SAFARI URBAIN

Xavier Lambours

SAFARI URBAIN

Photographies de Sheila Bocchine, Philippe Bréson, Dominique Démaret, Xavier Lambours, Guillaume Pallat, Olivier Pasquiers, Pascale Peyret, Jean-Manuel Simoes, Pierre Terrasson, Thierry Valencin, Vivian van Blerk, Jacques Vekemans.

« Nous regarderons les bêtes et elles nous regarderont. » (Simone de Beauvoir, Les Mandarins)

Lieu de résidence artistique, de diffusion et de sensibilisation des publics à la photographie, La Capsule présente l’exposition Safari Urbain, un ensemble hétéroclite et décalé de plus de 120 images animalières. Questionnés sur leur vision du monde animal, Sheila Bocchine, Philippe Bréson, Dominique Démaret, Xavier Lambours, Guillaume Pallat, Olivier Pasquiers, Pascale Peyret, Jean-Manuel Simoes, Pierre Terrasson, Thierry Valencin, Vivian van Blerck et Jacques Vekemans ont chacun puisé dans leur travail une rencontre, un face-à-face... ou une hallucination.

Mais si vous pensiez venir examiner l’animal à l’abri de l’objectif et de la galerie, détrompez-vous. Du cabinet scientifique au zoo urbain en passant par l’invasion baroque des intérieurs, c’est l’animal qui vous fait face, vous observe et, si vous n’y prenez garde, viendra se glisser sous votre peau et vous agiter. D’ailleurs, faute de pouvoir garder les fauves en cage, la galerie s’ouvre sur la ville et y déverse animaux sur bâches et murs, bestioles sur stickers et cabines téléphoniques.

Car c’est aussi dans l’espace urbain contemporain du Bourget, devenu sauvage ou zoologique, que les relations de l’homme à l’animal se mettent en scène. A votre disposition, le guide Sham, expert ès conférences spectaculaires et chasses animalières, vous fait découvrir ce circuit aventure en une expédition urbaine, photographique et zoo-géographique.

« L’animal, débarrassé du souci de se définir est, simplement, idéalement, présent à lui-même.

D’où le célèbre vers de Mallarmé : « La nature n’est pas ; elle a lieu. » Thierry Valencin

Thierry Valencin se frotte à la présence animale dans toute sa pesanteur, son intemporalité et sa résistance. Son regard frontal, noir et blanc, nous pousse à un face-à-face avec le corps animal. Et ni la douceur du grain ni le flou singulier des images ne nous en protégeront. Olivier Pasquiers l’a compris, qui étire la présence, démultipliant les corps ou les prolongeant. Entre zootrope déglingué et photoshop à l’ancienne, les fragments noirs et blancs laissent le temps de dire, d’aboyer ou de ruminer. L’animal prend son temps et nous celui de l’observer.

Dans son élément ou dans le nôtre, qu’il soit chien, cochon ou caméléon, noir et blanc ou en couleur, l’animal chez Xavier Lambours tour à tour se fond dans le décor et jaillit sous notre nez. Difficile mise au point, nous passons de la confrontation crue à la coexistence pacifique. L’animal n’est jamais loin. Il se multiplie même comiquement dans la ville fiévreuse de Jean-Manuel Simoes. Un café avec singe affable ? Un accrochage zébré ?

Un éclat de Ratatouille sur vitrine ? Sagement peints et apprivoisés, ces doubles animaliers et fictionnels viennent, à notre insu, bercer absurdement notre quotidien.

Car de l’autre côté de la vitrine, c’est bien eux qui ont pris le pouvoir. Dans les décors baroques, colorés et foisonnants de Vivian van Blerk, un théâtre du monde, mi-humain mi-animal, s’offre à nous. Radeau de la Méduse ou rafiot de l’hippopo, ces cabinets de curiosités à l’ancienne se jouent des montages numériques et des fictions futuristes. Mais gare à la nature ! L’organique résiste. Et prolifère. Pascale Peyret l’a appris à ses dépens, dont les maquettes urbano-informaticielles ont été envahies par les germinations. Utopie ou dystopie, il conviendrait de se mettre d’accord, car plumes de calmars, dents de céphalopodes et yeux de poulpe chatoyants nous lorgnent d’un drôle d’air...

Dans le théâtre de Philippe Bréson, les crânes, témoins de rituels cérémoniels et scientifiques anciens, se mettent en scène. Ces fétiches noirs et blancs s’exposent du fond des âges, pris à tout jamais dans le tourbillon de forces maléfiques. Pendant ce temps, au Muséum national d’Histoire naturelle, une jeune ourse s’égare sous son voile de mariée, un mouflon patiente sous sa permanente, une famille pingouin fait le pied de grue sur son wagonnet. La digne faune mise en scène par Jacques Vekemans semble suspendue à la fin de la prise de vue. En un burlesque morbide, ce mammouth nous rappelle la vanité de toute chose – et de toute permanente ! D’ailleurs, Saint Bernard héros des enfants, Berger allemand sur son piédestal ou chien racé de compagnie, tous ont pris la pose éternelle. D’un gris au grain de ciment, les chiens de Dominique Démaret nous toisent du haut de leur socle immortel et font la nique aux conventions sociales et religieuses humaines.

Point de mort chez Sheila Bocchine. On est dans la vie organique et la couleur. Formes rampantes, grouillantes et pullulantes, les bestioles s’agitent dans une sale lumière d’aquarium. Et si l’on s’avise de remonter à la surface, c’est pour croiser à ras le sol des figures animales tout droit sorties d’Alice au Pays des Merveilles. Resurgis d’on ne sait quelle catastrophe, nous voilà du mauvais côté de la grille... Dans la ville de barres et de béton de Guillaume Pallat, transformée en zoo urbain, nos doubles flous, figurines en plastique bigarré, flottent – aussi indécis que nous.

Mais attention. Ça mord et ça gueule dans les images de Pierre Terrasson. La horde animale se presse à ras de tirage et il s’en faudrait de peu que les mâchoires tendues et les bouches en ventouse ne nous prennent à la gorge.

Informations pratiques :

Nous vous rappelons que le périphérique est interdit aux animaux de trait.

Pascale Peyret