Zuo Hong NING 宁佐弘

Contexte… 背景 ……

œuvres sur papier 纸上作品

Reprise de l'exposition de Zuo Hong NING du 12 juin au 5 juillet

mais uniquement du vendredi au dimanche de 15h à 19h, en présence de l'artiste.


Série Aphasies (détail) © Ning


Série Paysages intérieurs, 65x50,5cm © Ning

"Il ne faut pas dire que le passé éclaire le présent ou le présent éclaire le passé. Une image, au contraire, est ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation."

Walter Benjamin, Le livre des Passages

Arrivé il y a peu à Grenoble, Zuo Hong Ning s’est mis à calligraphier des mantras sur des journaux gratuits récupérés dans la rue, à l’encre noire et de couleur, en couches superposées. Les grands rouleaux relèvent à la fois d’une tradition de l’art chinois et d’une pratique contemporaine, celle du détournement ; mais c’est aussi une manière de donner une nouvelle forme à un objet ou un moyen d’expression – autre principe cher à Marcel Duchamp. Plus continuité que rupture. Car l’œuvre est le fruit d’une méditation. Faire totalement le geste en n’étant que lui-même, entrer dans ce chemin d’existence. Intitulés Aphasies, ces grands panneaux expriment certes la difficulté d’un homme arrivé dans un pays dont il ne peut parler la langue. Mais un dialogue apparaît dans le temps et l’espace. Il se construit par superpositions légères, retournements des signes : une culture ancestrale sur un média de l’évènementiel le plus éphémère, un artiste dans cet « être-là ». Car le journal apparaît par intermittence, il ne peut être effacé. Il est le support sur lequel prend corps la pensée d’un étranger qui contemple ce monde. Par delà la beauté de l’œuvre, le regard plonge dans ses couleurs, du vif au noir d’une nuit qui nous saisit ; des grains argentés viennent enluminer par endroits le lieu d’un espoir.

On dirait la métaphore visible d’un déplacement. Sur le site de l’artiste, une vidéo le montre s’exerçant au tai chi en traçant de ses mains notre alphabet ; à nouveau le corps met en relation un ici et un ailleurs.

Une autre série intitulée Paysages intérieurs est peinte sur d’anciens paysages chinois. A l’inverse, c’est la peinture contemporaine qui vient réécrire le paysage traditionnel. Des techniques mixtes, des touches de couleurs, entre abstraction et figuration ; comment deviner que cette étrange buée autour d’une forme est produite par du vin rouge ? Parfois la soie vient encadrer l’œuvre, tel un signe d’origine.

Par ses palimpsestes Zuo Hong Ning ne cesse de créer des liens. Il s’inscrit dans l’histoire, laisse une autre trace, redonne vie et forme nouvelle à ce qui fut. Un art de la métamorphose porté par la méditation ; une mise en œuvre des contextes au cœur desquels se dessinent les empreintes de sa vie.

Au spectateur d’habiter la maison de l’artiste, internationale et profondément contingente. Il nous invite à une réflexion à tous les sens du terme : retourner en soi pour lâcher prise, ici et maintenant face à l’œuvre, tenter d’appréhender une vision, se plonger dans la beauté d’un détail. Contempler ce qui nous regarde, cet autre, ces signes, ces taches, si lointaines et si proches. Vivre en eux, se mettre dans leurs pas.

Merveille de l’art quand il devient ce qui nous relie.

Janine Lautier Desmazières