Sophie LUCHIER

moods

photographies

exposition du 24 octobre au 17 novembre du mercredi au dimanche de 15h à 19h

vernissage le jeudi 24 octobre à 18h

présence de l’artiste tous les samedis et dimanches

" Si tu ne passes pas à la couleur, tu n'es pas photographe... », cette phrase péremptoire prononcée lors de son apprentissage des techniques de la photographie argentique n'a pas infléchi le goût de Sophie Luchier pour le noir et blanc. Enfant, la naissance de l'image photographique, elle la vit par l'objectif de l'appareil de son père, un « mamiya » par lequel le format carré dès la prise de vue s'impose à son regard, tout comme le noir et blanc, clés pour accéder à une réalité autre. Le choix de la photographie argentique, la manière de capter l'image, la volonté de ne pas procéder à un recadrage ultérieur naissent là. Le format carré centre la vision, n'impose pas de sens de lecture, il offre une plongée dans l'image sans dispersion. Cette focalisation du regard, Sophie Luchier la renforce par une occupation partielle de la surface du papier de tirage, la photographie devient fenêtre, il faut aller voir, adapter le regard, se concentrer sur le sujet, entrer dans son intimité.

La photographie qui ouvre l'exposition, un homme dans un sous-bois, remémore un écho intérieur. Comme l'avait écrit Gaspard Friedrich pour le peintre, le photographe ne doit pas photographier « ce qu'il voit en face de lui, mais aussi ce qu'il voit en lui ». Sophie Luchier saisit l'atmosphère des sous-bois, révèle de la matérialité du végétal sa part onirique, ses valeurs de texture, ses bruissements.Elle met en relation plusieurs images en diptyques, en triptyques, ou plus, elle dévoile leurs correspondances, « moods » que l'on peut traduire par « les climats » en est la clé. Au végétal elle associe aussi des portraits, non d'inconnus mais de proches. Ce rapprochement ne raconte pas une histoire, mais suggère une conversation secrète, une luminosité commune. Pour en entendre les murmures, il faudra écouter, un comble pour des photographies, mais en elles existe un écho, un souvenir de vibration, un appel insensé de nature muette, un interstice entre clarté et obscurité, un dialogue entre le figé et le mouvant.

Les photographies de Sophie Luchier captent l'entrebâillement entre vie et disparition, à la lisière des ombres et de la lumière, sans anecdote, juste dans le frémissement, le silence. Ces photographies ouvrent des fenêtres dans l'informulé d'une page blanche, il ne reste qu'à s'accouder à la balustrade du visible, traverser l'apparence.

Jean-Luc Didier – août 2019

moods « états de l'âme »Un retour aux sources - au travers des forêts et sous-bois à proximité de l'élément liquide, primitifs - où sylphes et ondines, derrière des portraits amis, semblent comme appelés en mémoire pour une découverte sensuelle !

Derrière cette possible quête d'un temps figé, se profile une interrogation par l'Image sur le monde d'aujourd'hui et sa vision essentialiste ludique de la nature, sise aux portes de nos métropoles...

Dans le cadre carré de l'image argentique, elles deviennent peu à peu des espaces de souffle pour le « Je », lieux privilégiés d'un ressourcement indispensable après tant d'errances dans les « non-lieux » du quotidien urbain ! Mais ce Je est mis en mouvement vers le Nous par ces couples de genres qui se font face mis en regard entre eux comme avec d'authentiques lieux...

Plus qu'à une simple imitation de la nature ou à une tentative mystique de recherche de son éventuelle alchimie,

photographies droits réservés © Sophie Luchier

c'est plutôt à la confrontation en complémentarité - parfois parodique sur le mode Mitate - que nous invitent ces compositions de trois, quatre ou six photographies qui se forgent leur place dans ce cadre blanc mat. Ici, les éléments se combinent pour évoquer le vent ou la pluie mais aussi les moments de l'avant quant le silence de l'image se fait bruissement d'annonces...Si le bois est au cœur de l'oeuvre, c'est que l'auteur y cherche - par le biais de son image reproduite dans son carré rituel – l'âme même !!! Le parcours ici proposé est celui de la marche avec, au fur et à mesure du chemin sur lequel Sophie nous conduit et nous guide, la quête progressive de cette force vitale dans la confrontation de la femme et de l'homme avec les matériaux eux-mêmes, faisant ici de la pierre, une métonymie de la Montagne, des formes concentriques, une image moderne du labyrinthe mythologique comme une métaphore de la mappemonde projection de Mercator...

Philippe Vergain