Rue Saint Lô

"L’installation est saisissante. Trônent côte à côte, séparés par quelques millimètres, des portraits de « gens du quartier », à savoir de la rue Saint-Laurent. Si d’aventure on doutait de leur probité – ce qui est nullement le cas – on pourrait se dire qu’il s’agit d’un avis général de recherche accompagné des légendes « Wanted », « Reward 10 000 $ ».

Plus simplement, Fabrice Nesta conçut un jour l’idée de rendre présents par son art pictural des figures de la rue où est sis son atelier. Nous fûmes un certain nombre à subir l’épreuve de la séance photo, sans expression particulière, puis à nous voir discernés, retouchés par le regard de Fabrice.

Dans ce méli-mélo, il y a nécessairement de et du tout. Socialement parlant, on retrouve les catégories les plus diverses : conservateurs du patrimoine, enseignants retraités, épicier, gérante d’un café-musical, employé de la Maison pour tous, factrice, président de l’Union de quartier de la Rive droite…

Hommes et femmes y sont, je crois, représentés à égalité. Ce qui peut éventuellement étonner, c’est que nous soyons exposés dans une telle proximité. Alors que dans la réalité, nous ne nous coudoyons pas à ce point. Même si nos croisements sont quasi quotidiens et que nos sentiments d’appartenance à la rue sont fort voisins, on ne se confond point dans une vague multitude. Les liens sont fluctuants.

Pour ma part, j’éprouve autant de sympathie envers l’érudit, qu’envers le pseudo SDF avec lequel je vais égrener quelques accords musicaux. Ceci étant il manquera toujours du monde à l’appel. Sommes-nous représentatifs de ce qu’est la rue ? Par aléa, je suppose, par cet étrange hasard, ces « affinités électives », nous sommes conduit à tisser des liens d’amitié et de reconnaissance. À ce titre l’œuvre de Fabrice Nesta doit être saluée comme une performance."

Laurent Henrichs- septembre 2016

© Fabrice Nesta

© Fabrice Nesta