A propos de Christine COBLENTZ

Photographie "La bataille du dessin" 88x57 © Christine Coblentz

"Idée de nuage" 100x70 peinture © Christine Coblentz

Du désordre à l’ordre ou d’un ordre à l’autre

"Il faut toujours porter en soi du chaos pour enfanter une étoile dansante". Christine Coblentz ne contredirait pas Nietzsche, car il s’agit bien toujours pour l’artiste de partir d’un chaos, d’un désordre - chaos de formes ou d’émotions- qui peut se cristalliser dans une nouvelle configuration.

Par exemple, partir de poivrons qui en séchant se sont décomposés en une série de petits points, les placer sur un support de papier, les photographier et en faire un paysage ou une ligne d’horizon. La nouvelle forme naît en s’enfonçant dans le désordre, en s’y perdant pour jaillir de ce qui vient.

De l’éphémère au durable et inversement

Créer quelque chose à partir de points ou résoudre une forme en ses composants : tel est le jeu favori de Christiane Coblentz. En cela l’image du nuage peut servir de paradigme. Le spectacle du ciel offre à celui qui n’oublie pas de le contempler le miracle toujours recommencé de la formation de formes éphémères et de leur dissolution : la métamorphose s’effectue en une seconde et ensuite, plus rien. C’est ce tremblement de la forme et de l’informe, que l’artiste tente de donner à voir dans une œuvre durable faite en peinture à l’œuf. Il faut se battre avec la matière, non seulement trouver le bon mélange de pigment, d’eau, de vinaigre et de jaune d’œuf, multiplier les couches de peinture, mais il faut encore traquer les brillances, les transparences, les lumières pour donner à voir une masse immatérielle dès l’instant où venant de se constituer, elle est déjà en train de se défaire. C’est ainsi que ces nuages deviennent des Idées de nuage.

De l’émotion à l’émotion, du même au même

Dans cette exposition, il faut donc se laisser entraîner par l’artiste qui veut tirer le spectateur vers quelque chose qui est là dès le début, mais qui n’est pas perçu, pas pleinement achevé, et qui se résoudra seulement à la fin. Et qu’on ne parle pas de manipulation ou de parcours didactique, il s’agit seulement de la mise en scène d’un parcours. Si le spectateur "se fait avoir" tant mieux car, en art ne s’agit-il pas toujours de "se laisser faire"? Car le défi n’est-il pas toujours de stimuler le désir de l’autre en créant des ambiguïtés ou même des malentendus?

Eliane Burnet, Directrice du Département de Philosophie de l’Université de Savoie

Texte de présentation de l’exposition : Etats de choses 4 (2007).