A propos de l'exposition...

"La série d’œuvres que Gérard Parent a rassemblée sous le titre Éloge des sous-bois : encres et pigments est, à proprement parler, sidérante. En ceci d’abord, qu’elle nous oblige à nous délester du charabia théorique, dont nous usons souvent à loisir comme béquille, pour nous épargner l’affrontement à l’inconnu. Et tout aussi bien de références culturelles : ainsi, certaines séries d’ombelliformes peuvent bien évoquer des souvenirs sinisants, il n’empêche que l’artiste n’imite ni ne reproduit la longue et superbe tradition chinoise.

On éprouve quelque embarras à rendre compte de ces œuvres dans la mesure où l’on sait pertinemment qu’elles ont surgi d’une immersion physique dans la nature, de son observation minutieuse, suivie de relevés graphiques très précis.

Mais s’il faut risquer une idée, énonçons-la ainsi : Gérard Parent ne peint pas des objets naturels. Il s’attache à figurer des phénomènes, des événements saisissants, des apparitions sensibles, que certains ont dénommés épiphanies. La liste en serait trop longue à dresser , retenons seulement frémissement, évanescence, transparence, brasillement et scintillement.

Qui, enfant, a rodé et rampé dans les sous-bois, sait qu’ils ne figurent pas au rang des contrées les plus bienveillantes. On s’y griffe, s’y déchire les vêtements. La peau parfois s’écorche, en zigzagant parmi les ronciers ou autres épineux.

C’est le prix à payer pour être ébloui, aspiré par quelque clarté, laquelle ne s’immisce jamais qu’au travers d’enchevêtrements bizarrement tordus.

Rescapé de la broussaille, on se sent vaguement meurtri, honteux, mais heureux d’avoir assisté à cela, d’avoir entrevu le vide infini du ciel trouant le réseau des ramures.

Un tel parcours ne cessera de nous hanter, et même lorsqu’on aura renoncé aux déambulations puériles, on se demandera comment restituer ce qui, d’une manière indéfectible, s’est imprimé sur la rétine.

La réussite des œuvres de Gérard Parent tire sans doute son origine de la confiance qu’il place dans le risque, dans le part pris de l’aléatoire. L’encre est matière capricieuse, difficile à dompter. A l’instar de l’aquarelle, elle n’admet pas le repentir.

Si l’on se demande comment il parvient à évoquer cet état de fluidité cristalline, d’où arêtes vives et aspérités ne sont point absentes, on se dira, en faisant l’économie de considérations techniques, que la clef du succès gît probablement dans la croyance toujours renouvelée dans le possible, qui surgit au gré de l’aventure."

Laurent HENRICHS - mai 2011