cette image, au Liberia, premier État indépendant du continent africain, de trois garçons nus vues de dos entre sable et embruns, qui jouent dans les vagues sur les rives du lac Tanganyika, des silhouettes noires qui se détachent de l'écume blanche ou se reflètent les rayons du soleil, créant au sein de son cliché, une parfaite géométrie.
« Pour moi cette photo a été la flamme qui a attisé mon engouement, j'ai soudain compris que la photographie, en capturant l'instant, pouvait prétendre à l'éternité. C'est la seule photo qui m'ai jamais influencé, il y a une telle intensité, une telle joie de vivre, un tel émerveillement qu'elle me fascine encore aujourd'hui. » Henri Cartier-Bresson
Marianne Winkelstern, Londres, 1933
A Londres, ce jour là, il effectue cette image, celle de la danseuse et actrice allemande, Marianne Winkelstern, qui parapluie à la main, saute sur le trottoir par une journée pluvieuse, une photographie dans laquelle le statisme n'existe plus, c'est le mouvement qui est à l'honneur.