A propos de l'exposition...

Manon Guillet, du visage au portrait.

"Émergence de l'être, le visage, témoin des vécus, du passage des âges, raconte le temps écoulé.

De la vie parcourue, un peu se trouve là, entre le lisse et la flétrissure.

Beaucoup demeure immergé, les histoires personnelles, passions, désillusions, espoirs et deuils.

Ce vivant enfoui, par ses portraits, Manon Guillet le creuse, le dépouille jusqu'à la pulsation primordiale, une mise à vif qui se révèle miroir.

Le beau pari de cette artiste, faire du portait d'un inconnu, un jumeau de cœur.

Aller de la représentation à la présentation fraternelle de l'autre, de la méconnaissance à la reconnaissance de sa part d'universelle beauté.

Ses portraits ne sont pas un simple arrêt sur visage, bonjour bonsoir, sitôt vus, sitôt oubliés. Ils sont témoins des rencontres émouvantes, des passés entre-croisés, des vies liées, lumières d'humanité."

Jean-Luc DIDIER (mars 2018)

La fillette. Les poules. Et l’espace incertain.

Manon, as-tu entendu les visiteurs ?

As-tu saisi leur regard à tes dessins ?

As-tu vu leur silence ?

Sais-tu qu’ils sont peu les artistes à être pareillement vécus ?

Sais-tu qu’ils sont peu les élus ?

Fluette et frêle, innocente tu dis tous les bons retours, tous les

éloges et cela te ravit.

Ne vois-tu pas le rapace jaloux, le pauvre qui se damnerait, l’idiot

qui salit tes encres en entrant ici comme dans une galerie

permise ?

La galerie est un sanctuaire !

Le sais-tu jeunette? bientôt dans les palaces te souviendras d’ici et

riras sûrement.

Mais c’est bien là que commence l’histoire :

Des petites gens qui ont dit, qui ont regardé et se sont tus devant

la fillette bleutée et ses deux poules autour ; sur une jambe, elle

hésite et semble faire un demi-tour, mais reste suspendue, les yeux

embrumés au lointain.

Son mouvement arrêté percute celui, ondulant et nerveux, des

gallinacées cocasses et curieuses qui ont perdu leur crête.

On les entend caqueter et quémander dans leur jargon, quelque

grain de maïs ou rogaton, mais la petite fille est bien loin et déjà le

temps la guette au coin. C’est une femme certaine, cheveux courts

et tablier blanc qui s’est retournée maintenant.

Les encres se mélangent, les marines se noient.

La complémentaire orangée strie le contour des formes.

Tout est en équilibre !

Arrête maintenant !

Et tu le fais.

Et tu t’arrêtes là, à l’instant de déflagration, quand tout est dit de

la beauté du monde, dans son mystère lucide.

Dans ses hideuses grâces.

La cour de poulailler est un oracle peint.

Une photo du temps.

Un rayon de silence.

La fillette. Les poules. Et l’espace incertain.

Patricia Pinzuti Gintz (mars 2018)

Mayel, peinture à l’huile sur papier (65×45 cm) © Manon Guillet

Sans titre, pastel à l’huile sur papier (60 x 47 cm) © Manon Guillet