"La cité radieuse d'Eric Alfieri"

"Entrer dans l’atelier d’Eric Alfieri, c’est entrer au pays de DD ( pour Danse Dessin ou Dessin Danse). L’artiste dit être chorégraphe plasticien ; le danseur est ainsi dessinateur ( par ses formations : école d’art, école d’architecture), mais il est aussi peintre de la couleur, sculpteur, photographe, vidéaste – car il ne cesse de chercher des formes à l’univers qu’il prospecte, puisque c’est de la matière que naît l’être.

Dans les dessins de l’artiste, un seul trait dessine la tête, la main, le pied, et file en continu vers une autre tête, une autre main, un autre pied, délimitant dans le même jet, le corps et l’espace autour de lui, l’intérieur et l’extérieur.

Ce qui est au centre de son œuvre, c’est le vivant : être humain, animal, chimère... du minuscule au majuscule, de l’échelle de la cellule à celle de la cosmogonie, Eric Alfieri est en quête du vivant, des champs du possible, des limites entre ces champs ; par exemple il s’habille de ses peintures, il danse avec ses sculptures.

Explorant les passages d’un domaine à un autre, les superpositions de plan, les espaces paradoxaux où la surprise et souvent la joie se glissent, il retrouve des figures premières. Par exemple un polyptyque de femmes debout est dessiné avec des lignes qui évoquent les courbes de niveau des cartographes, et c’est Gaïa, déesse de la terre Mère, qui semble invoquée ; ou bien l’artiste sculpte des duos de combattants ( hockeyeurs, boxeurs...) et on pense à une Gigantomachie.

C’est l’univers de la métamorphose, celui des mythologies premières, mais aussi celui des poètes de la métaphore qui, à partir de deux entités communes, nous emportent dans un nouvel espace, décalé, mouvant et émouvant.

Les partenaires de DD sont les lieux qu’il habite pour une exposition, les spectateurs et le hasard, cher aux dadaïstes.

Mais bien des œuvres sont également des hommages : hommage aux scribes de l’art sumérien ( pour les rouleaux du film « le scribe »), hommage à Michel Ange ou à Bacon ( dans des photographies qui renvoient à leurs œuvres), hommage à Le Corbusier ( lors de sa résidence à Firminy dans les espaces imaginés par l’architecte).

La création est un palimpseste, réécriture constante, un feuilleté de ce qui a été vers ce qui sera.

Dans les derniers dessins d’Eric Alfieri, les corps sont émaillés de bouts de scotch, comme ceux qui permettent de faire tenir le papier Canson sur le mur, ou comme ceux qui font office de pansements sur nos bobos... DD se méfie des pontifes et du sérieux pontifiant !

Ces corps ont la forme de larges capes ( telles les capes utilisées par les bergers d’Asie ou celles des bergers sardes lorsqu’ils dansent, à l’occasion du carnaval, les rites de la fertilité -) ; ces corps - capes sont recouverts d’une multitude de visages et figurent de belle manière l’universalité qui habite tout être vivant.

Au cœur de cette universalité, le temps. Temps profane, temps sacré ou temps de l’intime, il se définit par des rythmes et des couleurs, espaces propices à la musique et au chant de la voix humaine qui accompagne les solos de DD.

Pour son exposition à Alter-Art, Eric Alfieri présente des œuvres à la dimension de l’espace, particulièrement de petites sculptures (comme des miniatures poétiques ou des statuettes d’orants ) aux pieds démesurés, socles de leur verticalité – duo, trio ou quartet de corps enchâssés, polychromes ou monochromes, dorés ou argentés, sur lesquels la lumière accroche et fait danser la matière."

Janine Desmazières - juin 2013

Le personnage aux deux bandes © Eric Alfieri

Couple © Eric Alfieri