A propos de l'exposition...

Les sculptures et peintures de Sophie Avenier

Il subsiste encore dans des régions principalement agraires, des représentations faisant l’objet d’un culte. On ne les qualifiera pas de saints, mais plutôt de figures tutélaires. Ainsi en trouve-t-on en Provence, sculptées dans le grès blond du pays des Baux, dénommées santons.

Bien qu’on les invite aisément dans la crèche, aux côtés de la sainte triade, elles semblent plutôt être les vestiges d’un paganisme durement réprimé dés lors que le christianisme connut la fulgurante ascension que l’on sait. Ces patron(ne)s se bornent à accompagner l’humain dans ses activités les plus terre à terre : viticulture, médecine, peinture et bien d’autres encore. Ce qui suffit à les révérer.

Les statuettes que Sophie Avenier propose au regard me semblent ressortir de cette espèce.. Si l’on se bornait à l’origine étymologique, on pourrait les qualifier de monstres, à savoir configurations composites où une partie l’emporte anormalement sur les autres. On écartera bien sûr ce vocable, tant, loin de l’horreur, elles inspirent plutôt sympathie ou compassion. Ni madones, ni matrones, elles communiquent une sensation de fragilité liée à une franche robustesse.

Leur centre de gravité est un galet, de forme et de couleur diverses. En bref, un fragment d’éternité. Autour de ce noyau minéral s’agrège le reste du corps en terre cuite, agrémenté parfois de motifs végétaux. Si la face reste, à ce qu’il me paraît, à l’état d’ébauche, c’est qu’elle ne saurait résumer à elle seule la singularité de la personne. Ainsi, solidement ancrées dans le sol, semblent-elles échapper à la niaiserie des amatrices d’assomption et incarner une authentique présence au monde.

Parallèlement à cet ensemble, Sophie Avenier offre à voir une série de peintures, qui suscitent la même fascination troublante. Les œuvres ont pour support un simple papier mâché, sur lequel opèrent à l’évidence différents procédés de pigmentation. On peut, pour se réassurer évoquer des modes de représentation plus anciens : vitrail, émail, mandalas orientaux, voir même l’art plus enfantin du kaléidoscope.

Cette comparaison n’explique pourtant pas l’impression d’illumination que l’on éprouve au vu des tableaux. En ceci d’abord, que dans plusieurs des pratiques citées, on suppose l’action d’une source de lumière extérieure. Or ici, nous sommes confrontés à un effet d’irradiation, qui résulte de la simple distribution des teintes dans un espace fragmenté et cloisonné, obéissant à une géométrie peu orthodoxe. Tout comme si cela résultait de l’heureuse réunion de multiples fractures.

Une fois encore, on pourra user de nombreuses métaphores, tant célestes que terrestres. Pour ma part, je me rallierai aux secondes, discernant ici un somptueux parcellaire. Ou, pour parler comme un ancien Grec, "le diadème de l’Etre".

Laurent Henrichs - mai 2011