Rencontre avec MARIETTE

Le Vertige et le délire Made by Mariette

Certes l’art de Mariette est “singulier” – mais que veut dire ce mot ? Est à dire qu’on “colle” dans cette catégorie tous les artistes inclassables car hors “courants” reconnus dans les milieux culturels “autorisés” ?

De plus c’est une femme artiste... galère garantie ! Pourtant elle persiste depuis sa plus tendre enfance et construit jour après jour un univers unique.

Quand on demande à Mariette pourquoi elle a intitulé son exposition à Alter-Art “ Le vertige et le délire”, elle répond après quelques instants de réflexion : “ Mon délire provoque souvent le vertige chez le spectateur.” En effet la rencontre avec l’univers de Mariette, que nous avons découvert dans son “petit musée” de Saint Laurent du Pont, ne peut être neutre. Amoncellements, accumulations de figures religieuses, réécritures d’objets et d’espaces cultuels, autels peuplés d’oiseaux venus d’une autre nuit, totems, masques, poupées aux visages de sorcières, petites sculptures comme des orants... l’univers peut étouffer, d’autant que chacun de ces personnages, venus d’on ne sait où, nous regarde.

Mais, si l’on prend un peu le temps, on se rend compte que c’est une râpe à fromage qui constitue la base de la barque de l’exil – ou qu’un réfrigérateur fait office de monument aux morts de la grande guerre. Ainsi l’humour (sans aucune dérision) est-il toujours présent, et cette distance installe un espace complice entre l’œuvre et le spectateur.

Mariette utilise essentiellement des matériaux de récupération et colle, brode, peint, sculpte, taille... selon les facéties de son inspiration. Mais en fait l’artiste nous parle de sa vie : photographies détournées de sa famille, vêtements de son enfance ou appartenant à sa famille – chaque objet participe un peu de son histoire qu’elle réécrit pour nous en proposer une installation dans un cabinet de curiosités, sur un autel, sur une table de fêtes, dans une bibliothèque, sous les cloches de verre qu’utilisaient autrefois les pâtissiers etc etc etc...

Autofiction, donc. Et la seule interprétation peut être personnelle.

En ce qui me concerne, dans cet univers, je pense à Alice in Wonderland. Face à l’horrible Reine de Pique, Alice tire la langue... ainsi j’ai la sensation que l’artiste tente de conjurer le malheur et le mal qui nous habite, qu’elle appelle toutes les divinités protectrices autour de nous et qu’elle nous propose à la fois un miroir et un refuge – comme une grotte primitive où naissent les grotesques. Médée pleure ses enfants morts, le chaperon rouge se perd dans la forêt, Marie – dont ne sait si elle n’est pas Maïa, figure antique de la Mère– veille. Des angelots partout mais aucun angélisme... Comme le dit Mariette : “ Quand j’allume la télé, là, oui, j’ai peur !”.

Le monde qui nous entoure demande beaucoup d’attention et d’amour. Mariette tous les matins sculpte dans la terre cent visages qui viendront recouvrir les piliers et les murs de son “Musée”. Actuellement, elle colle des petits miroirs à la manière dont Niki de Saint Phalle a recouvert la main géante de son magicien dans son jardin des tarots. Elle dit son admiration pour ces femmes artistes – Niki, Annette Messager, Sophie Calle – et termine 700 poupées en mal d’enfantement ( 7 ans de travail). Rien ne peut l’arrêter.

A Alter-Art, elle installera un cabinet de curiosités : à qui prend le temps de regarder ces délires, le vertige est une belle danse !

Janine Lautier Desmazières

Photos : Pierre Desmazières