Nuvish

« Kif-kif ! »

dessins

Exposition du 10 févier au 13 mars 2022 du jeudi au dimanche de 15h à 19h

présence de l’artiste tous les samedis et dimanches


Serpente,20x30 ©Nuvish


Challapata,30x40 ©Nuvish


Méta 20x30 ©Nuvish


NuvishL’œil en friche

Sur les terres de la créativité, Nuvish cultive ses fleurs d’art aux racines populaires sans se soucier des vaines frontières entre culture noble ou triviale. Fleurs d’expression primitive en corolle d’imaginaire déployée face aux noires mutations du monde contemporain. Fleurs au suc d’essentiel dont les nervures graphiques obsédantes prolifèrent dans l’œil, contre les mauvaises pousses de la surconsommation et les stériles friches de l’industrialisation.

Jardinier de la curiosité

Difficile de réduire l’œuvre de Nuvish à une catégorie préétablie. Ce curieux autodidacte n’aime ni la convenance ni les étiquettes. Même s’il souligne la dimension populaire et accessible, parfois naïve ou enfantine de son style, Nuvish ne se reconnaît pas pleinement dans les acceptions communément admises d’art brut, populaire ou naïf. « Je préfère l’idée d’un art singulier, un peu spécial, qu’on ne peut pas mettre dans une famille ».

Avec une même liberté, l’artiste explore des sources très diverses : « Il y a eu d’abord les images dans les livres d’enfants. Ma mère faisait souvent des lectures et improvisations d’histoires. Cela m’a bien marqué. J’ai aussi regardé les dessins animés. C’était plus artisanal et diversifié qu’aujourd’hui où l’on sent le poids de l’industrie, où tout se ressemble, un peu à la japonaise. Puis il y a eu les comics américains et la bande dessinée, française ou européenne. J’ai découvert en même temps la peinture (grâce aux livres appartenant à mon frère) dans sa multiplicité, un peu au hasard, sans forcément chercher à me faire une éducation artistique ». Il cite ainsi : l’expressionnisme allemand, le surréalisme « pour les atmosphères et les décors vivants», Picasso enfin, dont les dessins ont quelque chose de « très marquant, de très visuel, une simplicité directe à recevoir ».

La force de Nuvish ? Un imaginaire déluré qui ne renie aucune de ces sources. Un parcours atypique fait de traversées entre l’univers du livre illustré et celui de la peinture. Depuis le lycée, où il réalise des livres auto édités, jusqu’à sa rencontre avec l’éditeur Pakito Bolino, Nuvish a publié nombreux recueils de dessins et créé des illustrations pour la presse. Les années 2000 sont celles d’une reconnaissance par l’institution. Déjà montré à la Halle Saint-Pierre, l’œuvre de Nuvish est aujourd’hui représentée par Arsenicgalerie.

Défricher la conscience

Dans les visions déjantées de Nuvish, où se mêlent quotidien et fantastique, êtres et machines hybrides, animaux et insectes étranges ou monstrueux, la Nature a plusieurs visages. Tantôt urbanisée, elle est contaminée par la prolifération de déchets, de plastiques, de machines et d’objets industriels. Tantôt plus onirique ou merveilleuse, la Nature se venge ou reprend ses droits : vision d’un homme supplicié en enfer par les mouches qu’il a tuées sa vie durant, scarabées roulant un bousier, lézard ou insectes divers symbolisant renouveau et cycle du vivant.

Ces images défrichent le regard des représentations aveuglantes qui masquent notre appréhension du monde.

« Il y eut un temps où je voulais exprimer des sentiments intérieurs, comme l’angoisse, le mal être, la violence. Maintenant je tourne plus la caméra vers l’extérieur. Je m’intéresse beaucoup à la Nature, dans ses relations avec l’homme et la société. La Nature est un révélateur. Elle est comme une feuille blanche où s’impriment les marques, les blessures causées par les mutations de la société industrielle. Beaucoup de choses pourraient être autrement : l’écologie en témoigne. Mais il y a une grande pression médiatique qui nie cette noire réalité. J’essaie de me défendre contre cette pression là, de faire contre feu. Par mon art, je souligne ce qui n’est pas trop dit ».

Amélie Adamo

(Article déjà partiellement publié dans Artension en 2012)


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