L'apprentissage culturel introduit une hiérarchie de valeur des outils de créations. Leur choix ainsi que celui du support déterminent la place « sociale » de l'image créée, le pinceau et la toile sont généralement les plus valorisants. The Street Yéti fait fi de cet usage, de l'emprise de cette notion. Pour cette artiste, le fondamental est le tampon patate, le papier, sans exclure pour autant d'autres supports notamment le linoléum, les palettes de bois, ni d'autres outils d'expression, les gouges de gravure, les pochoirs.

L'artiste présente à Alter Art les étapes d'un processus de création d'images.

• Le tampon-patate ou l'émancipation
  Par son aspect grotesque le tampon-patate sape l'idéologie élitiste, ce matériau brut à portée de main sans enjeu mercantile, sans prétention, utilisé dans l'enfance, permet l'impression d'une forme simple qui sera multipliée sans tracé préalable.
  L'artiste choisit sa texture, veille à cette matière vivante qui demande attention et soin, ainsi qu'une adaptation constante à un principe de surprise. L'artiste est au cœur du rythme de la succession des empreintes, sans retouche ni reprise possible. Les empreintes sont le commencement, la première trace d'avant l'image. Du jeu des formes naîtra l'animal, l'homme ou l'homme-animal comme interprétation de signes primordiaux.
  Loin de son aspect dévalorisé le tampon-patate de The Street Yéti ouvre les possibles de l'art.

• La linogravure ou l'interprétation première
  L'artiste procède à une première interprétation de l'image unique obtenue grâce au tampon-patate, en procédant à une gravure du même sujet sur une plaque de linoléum. L'acte alors volontariste est tout autre, il s'agit de creuser, d'inciser, de buriner, de poinçonner.
  L'image née des reliefs et des creux pourra être multipliée en diverses teintes permettant à l'artiste de développer un récit de métamorphoses.

• Le pochoir ou l'interprétation seconde
  La découpe de pochoir est la troisième étape de l'image du sujet premier obtenu par le tampon-patate. Le pochoir permet de délimiter la forme, de donner vie à partir des contours de la découpe à l'ombre du sujet, une image révélée colorée de l'intérieur.

Les fondamentaux de la création de The Street Yéti sont une symbiose du geste et de l'outil dans la représentation d'une multiplicité d'images mêlant animalité, onirisme et mythe.

L'artiste éveille notre curiosité, notre imaginaire, pour que nous goûtions au plaisir renouvelé des rencontres avec des créatures puissantes peuplant Gaïa.

Jean-Luc Didier – mai 2021