Agnès JEANNOT

« Philomèle »

sculptures - techniques mixtes

Texte en écho par Elisabeth Chabuel

Exposition du 16 juin au 11 juillet 2021

du mercredi au dimanche de 15h à 19h

présence de l’artiste tous les samedis et dimanches

Lecture au jardin par Elisabeth Chabuel

les samedis 26 juin et 3 juillet à 19h (sur réservation par mail)





Tirer de l'oubli ce que la mémoire a laissé de sédiments au fonds de nous, mémoire plus ancienne que nos souvenirs, mémoires inassouvies, d'amour, de haine, d'enfance, d'animalité, de rêve.

Cela commence par une émotion, brute, informe, qui s'élabore façonnée par l’œuvre, conduite par une logique intérieure qui échappe, miroir de pulsions internes.

La vérité du corps ne peut se définir, survivance de nudités immatérielles.

Les textures de la matière m'ont guidée vers ces figurines, développement différent d'une même chimère. Elles sont le reflet de nos présences, indéfinies, irrésolues.

Agnès Jeannot


Au bout de sa jambe il y a comme des osselets

de petits osselets en guise de doigts de pied

et puis de la mousse et du lichens

et du tulle sur la cuisse

sans doute était-ce la nuit de son mariage

ou une autre de ces nuits qui ont suivi

elle se voyait dans son lit

et c'étaient les enfants

ceux qui arrivent les uns derrière les autres

sans qu'on ne les attende

ni ne les voie venir

un et puis tout de suite deux

puis trois

et la vie n'appartient plus à la femme

Élisabeth Chabuel



Malgré l'éphémère du vivant, il n'en demeure pas moins disséminés des vestiges, une mémoire primordiale. Agnès Jeannot creuse, fouille, recueille ce qui la constitue. L'artiste crée des matrices, formes féminines, sans tête, sans bras ni pied, juste dans l'évocation de la courbure immémoriale du corps.

Comme par réminiscence d'un rituel, elle les enveloppe de papiers superposés afin que cette matière malléable épouse leur forme. Puis elle dépouille ces matrices ne conservant que l'empreinte de leur relief, leur écorce, comme autant de mues originelles indifférenciées. La matérialité du corps disparue, l'artiste habille cette absence pour mieux l'habiter. Elle métamorphose ces chrysalides au moyen de branches, de pierres, de tarlatane, de métal, de papier calque, de coquillages. Cette énumération non exhaustive traduit un goût de la récolte dans le jardin de l'enfance, un goût de l'émerveillement à découvrir que chaque matière contient sa propre poétique.

Les figurines éclosent dans le bruissement des métamorphoses successives, dans le tréfonds de la texture des matières, juxtaposition, osmose ou contraste, peu importe. Ces figurines restituent les empreintes fossiles témoins de l'irréversibilité du temps. Elles se déploient comme autant de résurgences de l'enfoui, porteuses d'échos de vies elles nous guident aux confins d'une psyché d'avant la parole.

Elles nous disent, rien ne s'éteint, rien ne s'épuise, Tout est en suspens, là.

Jean-Luc Didier



Une nuée de mues


De poussières de caresses oubliées

d'éclats de tendresses ébouriffées

de lambeaux de solitudes assumées

de voiles de mariées chiffonnées

de déchirures éphémères

de fentes ravaudées

de lèvres rougies de baisers

de cocons d'amours perdus

d''ailes de papillons de nuits cauchemardées

de grincements de métaux griffés

de paillasses d'habitudes rouillées

de rouillures de cages enracinées

de plastiques de tendresse engluées

de duvets d'anges heureuses

Jours après jours jaillissant lentement d'une spirale explosive

transmutant le feu d'une éclisse de bois brisée en mémorial de terribles beautés

Yves Henri