Cécile BEAUPÈRE & Jean-Louis ROUX

Cécile et Jean-Louis sont dans de beaux draps...

peintures, dessins et photographies

du 11 juin au 6 juillet 2014 du mercredi au dimanche de 15h à 19h

vernissage le jeudi 12 juin à 18h

présence des artistes tous les samedis et dimanches

Gouache et huile sur toile, 170 x 200 cm © photo Stéphane Bertrand

photographie, tirage sur papier pur coton, 50x70 © Jean-Louis Roux

photographie, tirage sur papier pur coton, 70x100 © Jean-Louis Roux

Pour terminer sa cinquième année d'expositions, Alter-Art a le plaisir de vous proposer une exposition de peintures et dessins de Cécile BEAUPÈRE et de photographies de Jean-Louis ROUX. Cécile BEAUPÈRE est bien connue des Grenoblois, pour avoir été une artiste longtemps défendue par Le Bateau-Lavoir (de 1996 jusqu’à la fermeture de la galerie en 2005). Après une décennie lyonnaise, Cécile est de retour dans notre région ; elle a d’ailleurs déjà exposé brièvement l’an passé à Alter-Art (autour du livre d’artiste Louve). Journaliste, Jean-Louis ROUX est aussi bien connu des Grenoblois pour ses critiques littéraires et artistiques, en particulier dans Les Affiches, mais pas assez comme auteur et poète, et encore moins pour son travail de photographe qu'il ne montre que très rarement. Nous lui laissons bien sûr le soin de présenter lui-même cette exposition...

Ciel de lit et lit de fleuve

"Petit jeune homme, j’entendais l’océan battre, lorsque je refaisais mon lit. C’était en une époque où les draps étaient blancs et unis, présentant un écran vierge sur lequel projeter nos fantasmagories. J’ai vu des mers démontées dans mon lit défait, j’ai vu des marées basses dans mes draps tirés. Repoussant les couvertures loin devant, je voyais des coups de grain, des creux de vague et des paquets de houle. Le réveil était parfois brutal : il m’est arrivé de toucher terre contre la table de nuit… Ces draps-là, je crois bien, furent de ces facteurs déclenchants qui me conduisirent jadis à la poésie. Comme ils m’amènent aujourd’hui à la photographie.

Un de ces récents étés, j’ai cédé à un retour de fièvre adolescente. J’ai posé un trépied devant le lit défait et j’ai fait des photographies de notre literie. Cécile s’en est étonnée, s’est tue longtemps, puis m’a confié qu’étant enfant, elle se représentait des paysages, lorsqu’elle faisait juste dépasser ses yeux des draps bordés par les mains parentales. Elle distinguait des montagnes et des gorges, des déserts et des ravins, qu’elle animait de personnages imaginaires, en les projetant par la pensée sur le relief des draps. Bien au chaud dans la touffeur des couvertures, la petite fille bougeait insensiblement l’une ou l’autre jambe, afin de bouleverser la géologie du lit. Elle était la géante, qui donnait vie aux Lilliputiens.

Depuis lors, le temps a fait son œuvre, il est des illusions mortes, mais des rêves qui ont trouvé leur chemin. Les chemins, parfois même, se sont croisés : les rêves font désormais route commune. Draps de lin et bras de l’Autre… Nous traversons des continents, en sombrant côte à côte dans le sommeil. Nous en avons ramené des carnets de voyage et des albums de photographies, en nous offrant réciproquement les images de nos balades nocturnes et de nos géographies mentales.

C’est que nous en avons vu, du pays, en nous glissant sous la couette ! Nous avons pressenti des monts sublimes dans notre tas de draps… Nous avons survolé de vastes cordillères et des fjords étroits, des vallées et des crêtes, des cimes et des gouffres, des rivages et des plages. Nous avons franchi des traversins vastes comme de hauts plateaux, des collines aux courbes aussi moelleuses qu’un édredon. Nous avons discerné au loin — presque aussi loin que nos pieds — des flots battants, des lames hautes, des landes rases, des regs arides, des steppes froissées par la bise. Nous avons entendu le fracas de l’océan, le hurlement du vent, la volubilité du fleuve et le chuchotis des feuilles agitées à peine par la brise. Des draps, nous avons révéré le drapé…

La lune brille aussi timidement qu’une lampe de chevet. Nous l’avons décrochée, la lune ! en contemplant la lumière rasante sur notre couvre-lit. Qui n’a pas exploré des mondes, derrière ses volets clos."

J.-L. R. (Voiron, le 11 mai 2014)

A propos de l'exposition :