Anne de BEAUFORT

Aléas

installation et peinture

du 9 octobre au 2 novembre 2013 du mercredi au samedi de 15h à 19h

le samedi 12 et le dimanche 13 octobre de 10h à 19h pour les Journées Art Contemporain

vernissage le jeudi 10 octobre à 18h

présence de l'artiste les 12, 13 et 19 octobre, et le 2 novembre

Anne de Beaufort travaillant plutôt en collaboration avec d’autres artistes, et souvent à l’étranger, l’exposition à Alter-Art est une de ses rares expositions personnelles en France : c’est une occasion à ne pas manquer.

Anne de Beaufort a choisi comme point de départ l’Isère et l’histoire de la ville liée aux deux rivières qui fondent son site; la plasticienne présente donc une installation, des toiles, des livres d’artistes ainsi que des objets, le tout étant créé spécifiquement pour le lieu.

De sa formation de géographe urbaniste, elle a gardé le goût et le besoin de travailler sur les archives ; Fonds Dauphinois, Archives départementales ont été longuement consultés – en même temps l’artiste parcourait les paysages des rives et glanait les éléments issus des rivières : eau, sable, bois et racines, devenus les matériaux « premiers » des oeuvres qui sont présentées.

L’eau, tout d’abord ; mois après mois, des échantillons ont été prélevés au bord du Drac et de l’Isère pour imprégner les toiles ou les papiers. L’artiste y peint mouvement des eaux, mais aussi la rivière telle qu’elle l’imagine, les couleurs du flot... De plus la crue quinquennale de juin est venue fournir une eau bourbeuse, propice aux effets de suspension. Ce sont de petits bocaux qui en sont les dépositaires. Quelques filaments de racine y flottent, comme les objets soigneusement répertoriés d’un cabinet de curiosités.

Et puis le bois. Des bois flottés comme témoins d’un lieu imposent formes et coloris tirés de leur longue hibernation dans la rivière. Ils fournissent le socle d’une installation où Anne de Beaufort souhaite évoquer la rivière dans toute sa rage. Ce qui l’a particulièrement frappée dans les archives, c’est la violence des inondations à répétition – ainsi de l’inondation de 1219 suite à une rupture de barrage naturel qui causa d’innombrables victimes.

Enfin, l’élément régulièrement à la base du travail d’Anne de Beaufort est l’écriture : mots écrits de sa main, totalement ou en partie, mots écrits en tous sens, mots souvent illisibles, dont on ne sait s’ils apparaissent ou disparaissent, marques du mouvement, lancés sur fond blanc. Des taches de sable noir ramassé sur les rives ponctuent parfois la toile, on pense au carborundum des graveurs, ou aux griffures de Cy Twombly.

Les signes manuscrits ancrent notre regard et nous invitent à l’approche. Chaque détail de la toile est le lieu d’une cartographie intime pour celui qui regarde, prétexte au voyage à l’intérieur d’un espace-temps ouvert comme un ciel d’été ou un portulan énigmatique. Chacun peut en suivre à sa guise les « aléas » , titre de l’exposition.

Aléas des signes dont on ne sait où ils vont nous mener, aléas de leurs variations, aléas des matériaux qui composent les œuvres, aléas de leurs alliances, aléas du temps qui peut provoquer des catastrophes, aléas des histoires individuelles et collectives des hommes.

Les œuvres dans leur transparence, dans la patiente superposition de couches extrêmement fines - l’artiste se méfiant de toute saturation, de tout « effet » trop charmeur - sont une invitation à partager ce champ d’exploration, à rêver ce qui fonde l’histoire de Grenoble, ce qui en constitue les strates.

A la croisée des rivières et de leurs éléments vitaux, la poésie est au rendez-vous si l’on veut bien tendre l’oreille... et c’est à Gaston Bachelard que l’on pense en sortant de l’atelier de l’artiste :

« Devant l'eau profonde, tu choisis ta vision ; tu peux voir à ton gré le fond immobile ou le courant, la rive ou l'infini ; tu as le droit ambigu de voir et de ne pas voir ; tu as le droit de vivre avec le batelier ou de vivre avec « une race nouvelle de fées laborieuses, douées d'un goût parfait, magnifiques et minutieuses ». La fée des eaux, gardienne du mirage, tient tous les oiseaux du ciel dans sa main. Une flaque contient un univers. Un instant de rêve contient une âme entière. » L'eau et les rêves — Essai sur l'imagination de la matière (1942), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. Biblio Essais, 1993 p. 63

texte de présentation de JL Desmazières - septembre 2013

A propos de l'exposition